Le Tout-Moroni est de nouveau dans une confusion politique totale, le sérail en ébullition Ceux qui ont vu Moncef Saïd Ibrahim depuis ...
Le Tout-Moroni est de nouveau dans une confusion politique totale, le sérail en ébullition
Ceux qui ont vu Moncef Saïd Ibrahim depuis le vendredi 20 mars 2015 jurent qu'il a sa tête des mauvais jours. Certains prétendent même qu'il est tellement préoccupé qu'il lui arrive de croiser une vieille connaissance sans lui présenter ses amabilités et ses salutations distinguées, et sans répondre aux siennes. Ce qui étonne, c'est que Moncef Saïd Ibrahim n'a pas pour habitude de manquer aux civilités. Il voit un frère ou une sœur? Il accourt et lui présente ses meilleures salutations et de la plus belle des manières. Pourquoi donc se comporte-t-il ainsi ces derniers temps? La raison en est très horriblement simple et terriblement complexe: le vendredi 20 mars 2015, à la radio, son grand frère le Prince Saïd Ali Kemal a déclaré sa candidature à l'élection présidentielle de 2016. Cette candidature présidentielle tombe sous le sens parce qu'elle est légitime et amplement justifiée, dans la mesure où le Prince Saïd Ali Kemal est «le disque dur» de la classe politique comorienne, son gardien du temple, sa mémoire vivante et l'un des acteurs politiques comoriens les plus intéressants. La nouvelle devrait donc réjouir le jeune frère Moncef Saïd Ibrahim.
Seulement, voilà, l'autre frère, Maître Fahmi Saïd Ibrahim, Président du Parti de l'Entente comorienne (PEC) et allié d'Ahmed Sambi, a des ambitions présidentielles depuis au moins 2010, année au cours de laquelle il voulait se présenter à la vice-présidence, jusqu'à ce que le même Ahmed Sambi lui parle perfidement de sa «jeunesse», lui demandant d'attendre 2016 pour «faire valoir ses droits» à la présidence de la République. Depuis, avec ou sans Ahmed Sambi, «le jeune» Maître Fahmi Saïd Ibrahim a fourbi ses armes présidentielles et piaffe d'impatience. Il est candidat à l'élection présidentielle de 2016. Attention. Comme on le sait désormais, en 2010, à Mohéli, presque tous les candidats à la présidence de la République avaient des relations de famille par trop directes qui avaient fait du scrutin présidentiel un exercice d'empoignades familiales dont les plaies n'ont pas encore cicatrisé. À Djoiezi, on en pleure encore. Ce fut une horreur, et certains à Mohéli souhaiteraient que plus un autre Mohélien ne devienne Président de la République si c'est pour voir des familles unies imploser pour de basses considérations politiciennes. Alors, il faudra qu'on sache comment deux frères peuvent être candidats à la même élection sans provoquer des dégâts irréparables. Cela explique l'affichage par Moncef Saïd Ibrahim de sa tête des mauvais jours parce que, face à la candidature des deux frères, il va vivre un dilemme cornélien qu'il souhaiterait ne pas affronter. Une candidature par famille, ça suffit. Alors, deux frères dans la même élection, c'est un suicide politique et familial.
À l'annonce de la candidature du Prince Saïd Ali Kemal, ce parfait connaisseur des arcanes politiques des Comores garda son sérieux avant de lancer: «Je connais très bien le Prince Saïd Ali Kemal. Je sais que c'est un homme d'État qui a la politique chevillée au corps. Je sais que le pays lui doit beaucoup parce qu'il est un patriote sincère et désintéressé. Mais, faut-il prendre au sérieux l'annonce de cette énième candidature? Je ne crois pas. Je le vois juste en train de faire monter les enchères politiques pour prendre date. Il a déjà été candidat à des élections présidentielles. Il a déjà annoncé sa candidature présidentielle, notamment en 2006, puisqu'il est de mère anjouanaise, 2006 étant l'année où c'était l'île d'Anjouan qui fournissait les candidats à la présidence. Mais, en 2006, il n'était pas allé au bout de son projet de candidature à l'élection présidentielle. Cette annonce de candidature présidentielle pour 2016 n'aura pas de suite, surtout que le Prince Saïd Ali Kemal sait que c'est lui qui doit chaperonner celle du jeune frère Fahmi Saïd Ibrahim, et chez nous à la Grande-Comore, il est des règles de famille qu'on ne transgresse jamais si on veut rester un homme de bonne famille et de la bonne société au sens grand-comorien du terme».
