Chronique «DANS LE BLANC DES YEUX», quatrième livraison Du mardi 11 novembre 2014 au samedi 15, j’ai séjourné à Mayotte pour répondre ent...
Chronique «DANS LE BLANC DES YEUX», quatrième livraison
Du mardi 11 novembre 2014 au samedi 15, j’ai séjourné à Mayotte pour répondre entre autres, à une invitation de notre Association, Espace Anjouan-Mayotte pour l’Harmonie et la Concorde, créée au mois de juin 2012 à Mayotte conformément à la loi type 1901 relative au mouvement associatif dans la République française. Je devais également discuter en Conseil d’Administration de notre structure d’un certains nombre de points inscrits à l’ordre du jour dont fondamentalement le projet d’une œuvre symbolisant la vocation de l’Association mais aussi du drame des dizaines des milliers d’Anjouanais en particulier qui ont péri dans le bras de mer entre Anjouan et Mayotte depuis 1975. D’ailleurs, le défilé des migrants en direction de l’Ile Hippocampe est loin de s’achever. En effet, à compter de la date de l’instauration des mesures de restriction des Comoriens des trois îles sœurs sur Mayotte, l’on dénombre au bas mot plus de dix mille morts mais on feint d’occulter la période d’avant l’imposition par la France du Visa dit «Balladur». Il ya eu beaucoup plus de victimes. La différence, la seule d’ailleurs, est que personne ne disait mot dans la période allant de 1975 à 1995. Anjouan déjà, connaissait la valse des embarcations légères de «nationalité anjouanaise» vers Mayotte, et leur lot de drames humains. Est il nécessaire de rappeler que ces personnes ne sont pas des délinquants, ni même des voyous; il s’agit des victimes de la tyrannie et de toutes sortes de privation au départ et par la suite d’une misère et d’une pauvreté aux conséquences socioéconomique dévastatrices pour le commun des Comoriens, pour ne parler que de nous. Le seul tort des candidats au départ est d’avoir un jour voulu quitter leur île natale soit pour aller mettre leur vie à l’abri à Mayotte, pour aller chercher des perspectives d’avenir. C’est là un crime de notre société contre l’humanité. Nous tenons à ce que cela soit dit et gravé sur le marbre. Tel est le sens entre autres de mon déplacement à Mayotte.
Le projet à ce stade précis d’Espace Anjouan-Mayotte pour l’Harmonie et la Concorde est de réaliser cette œuvre très importante en espérant bien obtenir une journée symbolique de commémoration quand bien même elle ne serait pas fériée. Mais, pourquoi ne pas programmer pendant le mois de Maoulid une prière à dédier aux naufragés en mer ou autrement une rituelle de prières et de recueillements qui soit perpétuée en leur hommage. Le Bureau d’Espace Anjouan-Mayotte pour l’Harmonie et la Concorde a estimé à juste titre que l’île d’Anjouan, servant de point de départ des cortèges funèbres des «kwassas» (embarcations de fortune) vers Mayotte, transformant les foyers et ménages Anjouanais constamment en chapelle ardente car meurtri s par la perte d’un des leurs, a choisi Anjouan à l’unanimité de ses membres comme le site le mieux approprié pour accueillir le mémorial stèle des morts et disparus en mer de nos compatriotes.
Plus choquante est l’idée de vouloir à tout prix ériger ce monument aux morts à Moroni, sans la moindre concertation, et en décalage des vraies réalités entre les décideurs, le mouvement associatif, la société civile et surtout mais surtout Anjouan qui de jour comme de nuit paie un lourd tribut dans ce fléau et se bat avec des moyens inexistants pour trouver des remèdes à ces sinistres à répétition, à travers des campagnes de sensibilisation, d’indignation et de dénonciation tout en recherchant les mécanismes pour conjurer le mal autour du littoral anjouanais et des filières mafieuses. Le devoir de mémoire nous interpelle tous afin que les sacrifices de nos migrants ne soient pas vains de même que les milliers de questions que nous pouvons nous poser dans notre conscience sur ces tragédies en série.
Entre 2012 et 2013 en une année civile, Espace Anjouan-Mayotte pour l’Harmonie et la Concorde a eu à gérer et à inhumer, en étroite collaboration avec les services de la Préfecture de Mayotte, cinquante six corps (femmes adultes, hommes, seniors, enfants et même des nourrissons), et nous déplorons à ce jour des milliers des disparus dans les eaux mahoraises. À travers notre démarche, Espace Anjouan-Mayotte entend faire la lumière sur les non-dits de ce sombre pan de notre Histoire que les médias ont fait passer sous silence pour que ça ne soit pas oublié.
J’ai fait moi-même l’expérience des 3 exils politiques sur Mayotte par voie de mer et je suis un témoin privilégié de ces douloureuses traversées en mer entre Anjouan et Mayotte: en 1978 sous le Président Ali Soilihi sous la dictature de la garde prétorienne «Commando Moissi», sous Colonel Saïd Abeid Abderemane en 1999, et sous le mandat de l’ex-Président Ahmed Sambi en 2008. Devant la démission, l’inefficience, l’indifférence, l’oubli et surtout devant le dénigrement d’Anjouan par les pouvoirs publics comoriens, la société civile comorienne et nos partenaires extérieurs, néanmoins, je rends un hommage appuyé à mon frère Siradji Eddine de Marseille ainsi qu’aux autres qui l’entourent et ils sont nombreux à avoir été tous inspirés à l’idée de créer cette structure pour venir en aide à nos compatriotes et assister à la communauté étrangère résidant à Mayotte afin de leur donner une sépulture digne en terre d’Islam, à Mayotte.
