Le «sondage» du Haut Commissariat au Plan, sévèrement cloué au pilori . Depuis la publication du «sondage» du Haut Commissariat au Plan ...
Le «sondage» du Haut Commissariat au Plan, sévèrement cloué au pilori .
Depuis la publication du «sondage» du Haut Commissariat au Plan plaçant Maître Saïd Larifou en tête des intentions des votes au sujet de l’élection présidentielle de 2016, sur un ensemble de 14 candidats potentiels, putatifs, par défaut, par accident, par omission volontaire et par hasard, les protestations et polémiques n’en finissent pas. Des adversaires du RIDJA, très en colère, sont allés jusqu’à me demander pourquoi j’avais pris le risque de publier un document qui semble relever de la «manipulation politique» et de l’«intoxication». Certains politiciens m’ont même accusé de «complaisance démagogique» envers et au profit de Maître Saïd Larifou et de son parti, le RIDJA. Chaque jour apporte son lot de protestations, venues des Comores et France, mais aussi du Sénégal et d’Allemagne, parfois en pleine nuit. Les coups de sang succèdent aux coups de cœur. Or, tout en publiant le «sondage», j’avais quand même exprimé mes réserves sur la sélection des 14 candidats potentiels, sur leur classement sur la liste au regard de leur crédibilité, et sur «l’oubli» de certains candidats potentiels qui ont été exclus de la liste de manière tout à fait volontaire, tendancieuse et arbitraire. L’affaire est très compliquée et, de toute manière, quel que soit le candidat potentiel qui sera placé en tête de liste, il y aura toujours des protestations indignées de fille presque vierge effarouchée.
Un animateur de blog d’information politique sur les Comores est tellement sceptique et en colère qu’il déclare: «Ce prétendu sondage est un coup monté de toutes pièces par le RIDJA pour enduire son leader d’huile parfumée. Dans ce prétendu sondage, le RIDJA s’est attribué le beau rôle, et s’est arrangé de la façon qui favorise ses intérêts et ceux de ses alliés et amis. Je peux même citer le cadre du RIDJA qui s’est livré à cette mascarade pour “placer” ses amis personnels. Tout ceci relève d’un coup d’État par des sondages. Ce n’est pas moi qu’on aura avec une manœuvre aussi grossière. C’est cousu de fil blanc. C’est un truquage sans aucune valeur politique». Pour sa part, un militant proche de Houmed Msaïdié va plus loin: «Quelle est la fiabilité du Haut Commissariat au Plan, un organisme connu pour son incompétence légendaire, une incompétence qui englobe beaucoup du monde dans son personnel? C’est un organisme qui ne sait même pas ce qu’il y a dans le panier de la ménagère, et qui n’a aucune idée de ce qu’est le pouvoir d’achat des Comoriens. Tout dans son sondage est bidon, si tant est qu’il en est l’auteur, si tant est que sondage il y a eu, car il faudra bien s’interroger à ce sujet. Ce sondage, c’est du pipeau. Je n’y croirais jamais, même si on m’en montrait toutes les preuves matérielles. C’est du bidouillage, du bidonnage, une immense escroquerie politique, un grand bluff politique à caractère publicitaire qu’il faudra dénoncer sans réserve. En tout cas, moi, je le dénonce car je n’y crois pas et je n’y croirais jamais et au grand jamais».
Or, ce cadre du RIDJA laisse entendre un autre son de cloche: «Ce sondage favorable à Saïd Larifou a été accueilli par un tir de barrage. Ça aurait été de bonne guerre s’il n’y avait pas une malveillance manifeste de la part des mauvais perdants. Ce sondage a été réalisé sur la base d’un échantillon représentatif de 10 personnes par ville et village, des personnes qui représentent toute la palette des couches socioprofessionnelles des Comores, sur toutes les îles. C’est un sondage qui n’était pas destiné à la diffusion, mais il y a eu des fuites. On sait bien qu’un sondage qui est entièrement défavorable au Vice-président Mamadou, le candidat potentiel du pouvoir sortant, ne sera jamais diffusé. De toute manière, je comprends le scepticisme des gens, et ça aurait été Ibrahim Ali Mzimba, Houmed Msaïdié ou Abdou Soulé Elbak, qu’on aurait crié au même scandale et assisté au même hurlement. À la vérité, je dois dire que Saïd Larifou est un politicien populaire, mais il la joue modeste. Quand il est à Moroni ou ailleurs, les gens vont spontanément et massivement vers lui. Mais, pour nous, il aurait été indécent d’en filmer les images et de les utiliser à des fins de propagande politique. Nous laissons ce procédé ignoble, minable et cynique à Ahmed Sambi». Sans commentaire.