En même temps, il faut faire attention parce que le Prince Saïd Ali Kemal est un homme sérieux, qui ne se lance pas dans des effets de manche juste pour amuser le tapis. S'il a déclaré sa candidature, c'est pour être vraiment candidat et c'est parce qu'il est vraiment candidat. Pour l'instant, ceux qui ont parlé à Moncef Saïd Ibrahim disent que quand on évoque le sujet en sa présence, l'homme d'Itsandra garde son calme olympien et se contente de dire: «Khaïr, Incha Allah», «le bien, par la volonté de Dieu». C'est une belle façon d'esquiver des questions empoisonnées, mais ce n'est pas avec ce genre d'échappatoires diplomatiques dignes de notre fin et habile diplomate qu'une réelle solution sera trouvée à cet épineux problème. Ceux qui connaissent le Prince Saïd Ali Kemal savent que c'est une personnalité très attachante, crédible et dont la candidature bénéficiera d'un soutien sans failles sur toutes les îles, surtout à Mohéli, notamment en souvenir et en reconnaissance du père, le Prince Saïd Ibrahim Ben Saïd Ali, ancien Président du Conseil du gouvernement.
Comme une œuvre humaine n'est jamais parfaite dans l'absolu, la seule fausse note dans la déclaration de candidature présidentielle du Prince Saïd Ali Kemal réside dans une volonté de démarcation par rapport à Ahmed Sambi, au point de dire qu'il n'a jamais serré la main de ce dernier. Or, le 1er novembre 2014, quand le parti politique d'Ahmed Sambi célébra son premier anniversaire dans une demeure du Prince Saïd Ibrahim Ben Saïd Ali à Moroni, la présence du Prince Saïd Ali Kemal sur les lieux était très remarquée, et sur la photo illustrant cet article, on le voit bien assis aux côtés d'Ahmed Sambi, tandis que de l'autre côté de l'ancien chef de l'État, celui-ci n'est séparé de Maître Fahmi Saïd Ibrahim que par Ibrahim Mohamed Soulé, le secrétaire général du Parti unipersonnel des Consanguins et de la Consanguinité politique. Ce jour-là, dans un élan de fanfaronnade et de forfanterie, Ahmed Sambi avait prétendu qu'il était tellement irrésistible que tout le monde l'admirait, y compris le Prince Saïd Ali Kemal. Dès lors, est-il raisonnable de croire qu'en homme très bien éduqué, courtois et qui connaît les bonnes règles du savoir-vivre, notamment pour avoir dirigé l'Ambassade des Comores à Paris, le Prince Saïd Ali Kemal n'avait pas serré la main d'Ahmed Sambi, aux côtés de qui il était donc assis? Au-delà de la réponse à la question, il faudra sérieusement se pencher sur cette affaire de deux frères qui devront s'affronter au cours de la même élection, au risque de diviser leur famille.
Au moment où le Prince Saïd Ali Kemal a décidé de se jeter dans la fosse aux lions, l'ancien Vice-président Idi Nadhoim s'est hissé hors de celle-ci, en décidant de ne pas se présenter à l'élection présidentielle de 2016. C'est lui-même qui l'a annoncé à un certain nombre de personnes. Ce revirement spectaculaire est très étonnant parce que l'ancien Vice-président n'avait pas fait dans la dentelle, lui qui avait déjà commencé à travailler sur son projet présidentiel depuis 2014, et ce, à partir de la France, où il peut se targuer de compter de nombreux partisans, essentiellement originaires de la région du Mbadjini et de la ville de Foumbouni, sa région et sa ville d'origine. L'annonce du retrait de la candidature d'Idi Nadhoim a donné des ailes à la palabre, à un moment où certains à Foumbouni et ailleurs dans le Mbadjini voulaient une entente entre Maître Saïd Larifou, Président du RIDJA, et Idi Nadhoim pour le retrait de la candidature de l'un en faveur de l'autre. On pouvait s'attendre à un rangement d'Idi Nadhoim derrière Maître Saïd Larifou. Or, dans l'état actuel des choses, l'ancien Vice-président s'est complètement libéré des pesanteurs sociologiques de sa ville et de sa région, posant le problème de son engagement politique en termes nationaux. Il est allé au-delà de la famille, de Foumbouni et de la région de Mbadjini. Pour l'instant, rien n'est encore définitif, mais ce positionnement va causer des maux de dents dans des cénacles politiques qui croient que ce qui n'est pas blanc est noir, et ce qui n'est pas noir est blanc. La confusion règne de nouveau dans le sérail politique, alors que le Conseil de l'Île de la Grande-Comore est dans un désordre total.
ARM
© www.lemohelien.com – Mardi 24 mars 2015.