Par Djaanfar Salim Allaoui
Ancien Vice-Premier ministre des Comores
Ancien ministre de l’Intérieur de l’Île autonome d’Anjouan (2002-2008)
© www.lemohelien.com – Mercredi 19 novembre 2014.
Du mardi 11 novembre 2014 au samedi 15, j’ai séjourné à Mayotte pour répondre entre autres, à une invitation de notre Association, Espace Anjouan-Mayotte pour l’Harmonie et la Concorde, créée au mois de juin 2012 à Mayotte conformément à la loi type 1901 relative au mouvement associatif dans la République française. Je devais également discuter en Conseil d’Administration de notre structure d’un certains nombre de points inscrits à l’ordre du jour dont fondamentalement le projet d’une œuvre symbolisant la vocation de l’Association mais aussi du drame des dizaines des milliers d’Anjouanais en particulier qui ont péri dans le bras de mer entre Anjouan et Mayotte depuis 1975. D’ailleurs, le défilé des migrants en direction de l’Ile Hippocampe est loin de s’achever. En effet, à compter de la date de l’instauration des mesures de restriction des Comoriens des trois îles sœurs sur Mayotte, l’on dénombre au bas mot plus de dix mille morts mais on feint d’occulter la période d’avant l’imposition par la France du Visa dit «Balladur». Il ya eu beaucoup plus de victimes. La différence, la seule d’ailleurs, est que personne ne disait mot dans la période allant de 1975 à 1995. Anjouan déjà, connaissait la valse des embarcations légères de «nationalité anjouanaise» vers Mayotte, et leur lot de drames humains. Est il nécessaire de rappeler que ces personnes ne sont pas des délinquants, ni même des voyous; il s’agit des victimes de la tyrannie et de toutes sortes de privation au départ et par la suite d’une misère et d’une pauvreté aux conséquences socioéconomique dévastatrices pour le commun des Comoriens, pour ne parler que de nous. Le seul tort des candidats au départ est d’avoir un jour voulu quitter leur île natale soit pour aller mettre leur vie à l’abri à Mayotte, pour aller chercher des perspectives d’avenir. C’est là un crime de notre société contre l’humanité. Nous tenons à ce que cela soit dit et gravé sur le marbre. Tel est le sens entre autres de mon déplacement à Mayotte.
Le projet à ce stade précis d’Espace Anjouan-Mayotte pour l’Harmonie et la Concorde est de réaliser cette œuvre très importante en espérant bien obtenir une journée symbolique de commémoration quand bien même elle ne serait pas fériée. Mais, pourquoi ne pas programmer pendant le mois de Maoulid une prière à dédier aux naufragés en mer ou autrement une rituelle de prières et de recueillements qui soit perpétuée en leur hommage. Le Bureau d’Espace Anjouan-Mayotte pour l’Harmonie et la Concorde a estimé à juste titre que l’île d’Anjouan, servant de point de départ des cortèges funèbres des «kwassas» (embarcations de fortune) vers Mayotte, transformant les foyers et ménages Anjouanais constamment en chapelle ardente car meurtri s par la perte d’un des leurs, a choisi Anjouan à l’unanimité de ses membres comme le site le mieux approprié pour accueillir le mémorial stèle des morts et disparus en mer de nos compatriotes.
Plus choquante est l’idée de vouloir à tout prix ériger ce monument aux morts à Moroni, sans la moindre concertation, et en décalage des vraies réalités entre les décideurs, le mouvement associatif, la société civile et surtout mais surtout Anjouan qui de jour comme de nuit paie un lourd tribut dans ce fléau et se bat avec des moyens inexistants pour trouver des remèdes à ces sinistres à répétition, à travers des campagnes de sensibilisation, d’indignation et de dénonciation tout en recherchant les mécanismes pour conjurer le mal autour du littoral anjouanais et des filières mafieuses. Le devoir de mémoire nous interpelle tous afin que les sacrifices de nos migrants ne soient pas vains de même que les milliers de questions que nous pouvons nous poser dans notre conscience sur ces tragédies en série.
Entre 2012 et 2013 en une année civile, Espace Anjouan-Mayotte pour l’Harmonie et la Concorde a eu à gérer et à inhumer, en étroite collaboration avec les services de la Préfecture de Mayotte, cinquante six corps (femmes adultes, hommes, seniors, enfants et même des nourrissons), et nous déplorons à ce jour des milliers des disparus dans les eaux mahoraises. À travers notre démarche, Espace Anjouan-Mayotte entend faire la lumière sur les non-dits de ce sombre pan de notre Histoire que les médias ont fait passer sous silence pour que ça ne soit pas oublié.
J’ai fait moi-même l’expérience des 3 exils politiques sur Mayotte par voie de mer et je suis un témoin privilégié de ces douloureuses traversées en mer entre Anjouan et Mayotte: en 1978 sous le Président Ali Soilihi sous la dictature de la garde prétorienne «Commando Moissi», sous Colonel Saïd Abeid Abderemane en 1999, et sous le mandat de l’ex-Président Ahmed Sambi en 2008. Devant la démission, l’inefficience, l’indifférence, l’oubli et surtout devant le dénigrement d’Anjouan par les pouvoirs publics comoriens, la société civile comorienne et nos partenaires extérieurs, néanmoins, je rends un hommage appuyé à mon frère Siradji Eddine de Marseille ainsi qu’aux autres qui l’entourent et ils sont nombreux à avoir été tous inspirés à l’idée de créer cette structure pour venir en aide à nos compatriotes et assister à la communauté étrangère résidant à Mayotte afin de leur donner une sépulture digne en terre d’Islam, à Mayotte.
Par Djaanfar Salim Allaoui
Ancien Vice-Premier ministre des Comores
Ancien ministre de l’Intérieur de l’Île autonome d’Anjouan (2002-2008)
© www.lemohelien.com – Mercredi 19 novembre 2014.
