Le procès des vrais ou supposés putschistes de 2013 tourne en rond et en eau de boudin Si au moins on pouvait savoir ce qui se passe ...
Le procès des vrais ou supposés putschistes de 2013 tourne en rond et en eau de boudin
Si au moins on pouvait savoir ce qui se passe sur le dossier des putschistes réels ou supposés du 19 avril 2013. Cela fait des mois qu’on fait lambiner les accusés sur cette affaire, qui n’ont même pas bénéficié de la présomption d’innocence, et jusqu’alors, leur dossier est au point mort au Tribunal de Moroni ou plutôt à la Cour de Sûreté de l’État. Ce n’est pas beau. Les accusés sont en prison depuis avril 2013 et n’ont toujours pas été jugés. Si on doit appeler le chat par son nom, on se contentera de dire que les accusés ont déjà été condamnés avant même leur jugement. Et quand on fustige les lenteurs du dossier, le bon Procureur Soilihi Mahmoud tance vertement sur Facebook Rafik Adili, apparenté à l’un des accusés, en lui faisant gratuitement un petit cours magistral en Procédure pénale: «Monsieur Rafiki, vous êtes vraiment en retard, le procès est déjà en cours au palais de justice de Moroni. Il s’agit de l’audience de la chambre d’accusation pour prononcer la mise en accusation devant la Cour de la Sûreté de l’État. L’audience de cette Cour est prévue la semaine qui suivra l’arrêt de mise en accusation.
En effet, ceux qui m’insultent font un travail inutile. Sachez seulement que le Procureur ne fait que poursuivre les infractions à la loi pénale et ce sont les magistrats de siège qui condamnent et qui libèrent. Il faut donc envoyer vos flèches à ces magistrats et non pas à moi». L’ignorant doit se demander si «le Procureur ne fait que poursuivre les infractions à la loi pénale» ou si «le Procureur ne fait que poursuivre les auteurs des infractions à la loi pénale». C’est important à savoir. En réalité, le Procureur Soilihi Mahmoud avait besoin de redorer son blason car sa photo sur laquelle on le voit juché sur un âne qu’il est en train d’étrangler littéralement à Mohéli a plongé dans une colère noire le Président Ikililou Dhoinine, qui n’a pas cessé de dire: «En se donnant ainsi en spectacle, le Procureur Soilihi Mahmoud ridiculise toute la République. Qui va nous prendre au sérieux après avoir vu une telle photo? Mais, c’est absurde! Que quelqu’un aille lui dire que ça ne se fait pas. Quand on est une personnalité étatique en vue comme lui, on ne se livre pas à un tel spectacle grandguignolesque. C’est un scandale qui frappe la République en son cœur et en son âme».
Le Président de la République a raison de parler de «scandale». Car scandale il y a. Et il ne limite pas à un Procureur monté sur un âne qu’il étrangle, et dont on doit envoyer la piteuse photo à l’Association protectrice d’Animaux (SPA) dans un pays sérieux comme la France. Le scandale est basé sur le fait que le jeudi 23 octobre 2014, la Chambre d’Accusation du Tribunal de Moroni s’est réunie pour statuer sur l’affaire, 4 jours après son audience sur cette grave dossier de «tentative de déstabilisation, atteinte à la sureté de l’État, détention illégale d’armes et non dénonciation» de faits graves devant conduire à un changement brutal et illégal du régime politique comorien, et sûrement à l’assassinat du Président Ikililou Dhoinine, et pour lesquels 13 personnes sont derrière les barreaux, dont certains, comme Satoulou Ahamada, dans un état de santé alarmant.
Qu’on se le dise tout de suite: les mercenaires étrangers qui sont poursuivis dans le cadre de cette affaire n’étaient pas aux Comores pour lire la Bible et psalmodier le Coran. Pour autant, il y a quelque chose de grave dans cette affaire dans la mesure où le Tribunal de Moroni, où sévit le bon Procureur Soilihi Mahmoud, a renvoyé l’affaire à la Cour de Sûreté de l’État, une juridiction d’exception, où trône comme un Empereur byzantin le même Procureur Soilihi Mahmoud. Cherchez l’erreur!
