Mohamed Abdou Soimadou, de la dictature du prolétariat à la dictature de presse

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«Honnêtement, nous devons penser à restaurer notre bonne vieille dictature» La fameuse boutade est du grand Mihidjay Soilihi dit « Auto...

«Honnêtement, nous devons penser à restaurer notre bonne vieille dictature»


La fameuse boutade est du grand Mihidjay Soilihi dit «Autorité» ou «Auto», alors Administrateur du Palais présidentiel à Mohéli. C’était en 1992, sous la présidence de Saïd Mohamed Djohar, en pleine «démo-crise» (Ymadoudine Hamidoune), «démocrature» (Edouardo Galeano et Max Liniger-Goumaz) et «démo-crachat» (Saïd Mohamed Djohar) qu’il avait lancé son mot d’ordre ironique et ravageur: «Nous avons fait le bilan de deux années de démocratie et honnêtement, nous devons penser à restaurer notre bonne vieille dictature». 


Naturellement, les bien-pensants, les chantres de la bien-pensance et les impatients avaient crié à la nostalgie et à l’apologie de la dictature, alors que l’homme de Djoiezi se moquait ouvertement de la fameuse «démocratie» gendrocratique instaurée par Saïd Mohamed Djohar, et daubait sur les «convictions démocratiques» des politiciens Comoriens. 22 ans plus tard, Mohamed Abdou-Soimadou, emblématique militant du Front démocratique (FD) et de sa «Démocratie Nouvelle», donne à la planète entière une leçon d’anthologie sur la manière de passer de la dictature du prolétariat, son dada à l’époque, à la dictature de presse, aujourd’hui. Sa dernière sortie est du pire effet, et relève de la pire des manières parce qu’elle s’attaque à l’un des piliers de l’État de Droit et de la démocratie: les droits de l’Homme en général, et la liberté de la presse, en particulier. L’homme qui nous a enseigné au Lycée de Fomboni, Mohéli, les deux à trois mots de la langue française que nous connaissons, Jean-Jacques Rousseau et le peu que nous savons en matière de rédaction s’en prend à une jeune journaliste, Faïza Soulé Youssouf (Photo), et la licencie de «son» journal Al-Watwan au prétexte que celle-ci n’aurait pas regagné à temps son poste après son congé. 

Or, la journaliste a respecté toutes les dispositions légales et règlementaires sur les congés, et cela est bien explicité dans la lettre que les journalistes d’Al-Watwan ont adressée à leur satrape, en signe de solidarité avec leur collègue: «À titre de rappel, Faiza Soulé Youssoufa dû reporter son départ de congé (pour des raisons de santé), à la demande expresse de la Rédactrice en chef, Saminya Bounou, étant donné que de nombreux journalistes étaient, au même moment, soit en formation à l’extérieur, soit en permission. Quel bel exemple de dévouement! Une fois partie à l’extérieur, elle s’est scrupuleusement conformée aux conseils que vous lui avez prodigués avant son départ, en vous adressant, notamment, un certificat médical en bonne et due forme (son médecin traitant avait requis un placement sous surveillance de deux mois). Le fait que ce document soit écrit en anglais ne peut aucunement servir de motif valable pour lui dénier la qualité de preuve matérielle. Malgré vos entretiens avec les “doyens” de la maison qui, avec insistance, vous ont invité à revenir à de meilleurs sentiments, vous persistez toujours dans votre volonté de renvoyer Faiza Soulé Youssouf (la note de licenciement vient d’être signée à l’heure où nous écrivons ces lignes). Une fois encore, nous estimons que votre décision (d’une gravité inouïe) n’est pas proportionnelle à la faute prétendument commise. Et nous rendons ici un vibrant hommage à la Directrice adjointe du journal, Saminya Bounou, et au Directeur administratif et financier (DAF), Mohamed Taoufik Thabit, qui se démarquent ouvertement de votre position. Vous ne pouvez pas avoir raison contre tous les autres!».
    

Seulement, il fallait compter avec la volonté de Mohamed Abdou-Soimadou de virer une journaliste dont les prises de position ne correspondent pas à la momification intellectuelle à la naphtaline et au formol dans laquelle est tombé l’ancien révolutionnaire Mohamed Abdou-Soimadou qui, aujourd’hui, désespère tous ses anciens élèves de Mohéli, qui avaient tous cru en lui, aveuglément même. Quelle tristesse! En réalité, Mohamed Abdou-Soimadou est dans le répertoire classique du parfait dictateur de village comorien, qui ne connaît qu’une seule sanction administrative: le licenciement. Il ne s’agit pas de révocation, fondée légalement, mais d’un licenciement, mesure arbitraire par définition. En plus, les journalistes d’Al-Watwan, dans leur intelligente correspondance républicaine adressée à leur propre dictateur, expliquent que la prise de mesures de licenciement est conditionnée quand même à une procédure administrative: «Nous venons d’apprendre avec consternation votre décision de licencier notre consœur Faiza Soulé Youssouf, journaliste à Al-Watwan depuis novembre 2012, pour “abandon de poste”. 

