Danse du ventre et striptease autour des bacaristes, devenus «fréquentables». « Ismes », « istes », « bacaristes »… Les Comores étant l...
Danse du ventre et striptease autour des bacaristes, devenus «fréquentables».
«Ismes», «istes», «bacaristes»… Les Comores étant le pays des «ismes» et des «istes», le mot «bacaristes» existe désormais dans le lexique politique national. Il désigne les violeurs des droits de l'Homme, essentiellement les tortionnaires et les assassins qui se sont illustrés tristement à Anjouan sous la dictature villageoise du tyran obtus Mohamed Bacar, aujourd'hui croquant du petit cola au Bénin, sans même réfléchir sur ses crimes sur «son» île. Ce qu'il en coûte d'être têtu comme un âne rouge… Quand nous annoncions que les bacaristes étaient désormais devenus «fréquentables» et qu'ils étaient au centre de l'actualité politique, mais dans la «clandestinité» du sérail politique à Moroni, tel frère d'Anjouan ironisait et ricanait: «Ah bon? Ça vaut la peine de parler de ces individus, qui ne représentent rien dans les Comores d'aujourd'hui? Et ce Djaffar Yahaya Salim, il existe encore? Et que représente-t-il encore, maintenant que Mohamed Bacar mange le foufou et le gari au Bénin dans l'attente d'improbables meilleurs jours politiques, si ce n'est un passé violent, tragique, sanglant?».
Seulement, voilà: moins de 24 heures après, on apprenait que les bacaristes donnaient de la voix et des signes de vie de nature politicienne, et pas n'importe où, mais à Moroni, capitale des Comores. L'Union des Comores et le Gouvernorat d'Anjouan se les arrachent ou tentent de se les arracher à coups d'œillades énamourées, comme des collégiens boutonneux et gommeux. Seulement, cyniques et pragmatiques, parfaitement conscients de leur réputation explosive, les bacaristes ne sont pas dupes, et ont choisi de ne pas choisir le crypto-sambisme, à travers le Gouverneur Anissi Chamssidine d'Anjouan. De toute manière, les anciens tortionnaires et assassins d'Anjouan n'ont subi ni lobotomie, ni lavage de cerveau, et ont gardé intacte leur mémoire, qu'on dit très longue. Ils se rappellent parfaitement que quand a eu lieu à Anjouan, le 25 mars 2008, l'opération militaire qui les a boutés hors de l'île et qui les a mis hors d'état de nuire, c'était bien Ahmed Sambi qui trônait à Beït-Salam. Mais, hypocrisie pour hypocrisie, ils font semblant d'oublier que c'était Ikililou Dhoinine qui était désigné administrateur provisoire de l'île pendant quelques jours. Mais, la mémoire ne retient que ce qu'elle veut retenir. La realpolitik. Depuis, ils en veulent à mort à Ahmed Sambi.
Or, le Gouverneur Anissi Chamssidine est l'homme-lige d'Ahmed Sambi, même si, le 11 janvier 2014, lors du fiasco historique d'Épinay-sur-Seine, l'ancien satrape s'en était pris à lui, son allié, en termes peu amènes, le traitant plus bas que terre. Pour les bacaristes, il n'est donc pas question de traiter avec un Gouverneur qui n'est que le masque qui cache le visage de leur ennemi intime, Ahmed Sambi, qu'ils avaient déclaré persona non grata à Anjouan et dont il refusaient jusqu'à une visite à sa famille, sur l'île natale. Une immense torture morale.
En tournée à Moroni, les bacaristes jurent qu'ils vont lancer leur parti politique, la Génération Nouvel Ensemble comorien rénové, GNEC-Rénové. Une appellation alambiquée et relevant du lyrisme tropical, qui ne signifie rien. Mais, cela ne les empêche pas de choisir leur camp. Djaffar Yahaya Salim, ses copains et copines ont jeté leur dévolu sur le Vice-président Mohamed Ali Soilihi, lui ont déclaré amour et fidélité politiques, vanté ses mérites d'homme d'État digne de devenir le prochain Président de la République, et ont décidé de soutenir sans réserve, ni états d'âme, sa candidature lors de l'élection présidentielle de 2016.
