Dieu soit loué, tout va très bien chez nous, dans l'Union des Comores. Il s'appelle Fakihi, vit en France et se rend en vacanc...
Dieu soit loué, tout va très bien chez nous, dans l'Union des Comores.
Il s'appelle Fakihi, vit en France et se rend en vacances chez lui aux Comores. L'émotion le fait pleurer quand il aperçoit de loin, puis de près les paysages qui font le charme de cette belle île de la Grande-Comore. Seulement, il est obligé de reconnaître qu'il ne rit pas souvent quand il pense que, pour l'alimentation électrique de son téléphone, il doit faire un voyage de son village à Moroni, à la recherche d'une prise électrique pour brancher son appareil et être joignable au cas où quelqu'un chercherait à lui parler. Mais, à Moroni, il n'est pas toujours sûr, à cause des délestages, de pouvoir charger son téléphone, alors que le voyage de son village à Moroni a été pire qu'une traversée du Mato Grosso, du fait du mauvais état des routes. De même, Abderrahim, lui aussi Comorien vivant en France, animateur de l'un des blogs les plus consultés des Comores, passant quelques jours à Moroni pour assister au mariage de sa sœur, ne peut plus alimenter son blog, faute de réseau électrique et téléphonique. Et quand il peut accéder à ces deux réseaux, c'est pour constater que la faiblesse du débit Internet ne lui permet pas d'insérer des textes et des images sur son blog. Internautes, si vous voyez que l'un de vos blogs préférés n'est pas alimenté pendant quelques jours, c'est que son animateur est aux Comores, ce beau pays qu'on refuse de développer, et qu'on tue.
En réalité, on aimerait bien savoir ce qui va bien aux Comores aujourd'hui. Quand on est à l'étranger, on peut passer deux jours à tenter d'appeler un numéro aux Comores sans jamais y arriver. Or, en 1992, le Président Saïd Mohamed Djohar avait installé une station terrienne grâce à laquelle, 15 secondes après la composition d'un numéro des Comores à partir d'un pays étranger, on avait son correspondant en ligne. Le régime politique trabendiste d'Azali Assoumani (1999-2006) mit fin à cette embellie, par sa manie consistant à mettre en location, par trafic illégal, le réseau téléphonique des Comores à des étrangers, à l'étranger. Depuis, les communications téléphoniques avec les Comores sont devenues cauchemardesques. Internet? Il est au Moyen-âge de cette technique révolutionnaire vulgarisée ailleurs dans le monde depuis 1995, et restée un luxe aux Comores. Au Maroc, en même temps qu'en France, on parle d'ADSL depuis 2003, alors qu'aux Comores, cette performance est à ces «balbutiements embryonnaires». Comment laisser les internautes pendant un mois passé aux Comores sans les informer? Choix cornélien, car il faut bien aller voir sa famille de temps à autre.
Par ailleurs, depuis vendredi 10 janvier 2014, il se passe quelque chose d'extraordinaire aux Comores: excédés, les citoyens ont lancé un nouveau slogan, qui se résume par la phrase «Ne payez plus vos factures à la MAMWÉ». Ils ont raison. Car, la MAMWÉ, la société d'État qui fournitl'eau et l'électricité, travaille sur la base de Cahiers de charges lui définissant des objectifs bien précis et des obligations envers la population. Ces obligations ne sont pas du tout respectées, et on ne voit pas pourquoi la population va payer des services non rendus. Il y a dans cela une sorte de «châtiment» divin, quand on se souvient des conditions indignes dans lesquelles le Vice-président Fouad Mohadji a été débarqué du ministère de tutelle au profit de l'économiste Abdou Nassur Madi, l'homme d'Oujda, où il a fait ses études supérieures jusqu'à la porte du Doctorat en Économie. La question qui se pose alors est celle de savoir pourquoi le jeune économiste n'est-il pas arrivé à faire mieux que le Docteur en Philosophie. L'échec d'Abdou Nassur Madi était prévisible, et on ne peut que le déplorer. On le déplore. Ce jeune ministre qui multiplie les réunions de travail avec les cadres de la MAMWÉ et qui a fait des milliers de promesses n'a encore apporté aucune solution. Dans l'État presque indépendant d'Anjouan, on est dans la même situation, et la MAMWÉ n'y existe même pas.