Ce renvoi à la Cour de Sûreté de l’État a fait dire à Maître Azad Mzé, l’un des avocats de la défense: «Ce n’est pas une surprise pour nous avocats de la défense. Nous allons attaquer cet arrêt de mise en accusation auprès de la Cour suprême». Pour sa part, Maître Mourad Saïd Ibrahim, autre avocat de la défense, fait un commentaire en trois points: «Il s’agit d’une décision qui peut être soumise à la Cour de cassation. [...]. Nous allons donc saisir cette juridiction», «tous les moyens de nullité soulevés ont été rejetés pour défaut de qualité. Je suis déçu, non seulement par le fait que mes clients sont maintenus en détention, mais aussi pour le Droit. Si la justice est en principe en elle-même la vérité, encore faut-il qu’elle mette la vérité dans ses actes», et «nos clients sont sereins et vont affronter toutes les étapes de cette procédure avec sérénité car ils n’ont rien à voir avec ces histoires de tentative de déstabilisation. Nous croyons à leur innocence. Ils ont simplement été désignés comme boucs émissaires, mais la vérité éclatera un jour». En d’autres termes, il s’agit d’une affaire bien comorienne, car il y a eu une tentative de grave délit, mais un délit qui devait se commettre tout seul, sans commanditaires et sans exécutants. Aux Comores, il n’y a jamais de coupable.
Or, on sait que lors de son fameux «voyage d’État» en France en juin 2014 dans le cadre de cette triste affaire, le Procureur Soilihi Mahmoud a eu des éléments d’information devant permettre à l’enquête de progresser. Cependant, dans les faits, de progrès, point. Rien du tout. Tintin. C’est comme si ce voyage n’a servi à rien, alors que le Tout-Moroni sait que Soilihi Mahmoud a ramené de Paris un bon dossier. Et puis, le nom de l’ancien Président Ahmed Sambi est intimement lié à cette affaire. Lui-même Ahmed Sambi a dit en public qu’on veut le tuer sur la base de cette affaire, et a appelé les siens à assassiner les commanditaires de son assassinat à venir avant même que son corps ne refroidisse.
Dans un pays normal, ses dires et déclarations auraient dû lui valoir la prison car il s’agit d’un appel au meurtre. Alors, pourquoi mettre et garder en prison des gens qui n’ont même pas un clou pour accrocher un slip troué par les termites, et laisser Ahmed Sambi assister au conseil d’administration de ses firmes à Bangkok (Thaïlande) et recueillir des fonds en Iran et chez les Talibans d’Afghanistan pour financer la campagne d’élections qui auront lieu probablement en même temps que le scrutin présidentiel de 2016? Il appartient au Procureur Soilihi Mahmoud d’éclairer la lanterne des Comoriens sur le sujet car, même si on sait que c’est un feu qui est à l’origine de la fumée de la tentative de coup d’État, il y a tout de même des procédures légales à respecter.
Éminemment politique, l’affaire est restée politique. Et c’est ainsi qu’adversaires, ennemis et détracteurs ont pointé un doigt accusateur gros comme du jambon de Virginie sur Hamada Madi Boléro, désigné à la vindicte populaire et accusé d’avoir monté de toutes pièces cette affaire pour pouvoir parader et pavoiser auprès du Président Ikililou Dhoinine. Quand la tentative de coup d’État a eu lieu, le même Hamada Madi Boléro était en Ukraine, pays de ses années d’études supérieures, alors que ses adversaires, ennemis et détracteurs font tout pour accréditer la rumeur selon laquelle il était quelque part en France chez une «maîtresse», bien au chaud.
Or, il faudra se demander si l’homme de Beït-Salam, compte tenu de ses fonctions aux côtés du chef de l’État comorien, peut se mettre en villégiature sentimentale en France au nez et à la barbe des autorités françaises. En fait, comme on sait, ces adversaires, ennemis et détracteurs disent à l’envi: «Chaque fois que Hamada Madi Boléro est aux affaires, il invente de tentatives de putsch». Ah oui? C’est tout de même bizarre parce que de 1975 à 2014, les Comores ont bien connu 33 coups d’État réussis et tentatives de putsch. Or, il n’y en a eu que 2 tentatives de coups d’État quand il occupe ou occupait d’importantes fonctions étatiques.
Il faudra donc expliquer aux Comoriens le sens de ces accusations pendant qu’on découvre sur le territoire comorien, des étrangers reconnaissant sans tortures être à Moroni pour provoquer la déstabilisation du système politique et constitutionnel en place en 2003. Il faudra également que les mêmes expliquent au peuple ce que faisaient aux Comores des étrangers avec des armes aux Comores en 2013. Ces gens-là étaient là avec leurs armes pour voir les baleines, cachalots, exocets et cœlacanthes? Si c’était le cas, il faudra leur présenter des excuses, les indemniser et les remettre en liberté. En même temps, l’appareil judiciaire doit faire son travail, et cela, dans le strict respect des procédures légales, en s’interrogeant sur la détention illimitée de ces gens déjà emprisonnés avant leur jugement, donc dans un état de piétinement de la présomption d’innocence, transformée en présomption de culpabilité.
Par ARM
© lemohelien – Dimanche 26 octobre 2014.