Le choc est rude. La décision de la CAF de retirer au Maroc l'organisation de la CAN 2015 divise au sein du royaume : si la majorité ...
Le choc est rude. La décision de la CAF de retirer au Maroc l'organisation de la CAN 2015 divise au sein du royaume : si la majorité se montre solidaire de l'attitude du gouvernement, l'incompréhension face aux arguments utilisés par ce dernier est palpable. Un sentiment prédomine désormais : la peur que les sanctions des instances africaines ne plongent le football marocain dans le coma.
Dès que le communiqué du ministère des Sports a annoncé le maintien de la demande de report, le Maroc a craint que l'intransigeance de la CAF ne le prive de la fête. Dans les rues comme sur les réseaux sociaux, chacun a évacué son stress comme il a pu. Certains ont insulté les Algériens qui les chambraient. D'autres se sont moqués du communiqué, bourré de fautes d'orthographe, ou ont pris le parti d'en rire (« Le Maroc va s'organiser sa CAN perso avec les 16 clubs du championnat », entre autres blagues vaseuses). Et le pire est arrivé.
« La santé des Marocains passe avant le football, s'exclame Mohamed Karim, chauffeur de taxi à Casablanca. Le risque d'épidémie est important, Ebola inquiète dans le monde entier et nos dirigeants ont eu raison d'agir dans l'intérêt du peuple. » Assis à côté de lui, Talal, professeur de philosophie, renchérit avec une pointe de rage en prime : « La CAF et ses lobbys ont privilégié leurs intérêts financiers et sanctionnent le Maroc pour avoir voulu se protéger. Le report était la meilleure solution, ils sont irresponsables ! » En dépit de cette solidarité affichée par la plupart d'entre eux, les incohérences de l'argument Ebola sont évidentes et plusieurs Marocains expriment clairement leurs suspicions. Sofia, dentiste de profession, moue boudeuse et écharpe du Raja Casablanca autour du cou, énumère les contradictions : « Le Maroc n'a pas fermé les lignes aériennes avec les pays touchés par Ebola. La Guinée joue ses matchs de qualifications de la CAN chez nous, à Casablanca. Cerise sur le gâteau, la Coupe du monde des clubs (maintenue en décembre à Marrakech et Rabat) n'est pas annulée. Ces faits n'ont pas échappé à la CAF. Il y a de quoi se poser des questions, surtout quand des indiscrétions fuitent dans les médias. » Ces indiscrétions incarnent pour certains la vraie raison pour laquelle le Maroc voulait reporter : la manne financière que représente le tourisme est trop importante pour le pays et tout risque de compromettre cette manne, aussi infime soit-il, doit être écarté. Le sentiment général est parfaitement résumé par Fatima Bartali, journaliste de Maroc Football : « La raison évoquée par le royaume est légitime. La psychose qui aurait entouré la compétition aurait été difficile à vivre. Mais il y a sûrement d'autres raisons qui ont motivé cette décision. »
Critiqués depuis 2012, les Lions de l'Atlas suscitaient un enthousiasme modéré avant leur disqualification. Bouchaieb, membre du groupe d'ultras du Wydad Casablanca Winners 05, détaille : « Bien sûr qu'on allait être à fond derrière la sélection. Mais on est à la rue depuis des années, au fin fond du classement FIFA (88e actuellement, le Maroc est la 24e nation africaine). Les leçons des CAN 2012 et 2013 (éliminations au 1er tour) n'ont pas été tirées. L'équipe est bancale et on essaie de nous faire croire qu'on est fin prêts parce qu'on a battu le Qatar et la Centrafrique en match amical ! On a échappé au ridicule mais ça ne fait que commencer. Si on est condamnés à jouer uniquement des matchs amicaux pendant des années, comment donner envie aux jeunes binationaux de choisir la sélection marocaine ? Ils vont tous faire comme El Haddadi et Bellarabi, qui ont choisi de jouer pour l'Espagne et l'Allemagne. » Après le retrait et la disqualification de la CAN, le Maroc risque également 4 ans de suspension maximum de toute compétition continentale par la CAF. Dans un pays où le football de club pèse lourd, la sélection est oubliée de la liste des inquiétudes. Interrogé en marge du match KAC Kénitra-Raja (8e journée de la Botola Pro, le championnat du Maroc), Driss, membre des Ultras Helala Boys de Kénitra, expose sa crainte : « Une sanction serait une catastrophe pour notre championnat. Notre adversaire du jour, le Raja, a fini à la 2e place la saison dernière. Il ne peut pas valoriser son statut si on l'empêche de participer à la Ligue des champions. Le club perdra de l'argent, l'équipe ne pourra pas se mesurer aux grosses cylindrées du continent et ne va pas s'améliorer. Si les locomotives de la Botola perdent leur motivation et leurs chances de progresser, ça nuit aux compétitions locales. Nos clubs n'ont pas fait long feu dans les coupes africaines ces dernières années. Cela ne va pas s'arranger en les empêchant de jouer ! »
Cette marginalisation ralentirait surtout l'évolution des jeunes générations au Maroc. Le sélectionneur des U23, Hassan Benabicha, en stage avec ses protégés au Centre national de Maamoura, craint tout simplement l'anéantissement de plusieurs années de travail : « C'est un déchirement. Le groupe est focalisé depuis des mois sur un objectif précis : le barrage pour les JO 2016 (prévu en juillet prochain contre le Soudan ou la Tunisie). Une suspension du Maroc nous élimine automatiquement et aucun recours n'est possible vu que les éliminatoires concernent la CAF, pas le CIO. Les joueurs sont perturbés par les événements. La déception serait immense d'être pénalisé par cette affaire. » Une mise en hibernation pure et simple du football national que tout le monde redoute. À présent, les Marocains espèrent que la CAF fera preuve de clémence. La souffrance de suivre la CAN 2015 à la télé est déjà suffisamment forte.
