Ils sont jeunes. Ils rêvent tous à l’âme sœur et au mariage, cela de l’adolescence à l’âge adulte. Cependant, aujourd’hui, où ils frôlent ...
Ils sont jeunes. Ils rêvent tous à l’âme sœur et au mariage, cela de l’adolescence à l’âge adulte. Cependant, aujourd’hui, où ils frôlent la trentaine, voire plus, jeunes hommes comme jeunes demoiselles célibataires, se renvoient la balle, pour expliquer pourquoi se marie-t-on aujourd’hui, de plus en plus, tardivement ?
Il est de coutume de nos jours, de voir des personnes se moquer des jeunes filles en âge de se marier et qui tardent à trouver chaussures à leurs pieds. Mais, de l’autre côté aussi les hommes célibataires ne sont pas laissés en rade. Ce qui fait que, de part et d’autre, ils sont assimilés à de vieilles filles ou de célibataires endurcis. Ce phénomène qui semble gagner du terrain, vu la rareté des mariages, n’est-il pas une des conséquences directes de la conjoncture, du manque d’emploi des jeunes, de la sexualité débridée des jeunes, de l’adoucissement des mœurs ?
A ces questionnements, certaines personnes répondent avec gourmandise. Et cela, même si nul ne trouve d’explications au fait que les femmes cherchant des maris peinent à trouver un qui leur mettrait la bague au doigt. Alors que, paradoxalement, les hommes ne demandent dans leurs prières les plus profondes qu’une bonne épouse. La preuve, la liste des hommes qui disent ne rêver tous les jours que de trouver l’âme sœur, une femme à conduire devant le foundi , s’allonge de plus en plus.
Qu’est-ce qui explique ce phénomène ? Pourquoi se marie-t-on tard aujourd’hui aux Comores ? Est-ce dû à un problème de moyen, de confiance, d’incompatibilité ? A qui la faute ? Voilà, entre autres, autant d’interrogations que se posent les gens. Des questions entraînant des réponses qui divergent d’une personne à une autre.
« Je pense que je vais mourir célibataire »
Dans ce reportage réalisé à Mutsamudu, Mamoudzou, Moroni et Fomboni, certains hommes interrogés ont été prolixes. Pour les uns, cela se justifie par le fait que les femmes sont aujourd’hui tellement émancipées, qu’elles en oublient même leurs rôles et leurs obligations, au sein de la famille et surtout, vis-à-vis des hommes. D’autres pointent un doigt accusateur à l’endroit des parents qui, malgré les temps modernes, tiennent encore à certaines croyances et valeurs traditionnelles, comme le problème de caste, de villes ou villages, d’appartenance cultuelle, etc.
8 heures passées, au nord de Moroni, où le soleil était déjà au Zénith, le temps était plutôt doux. La route qui mène vers la poste, passant par le marché Volo Volo, donnait l’image d’une ville qui était en effervescence. C’est dans cette situation, que sera surpris un jeune homme. Abdou Karim S., s’appelle-t-il. Touché dans son amour-propre, à cause de la réponse par le mépris que lui avait faite quelques minutes auparavant, une jeune fille qu’il taquinait, il ne s’est pas fait prier pour tirer à boulets rouges sur les femmes. «Les femmes émancipées, (elles sont imbues de leur personne). Ce sont de soi-disant intellectuelles qui se croient supérieures aux hommes» dit-il avec dédain.
«Avec ça, on dit que les hommes ne veulent pas se marier ? Comment, donc, allons-nous nous marier avec ces genres de femmes ?» s’interroge un de ses camarades, comme pour soutenir l’argumentaire de son ami. «Ah,… je plains celui qui va épouser une femme pareille, parce que c’est sûr qu’il souffrira toute sa vie durant. C’est pourquoi, je pense que je vais mourir célibataire».
Un avis qu’il semble partager avec Abou L., un enseignant qui dénonce le manque de sérieux des jeunes filles pour légitimer son entêtement. «J’ai 30 ans, je ne suis pas encore marié et ce n’est pas demain la veille. Car, jusqu’à présent, je ne me suis pas remis de ma déception avec mon ex femme, alors que nous avons vécu 8 ans de relation amoureuse. Du coup, je doute toujours de la fidélité des filles», narre-t-il, dans un ton empreint d’émotion. Un souvenir trahi par une voix tremblotante de notre interlocuteur et des yeux larmoyants.
« Ce n’est pas demain la veille. Je ne me suis pas encore remis de ma déception avec une fille »
Si d’aucuns ont expliqué le retard de leur engagement devant Dieu et les hommes par des problèmes de confiance ou de comportement quelconque de la femme, Charif S., lui trouve que c’est la cherté de la vie qui en est surtout la cause. Soudeur métallique, ayant déjà soufflé sur ses 39 bougies, il charge les femmes : «Les filles ne veulent pas des hommes comme nous, parce que j’ai essayé d’unir mon destin avec trois femmes mais, ça n’a abouti à rien. Cela parce que je n’ai pas beaucoup d’argent et je n'ai personne en France, mais des fois, c’est dur. Et je suis dans une grande famille où nous ne sommes que deux à travailler», commente-t-il. Aujourd'hui les femmes passent leur temps sur internet à chercher des hommes en France.