 Nous voudrions vous exprimer, par la présente, notre vive opposition à cette décisiondont les motifs nous paraissent mal fondés, en tout cas pas assez solides pour justifier cette “fatwa”. Au-delà du cas deFaiza Soulé Youssouf, votre mesure, à laquelle le Conseil d’administration du journal n’a pas été associé, nous interpelle par son caractère brutal, unilatéral et illégal». Tout ça est vrai. Le seul reproche qu’on pourrait faire aux journalistes d’Al-Watwan, c’est qu’ils n’ont pas explicité une exigence administrative fondamentale: avant d’être licenciée «sans gâteau», il aurait fallu que Faiza Soulé Youssouf soit entendue par son tombeur, car le licenciement dont elle fait l’objet de manière arbitraire et dictatoriale est un acte administratif individuel d’une brutalité excessive. Et, en vertu du principe du droit de la défense, on ne peut jamais condamner une personne avant d’avoir entendu sa version des faits. N’importe quel étudiant comorien en Droit peut l’expliquer à Mohamed Abdou-Soimadou.
   
Les Comoriens sont très indignés par la dictature personnelle de Mohamed Abdou-Soimadou. Mais, une fois de plus, ils pèchent par incapacité d’envisager la mesure dictatoriale visant Faiza Soulé Youssouf de manière systémique, lui donnant une simple connotation événementielle, celle d’un banal fait divers. Or, l’injustice subie par la journaliste Faiza Soulé Youssouf est un élément parmi les éléments qui caractérisent le naufrage de l’État de Droit et de la démocratie aux Comores, où n’importe quel satrape de douar et de village peut s’arroger le droit de détruire la carrière et la vie des Comoriens par simple caprice. Nous vivons encore cela à travers le drame personnel vécu par le Général Salimou Mohamed Amiri, accusé à tort d’un crime commis par Ahmed Sambi, acquitté par une Justice qui n’a rien à lui reprocher, mais qui continue à subir les diktats des autorités comoriennes, alors qu’il est innocent.
   
De fait, Faiza Soulé Youssouf n’a pas à rougir quand elle prend des positions républicaines et citoyennes sur les malheurs des Comoriens, qui sont aussi ses malheurs. Bien au contraire, c’est à son honneur. Elle fait un métier respectable de manière respectable et responsable, et cela ne constitue pas, sur le plan légal, un motif de licenciement. Cela, les journalistes d’Al-Watwan le disent dans leur cinglante correspondante à leur dictateur de douar: «Nous nous interrogeons, par ailleurs, sur les motivations réelles de ce licenciement depuis que, en face de trois responsables d’Al-Watwan, vous avez déclaré, sans aucune précaution langagière, que c’était ‘‘une aubaine pour vous débarrasser’’ de Faiza Soulé Youssouf. Nous comprenons que les prises de position publiques de la journaliste sur des sujets aussi divers que la crise d’électricité et la liberté d’expression puissent, un moment, vous gêner, mais, de grâce, la gestion du journal Al-Watwan ne peut pas être une affaire d’humeur. Nous vous demandons, au nom de l’ensemble de la Rédaction, de bien vouloir procéder à une annulation pure et simple de votre mesure de licenciement à l’encontre de Faiza Soulé Youssouf. Dans le cas contraire, nous envisageons d’observer un arrêt de travail les jours à venir en guise de solidarité avec notre consœur, victime d’une lecture biaisée et subjective du droit, mais surtout d’un acharnement injustifié».

   Ce qui fait rire, c’est que Faiza Soulé Youssouf, sans aller jusqu’à faire l’apologie du génocidaire Pol Pot et de son Kampuchéa démocratique, et sans vénérer le dictateur autarcique Enver Hodja d’Albanie, comme le faisaient Mohamed Abdou-Soimadou et ses amis de l’ASÉC et du Front démocratique dans l’Antiquité de leur vie, réclame juste une vie normale pour les Comoriens. C’est quand même triste de voir Mohamed Abdou-Soimadou renier tous les idéaux de son combat de militant des années 1970-1980. Aujourd’hui, on comprend pourquoi le FD a combattu le monolithisme politique et est mort avec lui en 1990. Il est également triste de constater que les méthodes dictatoriales de Mohamed Abdou-Soimadou – empruntées à ses idoles Pol Pot et Enver Hodja – tranchent avec le propos de son ancien élève, le Président Ikililou Dhoinine qui, dans son discours de lancement de la campagne électorale, a demandé à ce que celle-ci se déroule dans «le calme et la sérénité», «en toute liberté».

 Le même ancien élève de Mohamed Abdou-Soimadou devenu Président de la République avait également demandé à un certain nombre d’institutions publiques, dont «le Conseil national de la Presse et de l’Audiovisuel (CNPA) et le ministère de l’Intérieur», à«exercer leur responsabilité et accomplir leur mission sans aucune entrave, et pour que les élections se tiennent dans les meilleures conditions, dans la transparence et l’égalité». Quel contraste entre le discours de l’ancien élève et les pratiques dictatoriales de l’ancien Professeur! On aimerait quand même connaître la position du lacrymogène et fraudeur Houssen Hassan Ibrahim, fêtard et viveur ministre de l’Intérieur, de l’Information, de la Décentralisation, chargé des Relations avec les Institutions (ouf! Ouf!), le ministre de tutelle du journal gouvernemental Al-Watwan.

Par ARM
© www.lemohelien.com – 1er janvier 2015.
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