La vraie-fausse raison Ebola
« La santé des Marocains passe avant le football, s'exclame Mohamed Karim, chauffeur de taxi à Casablanca. Le risque d'épidémie est important, Ebola inquiète dans le monde entier et nos dirigeants ont eu raison d'agir dans l'intérêt du peuple. » Assis à côté de lui, Talal, professeur de philosophie, renchérit avec une pointe de rage en prime : « La CAF et ses lobbys ont privilégié leurs intérêts financiers et sanctionnent le Maroc pour avoir voulu se protéger. Le report était la meilleure solution, ils sont irresponsables ! » En dépit de cette solidarité affichée par la plupart d'entre eux, les incohérences de l'argument Ebola sont évidentes et plusieurs Marocains expriment clairement leurs suspicions. Sofia, dentiste de profession, moue boudeuse et écharpe du Raja Casablanca autour du cou, énumère les contradictions : « Le Maroc n'a pas fermé les lignes aériennes avec les pays touchés par Ebola. La Guinée joue ses matchs de qualifications de la CAN chez nous, à Casablanca. Cerise sur le gâteau, la Coupe du monde des clubs (maintenue en décembre à Marrakech et Rabat) n'est pas annulée. Ces faits n'ont pas échappé à la CAF. Il y a de quoi se poser des questions, surtout quand des indiscrétions fuitent dans les médias. » Ces indiscrétions incarnent pour certains la vraie raison pour laquelle le Maroc voulait reporter : la manne financière que représente le tourisme est trop importante pour le pays et tout risque de compromettre cette manne, aussi infime soit-il, doit être écarté. Le sentiment général est parfaitement résumé par Fatima Bartali, journaliste de Maroc Football : « La raison évoquée par le royaume est légitime. La psychose qui aurait entouré la compétition aurait été difficile à vivre. Mais il y a sûrement d'autres raisons qui ont motivé cette décision. »
Un préjudice sportif à craindre ?
Critiqués depuis 2012, les Lions de l'Atlas suscitaient un enthousiasme modéré avant leur disqualification. Bouchaieb, membre du groupe d'ultras du Wydad Casablanca Winners 05, détaille : « Bien sûr qu'on allait être à fond derrière la sélection. Mais on est à la rue depuis des années, au fin fond du classement FIFA (88e actuellement, le Maroc est la 24e nation africaine). Les leçons des CAN 2012 et 2013 (éliminations au 1er tour) n'ont pas été tirées. L'équipe est bancale et on essaie de nous faire croire qu'on est fin prêts parce qu'on a battu le Qatar et la Centrafrique en match amical ! On a échappé au ridicule mais ça ne fait que commencer. Si on est condamnés à jouer uniquement des matchs amicaux pendant des années, comment donner envie aux jeunes binationaux de choisir la sélection marocaine ? Ils vont tous faire comme El Haddadi et Bellarabi, qui ont choisi de jouer pour l'Espagne et l'Allemagne. » Après le retrait et la disqualification de la CAN, le Maroc risque également 4 ans de suspension maximum de toute compétition continentale par la CAF. Dans un pays où le football de club pèse lourd, la sélection est oubliée de la liste des inquiétudes. Interrogé en marge du match KAC Kénitra-Raja (8e journée de la Botola Pro, le championnat du Maroc), Driss, membre des Ultras Helala Boys de Kénitra, expose sa crainte : « Une sanction serait une catastrophe pour notre championnat. Notre adversaire du jour, le Raja, a fini à la 2e place la saison dernière. Il ne peut pas valoriser son statut si on l'empêche de participer à la Ligue des champions. Le club perdra de l'argent, l'équipe ne pourra pas se mesurer aux grosses cylindrées du continent et ne va pas s'améliorer. Si les locomotives de la Botola perdent leur motivation et leurs chances de progresser, ça nuit aux compétitions locales. Nos clubs n'ont pas fait long feu dans les coupes africaines ces dernières années. Cela ne va pas s'arranger en les empêchant de jouer ! »
Les Espoirs ne verront pas Rio
Cette marginalisation ralentirait surtout l'évolution des jeunes générations au Maroc. Le sélectionneur des U23, Hassan Benabicha, en stage avec ses protégés au Centre national de Maamoura, craint tout simplement l'anéantissement de plusieurs années de travail : « C'est un déchirement. Le groupe est focalisé depuis des mois sur un objectif précis : le barrage pour les JO 2016 (prévu en juillet prochain contre le Soudan ou la Tunisie). Une suspension du Maroc nous élimine automatiquement et aucun recours n'est possible vu que les éliminatoires concernent la CAF, pas le CIO. Les joueurs sont perturbés par les événements. La déception serait immense d'être pénalisé par cette affaire. » Une mise en hibernation pure et simple du football national que tout le monde redoute. À présent, les Marocains espèrent que la CAF fera preuve de clémence. La souffrance de suivre la CAN 2015 à la télé est déjà suffisamment forte.