On assiste ainsi à une belle confrontation d’arguments. C’est argument contre argument. Le grand problème qui se pose est celui de l’impartialité du Haut Commissariat au Plan, une institution publique, et celui de la fiabilité et représentativité de l’échantillon. Le problème de la représentativité se pose en termes de sélection du panel et de son nombre. Tout étudiant sérieux en Sciences sociales pourra témoigner de l’importance de ces deux étalons. Même en France, et pendant longtemps, le problème de l’échantillonnage a été difficile à gérer («à partir de quel seuil, un échantillon est-il jugé représentatif d’une population?»), même pour un organisme de l’envergure et de la réputation de l’Institut national de la Statistique et des Études économiques (INSÉÉ). Toujours en France, en période électorale, on entend des rumeurs insistantes sur certains instituts de sondages, accusés, parfois à raison, d’être marqués à droite ou à gauche, et d’être favorables ou défavorables à tels candidats ou à tels autres, en raison de leur positionnement sur l’échiquier politique national français.
Aux Comores, les études d’opinion ne font pas partie des mœurs politiques. On n’en fait même pas. En période électorale, chaque camp politique se contente de prendre ses désirs pour de la réalité, en disant et essayant de se convaincre que son champion est le premier de la classe. Dès lors, la rumeur fait office d’instrument de mesure de la «popularité» des politiciens du pays. Comme il n’y a pas une culture de sondages politiques aux Comores, chaque étude d’opinion qui sera faite, même par un institut de sondages venu de l’étranger, provoquera une grosse bagarre politique et ne sera acceptée que par le camp «victorieux», les «perdants» se livrant à une dénonciation en règle des résultats obtenus et affichés.
Le Haut Commissariat au Plan est un organisme public, mais au sein duquel chacun donne libre cours à ses sentiments personnels, à ses préférences politiques individuelles. Or, ce qu’il faut aux Comores, c’est la pluralité des instituts des sondages, mais des instituts de sondages complètement indépendants des pouvoirs publics et des appareils des partis politiques, pour que chaque organisation politique ne livre pas au public sa petite sauce partisane. Mais, dans des Comores connues pour leurs passions politiques, le combat n’est pas gagné d’avance.
Par ARM
© www.lemohelien.com – Samedi 25 janvier 2014.
Depuis la publication du «sondage» du Haut Commissariat au Plan plaçant Maître Saïd Larifou en tête des intentions des votes au sujet de l’élection présidentielle de 2016, sur un ensemble de 14 candidats potentiels, putatifs, par défaut, par accident, par omission volontaire et par hasard, les protestations et polémiques n’en finissent pas. Des adversaires du RIDJA, très en colère, sont allés jusqu’à me demander pourquoi j’avais pris le risque de publier un document qui semble relever de la «manipulation politique» et de l’«intoxication». Certains politiciens m’ont même accusé de «complaisance démagogique» envers et au profit de Maître Saïd Larifou et de son parti, le RIDJA. Chaque jour apporte son lot de protestations, venues des Comores et France, mais aussi du Sénégal et d’Allemagne, parfois en pleine nuit. Les coups de sang succèdent aux coups de cœur. Or, tout en publiant le «sondage», j’avais quand même exprimé mes réserves sur la sélection des 14 candidats potentiels, sur leur classement sur la liste au regard de leur crédibilité, et sur «l’oubli» de certains candidats potentiels qui ont été exclus de la liste de manière tout à fait volontaire, tendancieuse et arbitraire. L’affaire est très compliquée et, de toute manière, quel que soit le candidat potentiel qui sera placé en tête de liste, il y aura toujours des protestations indignées de fille presque vierge effarouchée.