Lui emboîtant le pas, Ali.M., lui, pousse le bouchon un peu plus loin. Habillé d’une tenue traditionnelle, de teint noir et célibataire jusqu’au bout des ongles, il dit ne pas trouver la nécessité de se marier. «Pourquoi vouloir se marier alors que je n’envie pas les hommes mariés ? Je suis logé, nourri et blanchi par une fille de bonne famille, très fortunée et on m’appelle Papa Chéri ou encore Chéri Bonheur. (Je ne manque de rien. Je suis comblé). Quid des maladies sexuellement transmissibles et des risques liés à la sexualité hors-mariage, il coupe court : «Non ! Quelle maladie ? Aujourd’hui, ce que les filles font pour ne pas tomber enceinte, nous on fait autant pour ne pas être malade» tranche-t-il net.
« Pourquoi vouloir se marier alors que je n’envie pas les hommes mariés ? »
Une opinion que ne défend pas Habib G. Jeune cadre dans une structure bancaire, Amir, M. est un de ces hommes qui ont perdu leur amour à cause des considérations qu’il se refuse aujourd’hui encore de comprendre. Âgé de 35 ans, il se confie : «Je suis conscient de mon âge avancé. Mais, ce n’est pas de ma faute, si je suis encore célibataire. Je sortais avec une fille depuis qu’on était en classe de Seconde. Après mon Baccalauréat, je voulais l’épouser, mais ses parents ont dit niet. Car, je ne suis pas de la même région . Et pourtant, j’ai les moyens» s’apitoie-t-il.
Si dans cette histoire évoquée, un problème de culture ancestrale a sapé la relation, ce n’est pas le cas pour d’autres maris et femmes potentiels. Cela, d’autant que, pour les plus téméraires de cette catégorie d’hommes célibataires, c’est l’attitude des femmes en âge de se marier qui les poussent le plus à hésiter de changer de statut matrimonial. «Les femmes sont vénales», disent même certains.
Trouvé dans leur quartier, autour du thé à Volo Volo, un groupe de jeunes interrogés y sont allés, à leur guise. «Notre célibat est favorisé par les jeunes filles qui sont trop chichis et capricieuses, surtout celles des villes et villages lointains résidant à Moroni». De teint clair, habillé en pantalon Jean bleu, étudiant en Licence , il a surfé dans des «now», «yes», «for ever» pour donner son opinion. «La faute incombe aux mères de famille véreuses. Celles qui vendent leurs filles. Pour se marier, il faut débourser des millions. Ce qui n’est pas juste», dit-il.
« Ce n’est pas de ma faute, si je suis encore célibataire»
Loin de là, le bruit doux des vagues semblait distraire Salim. Un jeune homme qui s’était retiré au bord de la mer, avec un livre. Un retrait stratégique pour pleurer sa peine : «Je suis d’un âge avancé. Et je suis l’aîné de ma famille. Tous mes petits frères ont des femmes, car Dieu a fait qu’ils ont les moyens. J’ai une copine. On s’aime, mais sa mère a dit niet, sous prétexte que je suis un simple pêcheur, alors que sa fille est étudiante en licence Lettres modernes. J’ai abandonné les études en classe de troisième après le décès de mon père pour subvenir aux besoins de la famille. Ce, en faisant toutes sortes de métiers sauf voler ou agresser. Tout ce que j’ai eu, c’est à la sueur de mon front que je l’ai obtenu. Je suis devenu pêcheur grâce à un vieux qui m’a beaucoup aidé, car j’allais toujours en mer récupérer des poissons et les revendre», narre-t-il sur un ton tantôt posé tantôt dur. Un ton dur pour déverser sa bile sur le père de sa bien-aimée. «Il me connaît bien, mais il a carrément dit que, tant que la maman de la petite, sa femme, n’est pas d’accord, il ne va pas me donner sa fille en mariage. Alors que nous avons 10 ans de relation, c’est un père de famille faible, un béni-oui-oui».
Contrairement à ces hommes interrogés plus haut, F. S. âgé de 38 ans, fonctionnaire, se cache derrière une méfiance du fait de sa célébrité, pour légitimer son célibat. «Franchement, je sais reconnaître ceux qui m’aiment pour de vrai ou pour ma célébrité. Du coup, j’ai l’embarras du choix. Seulement, avant d’entrer dans ce métier, j’ai vécu les affres de la déception, c'est pourquoi je me méfie» conclut-il.
Par la rédaction