Selon Alain Deschamps, qui a été Ambassadeur de France à Moroni de 1983 à 1987, «dans le microcosme comorien, prétend-on, tout se sait, ce qui ne se sait pas s'invente et ce qui s'invente à force d'être répété devient vrai» (Alain Deschamps: Les Comores d'Ahmed Abdallah. Mercenaires, révolutionnaires etcœlacanthe, Karthala, Collection «Tropiques», Paris, 2005, p. 87.). Et, ce qui devait être un secret devient un fait de notoriété publique. Et comme aux Comores le mot «secret» ne signifie donc rien, les crypto-sambistes savent tout des «conclaves» entre l'Union des Comores et les Bacaristes, et ont pris peur. Une peur bleue. De fait, quand le Gouverneur Anissi Chamssidine avait parlé de «réconciliation» avec les bacaristes, ce n'était le fruit du hasard. La grandeur d'âme n'avait non plus strictement rien à voir avec l'opération de charme lancée par le Gouverneur Anissi Chamssidine, qui fait pschitt! Lamentable! D'ailleurs, sur le sujet, il faut être alchimiste ou polytechnicien pour comprendre les arguties et péroraisons de Mahamoud Elarif, Directeur de Cabinet d'Anissi Chamssidine, «chargé de la Sécurité intérieure et de la Communication». Ouf! Ouf! Trop de langue de bois tue la langue. Trop d'obséquiosité tue l'entendement et la compréhension.
Face aux tortionnaires bacaristes, les autorités comoriennes sont dans une posture bien comorienne, celle de la complaisance démagogique et de l'impunité. Ce sont des assassins et des tortionnaires qu'on embrasse sur les deux joues, qu'on cajole, qu'on flatte, qu'on caresse dans le sens du poil, et dont on lèche les bottes. L'Union des Comores et le Gouvernorat d'Anjouan sont tellement désemparés qu'ils sont prêts à tuer père et mère pour danser la gigue joue contre joue avec les criminels bacaristes. On en est à se demander si Ikililou Dhoinine ne va pas remanier le gouvernement pour reconduire Djaffar Yahaya Salim au poste auquel Mohamed Bacar l'avait nommé quelques années auparavant, mais cette fois au sein de l'Union des Comores et non sur l'île d'Anjouan: ministre de l'Intérieur.
En Afrique continentale, on négocie avec les rebelles et on leur fait des concessions pour mettre fin à leurs croisades sanglantes, que mon ami Philippe Leymarie a appelées les «caprices meurtriers de brutes galonnées» (Philippe Leymarie: Du«pacte colonial» au choc des ingérences, in Afrique des malédictions, espoirs des Africains(Dossier), Le Monde diplomatique, Paris, mai 1993, pp. 14-15.). On ferme les yeux sur leurs assassinats et meurtres pour faire revenir la paix et sceller une réconciliation nationale qui va voler en éclats en 48 heures. Au besoin, on les intègre dans les rangs des Forces Armées nationales et on facilite ainsi la clochardisation de celles-ci. Mais, dans le cas des assassins et tortionnaires bacaristes, ils ne constituent plus une bande armée, mais une piteuse bande de petits tyrans au petit pied, définitivement déchus, hagards, en pleine perdition, en plein égarement, d'anciens exilés qui rentrent piteusement un à un aux Comores, venant d'on ne sait où, profitant de l'absence d'État aux Comores. Aucun d'entre eux n'a été inquiété plus de deux minutes. Aucun d'entre eux n'a rendu des comptes à la «Justice». On pourrait longuement épiloguer sur l'accusation de séparatisme, une haute trahison mettant en danger l'unité du pays. Mais, il n'y a aucune transaction sur les graves violations des droits de l'Homme sous la dictature opiniâtre et ubuesque de Mohamed Bacar, une dictature qui a été celle d'une autorité insulaire baignant jusqu'au crâne dans la criminalité. Et qui a occasionné des morts très violentes.
Comment peut-on être complaisant et désinvolte jusqu'à faire semblant d'oublier les crimes sanglants des bacaristes, qu'il a fallu arrêter au prix d'une intervention militaire qui a mobilisé l'Armée comorienne et celles de certains États d'Afrique continentale, dans un contexte socioéconomique particulièrement difficile? Aucun impératif de réconciliation nationale n'oblige les Comores à être laxistes avec des criminels. Il n'arrivera aucun mal aux Comores le jour où elles prendront la décision de juger les mauvais garçons et les mauvaises filles qui se sont distingués à Anjouan par leurs persécutions et leurs massacres sur un peuple paisible et sans moyens de se défendre face à une autorité complètement farfelue et bornée.
Si les persécuteurs, massacreurs et autres petits tyrans d'Anjouan et d'ailleurs à Mohéli et Grande-Comore ne sont pas jugés pour leurs crimes odieux, d'autres reprendront la même voie demain, de plus belle, convaincus que le pouvoir comorien, en mal d'inspiration et à la recherche d'un «bétail électoral» (Laurent Gbagbo) et d'«idiots utiles» (Lénine) sera obligé de les courtiser. Le pessimisme est de mise car les autorités comoriennes se sont transformées en spécialistes de striptease. Des Gouvernorats au pouvoir central, ces autorités sont haves et complètement déboussolées. Elles ne savent même pas où elles vont et ne vont nulle part. Elles pactisent même avec le diable, juste pour pouvoir durer au pouvoir. Bonjour, les dégâts!
Par ARM
© www.lemohelien.com – Lundi 24 février 2014.