Un animateur de blog d’information politique sur les Comores est tellement sceptique et en colère qu’il déclare: «Ce prétendu sondage est un coup monté de toutes pièces par le RIDJA pour enduire son leader d’huile parfumée. Dans ce prétendu sondage, le RIDJA s’est attribué le beau rôle, et s’est arrangé de la façon qui favorise ses intérêts et ceux de ses alliés et amis. Je peux même citer le cadre du RIDJA qui s’est livré à cette mascarade pour “placer” ses amis personnels. Tout ceci relève d’un coup d’État par des sondages. Ce n’est pas moi qu’on aura avec une manœuvre aussi grossière. C’est cousu de fil blanc. C’est un truquage sans aucune valeur politique». Pour sa part, un militant proche de Houmed Msaïdié va plus loin: «Quelle est la fiabilité du Haut Commissariat au Plan, un organisme connu pour son incompétence légendaire, une incompétence qui englobe beaucoup du monde dans son personnel? C’est un organisme qui ne sait même pas ce qu’il y a dans le panier de la ménagère, et qui n’a aucune idée de ce qu’est le pouvoir d’achat des Comoriens. Tout dans son sondage est bidon, si tant est qu’il en est l’auteur, si tant est que sondage il y a eu, car il faudra bien s’interroger à ce sujet. Ce sondage, c’est du pipeau. Je n’y croirais jamais, même si on m’en montrait toutes les preuves matérielles. C’est du bidouillage, du bidonnage, une immense escroquerie politique, un grand bluff politique à caractère publicitaire qu’il faudra dénoncer sans réserve. En tout cas, moi, je le dénonce car je n’y crois pas et je n’y croirais jamais et au grand jamais».
Or, ce cadre du RIDJA laisse entendre un autre son de cloche: «Ce sondage favorable à Saïd Larifou a été accueilli par un tir de barrage. Ça aurait été de bonne guerre s’il n’y avait pas une malveillance manifeste de la part des mauvais perdants. Ce sondage a été réalisé sur la base d’un échantillon représentatif de 10 personnes par ville et village, des personnes qui représentent toute la palette des couches socioprofessionnelles des Comores, sur toutes les îles. C’est un sondage qui n’était pas destiné à la diffusion, mais il y a eu des fuites. On sait bien qu’un sondage qui est entièrement défavorable au Vice-président Mamadou, le candidat potentiel du pouvoir sortant, ne sera jamais diffusé. De toute manière, je comprends le scepticisme des gens, et ça aurait été Ibrahim Ali Mzimba, Houmed Msaïdié ou Abdou Soulé Elbak, qu’on aurait crié au même scandale et assisté au même hurlement. À la vérité, je dois dire que Saïd Larifou est un politicien populaire, mais il la joue modeste. Quand il est à Moroni ou ailleurs, les gens vont spontanément et massivement vers lui. Mais, pour nous, il aurait été indécent d’en filmer les images et de les utiliser à des fins de propagande politique. Nous laissons ce procédé ignoble, minable et cynique à Ahmed Sambi». Sans commentaire.
On assiste ainsi à une belle confrontation d’arguments. C’est argument contre argument. Le grand problème qui se pose est celui de l’impartialité du Haut Commissariat au Plan, une institution publique, et celui de la fiabilité et représentativité de l’échantillon. Le problème de la représentativité se pose en termes de sélection du panel et de son nombre. Tout étudiant sérieux en Sciences sociales pourra témoigner de l’importance de ces deux étalons. Même en France, et pendant longtemps, le problème de l’échantillonnage a été difficile à gérer («à partir de quel seuil, un échantillon est-il jugé représentatif d’une population?»), même pour un organisme de l’envergure et de la réputation de l’Institut national de la Statistique et des Études économiques (INSÉÉ). Toujours en France, en période électorale, on entend des rumeurs insistantes sur certains instituts de sondages, accusés, parfois à raison, d’être marqués à droite ou à gauche, et d’être favorables ou défavorables à tels candidats ou à tels autres, en raison de leur positionnement sur l’échiquier politique national français.
Aux Comores, les études d’opinion ne font pas partie des mœurs politiques. On n’en fait même pas. En période électorale, chaque camp politique se contente de prendre ses désirs pour de la réalité, en disant et essayant de se convaincre que son champion est le premier de la classe. Dès lors, la rumeur fait office d’instrument de mesure de la «popularité» des politiciens du pays. Comme il n’y a pas une culture de sondages politiques aux Comores, chaque étude d’opinion qui sera faite, même par un institut de sondages venu de l’étranger, provoquera une grosse bagarre politique et ne sera acceptée que par le camp «victorieux», les «perdants» se livrant à une dénonciation en règle des résultats obtenus et affichés.
Le Haut Commissariat au Plan est un organisme public, mais au sein duquel chacun donne libre cours à ses sentiments personnels, à ses préférences politiques individuelles. Or, ce qu’il faut aux Comores, c’est la pluralité des instituts des sondages, mais des instituts de sondages complètement indépendants des pouvoirs publics et des appareils des partis politiques, pour que chaque organisation politique ne livre pas au public sa petite sauce partisane. Mais, dans des Comores connues pour leurs passions politiques, le combat n’est pas gagné d’avance.
Par ARM
© www.lemohelien.com – Samedi 25 janvier 2014.