Entre le Vice-président Mohamed Ali Soilihi et Mouigni Baraka, c'est le grand amour «Mon Dieu, gardez-moi de mes amis. Quant à mes ...
Entre le Vice-président Mohamed Ali Soilihi et Mouigni Baraka, c'est le grand amour
«Mon Dieu, gardez-moi de mes amis. Quant à mes ennemis, je m'en charge», dixit Voltaire. C'est exactement ce qui se passe aujourd'hui entre le Vice-président Mohamed Ali Soilihi et le Gouverneur Mouigni Baraka (Photo) de la Grande-Comore. Officiellement, les deux hommes sont parmi les principaux responsables de la fameuse Mouvance présidentielle et ses courants d'air. Ils sont censés s'aimer et se faire la bise sur les deux joues.
Pourtant, entre les deux hommes, c'est désormais «Je t'aime moi non plus». C'est que, dès la formation du ticket qui allait accéder au pouvoir à l'issue du deuxième tour de l'élection présidentielle le 26 décembre 2010, il était clair pour les plus avertis des observateurs et analystes politiques que Mohamed Ali Soilihi allait devenir le candidat du pouvoir en 2016. Perfides, certains jaloux et grincheux avaient ricané à l'époque et avaient méchamment prétendu sans la moindre preuve que Mohamed Ali Soilihi était mourant et qu'il allait passer au cimetière avant même l'investiture du Président Ikililou Dhoinine.
Depuis, la mangue qu'on disait sur le point de tomber du manguier est toujours accrochée à son arbre et ne donne aucun signe d'un fruit sur le point de tomber. Seulement, en politique, et surtout aux Comores, la ligne droite n'est jamais le plus court chemin pour aller d'un point à un autre. Ceci est d'autant plus vrai que dès qu'il s'est installé au Gouvernorat de la Grande-Comore le 21 mai 2011, l'ancien gabelou Mouigni Baraka n'a qu'une seule obsession en tête: poser ses affaires personnelles à la Présidence de la République. Pour arriver à ses fins politiques et présidentielles, il n'a pas lésiné sur les moyens, s'attribuant systématiquement le mérite de tout ce que le gouvernement de l'Union réalise à la Grande-Comore et se fâchant avec qui veut lui barrer la route.
C'est tout de même étrange parce que notre homme disait en 2010: «Le Docteur Ikililou Dhoinine est devenu un frère. Je suis prêt à me brouiller même avec un frère de sang pour sauvegarder ma fraternité sincère avec le Vice-président appelé à devenir Président. Quand nous serons élus tous les deux, lui à la Présidence de la République, moi au Gouvernorat de la Grande-Comore, nous aurons besoin l'un de l'autre pour travailler en bonne intelligence, dans l'intérêt du pays». Depuis, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts du Gnombéni et du Tratringa, car Mouigni Baraka a décidé de devenir Président des Comores en 2016, nolens volens. Ambitieux, va! Un moment, il avait même été pressenti pour être le dauphin du Président Ikililou Dhoinine, qui avait également envisagé l'option Azali Assoumani, avant de revenir à l'incontournable Mohamed Ali Soilihi, dont la crédibilité internationale est le meilleur atout.
De l'étranger, en effet, on le présente comme un grand homme d'État, surtout à la suite des gages qu'il donna sur certains dossiers compliqués et très techniques. Seulement, Mouigni Baraka ne voit pas les choses de cette façon, lui qui compte aussi de fervents soutiens dans certaines capitales étrangères, nonobstant son encombrante réputation de plus grand boxeur-catcheur comorien de tous les temps. Naturellement, le retour en grâce de Mohamed Ali Soilihi à la Présidence de la République est le pire des cauchemars pour le Gouverneur de la Grande-Comore, qui ne s'en cache même pas.