Les «consommateurs» d'eau et électricité ont même commencé à manifester leur mauvaise humeur dans les rues comoriennes, et le presque Docteur Abdou Nassur Madi doit se poser des questions sur ce qu'il en coûte d'être pressé de devenir ministre quand on doit acquérir de l'expérience avant d'aller se casser les dents sur des projets qui n'admettent pas l'amateurisme et le dilettantisme. Nous retombons dans ce comorianisme qui veut que quand on tombe sur une assemblée de cinq Comoriens, il y a au moins trois mains qui se lèvent quand on demande: «Existe-t-il parmi vous quelqu'un qui sait piloter une navette spatiale et la réparer dans l'espace?». Contre la MAMWÉ, Mme Fatima Iliasse se fait la porte-parole de tous les Comoriens quand elle déclare que «rien n'allait pas. Mais, depuis pratiquement trois semaines, les choses vont de mal en pis» et que «nous ne devrions pas nous taire alors que ce sont nos vies qui sont en danger. Nous invitons donc toute la population à ne plus payer les factures à la MAMWÉ». Cette femme courageuse n'insulte personne, mais dit la vérité.
Un autre lauréat de l'Université marocaine promu ministre le 13 juillet 2013 est également dans la tourmente, et ce n'est pas auprès de lui qu'Abdou Nassur Madi aura du réconfort. En effet, quand Abdou Nassur Madi demande au Docteur en Pharmacie Abdoulkarim Mohamed, le jeune ministre de l'Éduction nationale, «ça va?», l'homme de l'École publique lui répond invariablement en marocain: «Fine chti l' "ça va"?Ma ça va-che, houya», «où as-tu vu du "ça va"? Ça ne va pas, mon frère». Eh oui! Avec une École publique en guerre civile, après l'insurrection qui couvait depuis des semaines, l'homme de Béni Mellal et Rabat est dans de beaux draps. Qu'il accuse d'illégalité la grève des enseignants ne règle rien à l'affaire. Il a voulu porter une djellaba plus grande que lui? Aujourd'hui sa djellaba et son chéchia ont pris feu, et notre ministre sautille comme un cabri de montagne. Être ministre aux Comores a du bien, tout de même. Il n'empêche: pour se faire entendre, le ministre de l'Éducation nationale ne peut plus crier contre les enseignants récalcitrants; il hennit comme une hyène: «Les enseignants sont au courant des démarches entreprises pour satisfaire leurs causes. Arrêter les cours est un acte illégal et injustifié». Comme s'il n'avait pas assez prêché dans le désert, le voilà en train de lancer un hennissement de plus, plus perçant: «Les travaux d'intégration, de titularisation et d'avancement des enseignants avançaient jusqu'ici. Mais, cette décision de grève depuis maintenant une semaine nous incite à arrêter toute négociation, car nous jugeons que les enseignants ne sont pas disposés à trouver une solution, mais campent sur une volonté de bloquer l'avancement des travaux en cours». Bon courage, «Houya».
Assez de mauvaises nouvelles? Pas du tout. Du tout. En effet, alors que lors de son échec historique d'Épinay-sur-Seine, l'ex-Président Ahmed Sambi fit des tartines sur les fameuses routes construites sous son régime et même après lui mais grâce à lui, les Comoriens rejettent tout cela en bloc. Des ingrats crachant sur la soupe? Ce n'est pas si sûr que ça. Le bon Chamssoudine Mmadi Ali, membre du Syndicat des Transporteurs, est intarissable sur ce sujet qui l'énerve, mais résume le sentiment de tous les autres Comoriens: «Il est choquant de voir que certaines entreprises, engagées dans ces entretiens courants, préparent le goudron à même dans des bidons métalliques. Pourquoi dans ces travaux, on a privilégié des sociétés, pour la plupart qui n'ont aucune expérience en matière de travaux routiers, n'en parlons plus d'équipements adéquats?». Un autre membre du Syndicat des Transporteurs enfonce le clou: «Pendant que le contribuable comorien continue d'alimenter le fonds d'entretien, nous continuons à rouler sur des routes vétustes et dont la qualité des réparations ne fait qu'accroître notre mécontentement». Aujourd'hui, même un constructeur de poulaillers en paille comme le Gouverneur Mohamed Ali Saïd de Mohéli se dit capable de construire des routes avec son «entreprise» de pacotille. Pendant ce temps, le Vice-président Nourdine Bourhane, le ministre de tutelle, se remplit les poches à coup de «matabiche». Bravo! Le chef de l'État est saisi du problème, mais on ne se fait pas d'illusions sur l'issue de la démarche.
Donc, tout va bien, et même très bien. Pendant qu'on y est on pourrait ajouter sur la liste des belles choses, la disparition du Docteur Elanrif Saïd Hassane, «ministre de la diplomatie», dans le triangle des Bermudes. Personne, même à Beït-Salam, ne sait s'il est de ce monde ou pas. Normal: il dirige l'étrange ministère des étranges Affaires qui lui sont étrangères.
Par ARM
© www.lemohelien.com – Jeudi 16 janvier 2014.