Alors, quand furent annoncés les résultats provisoires des élections du dimanche 22 février 2015, il fallait que la famille politique du Président de la République se parle les yeux dans les yeux. Que faire alors? Mohamed Ali Soilihi, le vrai patron de l'UPDC, le «parti cocotte-minute» qu'on ne présente plus, Mohamed Halifa jouant le Président putatif de la formation politique en question, prit son téléphone et appela le Gouverneur Mouigni Baraka pour l'inviter à une rencontre destinée à faire le point sur les scrutins des 25 janvier et 22 février 2015 et en tirer les conséquences politiques. Pour prouver qu'il est Empereur en son Royaume, Mouigni Baraka se lança dans une incroyable fuite en avant, juste pour faire un pied de nez au Vice-président Mohamed Ali Soilihi. Et c'est ainsi qu'il a organisé dans la précipitation la plus suspecte et dans la hâte la grosse mascarade consistant à recevoir les 23 Conseillers de la Grande-Comore, sans même attendre la validation de leur élection par la Cour constitutionnelle, la principale juridiction compétente en matière de contentieux électoral.
Pour lui, recevoir les Conseillers ce samedi 28 février 2015 n'était qu'une façon d'éviter Mohamed Ali Soilihi, lui dire qu'il refusait sa caporalisation et qu'il pouvait entrer en contact direct avec les Conseillers sans le Vice-président, dont il refusait le chaperonnage tutélaire. Avec un sens inné de la comédie, il présenta ses félicitations «les plus attristées» aux élus et traça un cadre de travail, sans évoquer un sujet qui préoccupe ces mêmes élus: le nécessaire remaniement de l'exécutif de l'île, de manière à tenir compte des résultats des élections des Conseillers de l'île. Mouigni Baraka se moque ouvertement des électeurs de la Grande-Comore, qui lui ont pourtant envoyé un message de colère pour lui signifier leurs doutes profonds envers une gouvernance qui n'a pas tenu ses promesses et qui n'a fait que des déçus. Mais, celui que les bonnes âmes surnomment «Le Tibétain» (allez savoir pourquoi) a d'autres soucis suicidaires en tête.
Mouigni Baraka est le vrai chef du RDC. Mohamed Ali Soilihi est le vrai chef de l'UPDC. Chacun assume son rôle et s'arcboute sur son parti pour en faire un moyen d'accession à la Présidence de la République en 2016. C'est de bonne guerre. En même temps, il y a les seconds couteaux, et ces seconds couteaux sont, sans jeu de mots malsain, à… couteaux tirés. En effet, l'ancien Député Djaé Ahamada Chanfi, l'homme-lige de Mouigni Baraka, battu dans la région Oichili-Dimani, ne décolère pas contre Adamou Mohamed, un des dirigeants de l'UPDC, menaçant de porter plainte contre lui et son parti, au prétexte que ce teneur de biberon de l'UPDC accuse ouvertement son parti d'avoir l'intention de «déstabiliser les institutions de l'État de Droit et de la démocratie dans notre pays». En effet, le mardi 24 février 2015, s'exprimant au nom de l'UPDC, dont il est le Superviseur, Mohamed Adamou a publié un communiqué au vitriol dans lequel il classe le RDC de Mouigni Baraka et Djaé Ahamada Chanfi dans la catégorie des organisations politiques antidémocratiques et antirépublicaines au même titre que le parti d'Ahmed Sambi, connu pour son hostilité virulente et viscérale à l'égard du régime politique actuel.
L'injure est très lourde surtout qu'elle est formulée dans les termes suivants, s'agissant de l'UPDC: «Elle espère que l'avènement de la nouvelle majorité parlementaire saura contribuer à freiner les pratiques et manœuvres dilatoires du RDC et du JUWA visant à déstabiliser les institutions de l'État de Droit et de la démocratie dans notre pays. Dans cet esprit, l'UPDC exhorte, enfin, les forces politiques éprises de liberté, de justice et de paix à se regrouper dans le cadre d'un front républicain, en vue d'œuvrer à la préservation de la stabilité institutionnelle, de l'unité nationale et des valeurs de la République». Cette injure faite au RDC n'est pas à l'honneur du parti politique de Mouigni Baraka et n'est pas faite pour apaiser les relations entre le Vice-président Mohamed Ali Soilihi et le brave Gouverneur de la Grande-Comore. En tout état de cause, pour l'instant, Mouigni Baraka évite soigneusement Mohamed Ali Soilihi et montre qu'il a peur de lui. Une peur bleue. Si toutes les alliances politiques sont comme ça aux Comores, il faudra penser à Voltaire, pour qui, il est plus facile d'affronter ses ennemis que ses amis.
ARM © lemohelien – Mardi 3 mars 2015.