Billets de banque photographiés en Espagne le 18 janvier 2011. (Photo Andrea Comas. Reuters) 40 ANS DE FAITS DIVERS [Paru le 10 ma...
Billets de banque photographiés en Espagne le 18 janvier 2011. (Photo Andrea Comas. Reuters)
40 ANS DE FAITS DIVERS [Paru le 10 mai 2003] Michel a cru à la multiplication de sa fortune. L'arnaque lui a fait perdre 15 000 euros.
Ali, escroc africain aux billets noircis, a vendu sa camelote à Michel, musicien savoyard, aujourd'hui furieux de sa jobardise. Début avril, en banlieue parisienne, «Ali le black» lui propose de multiplier sa fortune par trois. Il fait une«démonstration parfaite» sous les yeux de Michel, qui raconte : «Il avait des «plaques noires» qui venaient de la Banque centrale européenne, du papier comme du buvard, des billets soi-disant noircis par la BCE parce qu'ils portaient juste les numéros et les puces magnétiques, mais qu'il manquait la couleur. Mais il avait trouvé un système pour les laver. Je lui apporte alors un billet original de 50 euros pour un essai. Ali place une plaque en dessous, et une dessus, comme un sandwich. Il passe le tout dans une poudre blanche, comme on roule un poisson dans de la farine avant de le cuire. Il injecte un produit comme du Mercurochrome. À ce stade, les trois billets sortent noirs. Alors, il verse un liquide incolore pour les laver, et trois coupures de 50 euros sortent impeccables. J'ai vraiment cru dupliquer deux billets.»
L'arnaque consiste à faire croire que les couleurs du vrai billet ont teinté les noircis. Persuadé de tenir la chance de sa vie, Michel rentre en Savoie, rassemble ses économies, 15 000 euros, puis remonte à Paris. Rendez-vous le 10 avril à l'Etap Hôtel d'Aubervilliers.
«Tu t'assois dessus»
Dans la chambre d'hôtel, Ali intercale des plaques noires entre ses billets de 50,«comme un gros mille-feuille», l'entoure d'aluminium, «injecte avec une seringue son produit Mercurochrome» et ordonne : «Tu t'assois dessus pendant deux heures, et je reviens les laver avec toi.» Telle la poule aux oeufs d'or, le Savoyard a couvé. Longtemps. Jusqu'au coup de fil d'Ali à minuit et demie qui, trop lessivé, repousse le blanchissage au lendemain.
À 9 heures, c'est un autre qui téléphone «de Suisse», paraît-il, un certain Sonny. Simulant l'affolement, le comparse d'Ali apprend à Michel qu'«il faut se barrer tout de suite de l'hôtel», car Ali se trouve au commissariat, attrapé par la police avec les plaques et les produits. «J'ai paniqué», raconte Michel. Sonny prétend quitter la Suisse pour le tirer d'affaire, et arriver à Paris à 12 h 30. Il donne rendez-vous à Michel à l'Ibis de la place de Montreuil. Sonny débarque à l'heure dite, sapé «comme un ambassadeur».
Sonny prend les choses en main : «Il faut de la poudre pour laver tes billets, mais ce produit se trouve en Suisse. Un ami pilote peut le rapporter, mais tu dois donner 500 euros.» Michel refuse : «Je commence à avoir des doutes.» Sonny repart, et revient à 20 h 30 avec un sac à dos. À l'intérieur, «une bouteille de Perrier enveloppée de bandelettes de plâtre». Sonny propose de«faire un échantillon». «Il ouvre mon paquet d'alu, tous les billets étaient noirs. Il en prend un peu. Je ne l'ai pas quitté des yeux. Dans la salle de bains, j'ai fait son assistant. Il verse dans le lavabo du liquide de la bouteille plâtrée, incolore, et le noir s'éclipse. Il a bien choisi deux billets à moi, j'avais noté à l'avance tous leurs numéros.»Le hic, c'est que «il reste une tache de Mercurochrome au milieu des billets lavés».
Poudre magique
Sonny pousse encore le bouchon : «Pour avoir la poudre qui rend les billets tout neufs, ça coûte 9 000 euros.» Michel tergiverse, mais, s'il refuse, tout son fric part en fumée. Le 11 avril, il chez lui pour chercher de l'argent.
Le 12 avril, il reprend le TGV pour Paris et tombe sur un article de Libération à propos de «la ricine de la gare de Lyon qui s'est transformée en farine». Le lecteur se rend compte que les produits entreposés dans la consigne -enveloppés dans des bandelettes de plâtre-, qui ont abusé le ministère de l'Intérieur, ressemblent au «matos» qu'on tente de lui vendre.
«T'es un escroc !»
Arrivé au Novotel de la gare de Lyon à Paris, Michel exige de Sonny un lessivage gratis :«Ton histoire a été soulevée par les journaux, et ta poudre à 9 000 euros, là, c'est de la cocaïne à ce prix-là ou quoi ? Tu me laves mon argent, et c'est marre. T'es un escroc, alors essaie de rattraper le truc.» À la recherche de la poudre magique, Sonny l'embarque dans un périple qui s'achève à l'hôtel Concorde-Lafayette, porte Maillot, d'où il s'éclipse par une autre issue. Michel se retrouve seul. Mais, comme Sonny avait insisté, en vain, pour récupérer le paquet d'argent noirci, Michel pense toujours détenir ses 15 000 euros noirs.
Il ne sait pas que, dans ce genre d'arnaque, les autres gogos n'ont retrouvé que du vulgaire papier noirci. «Ils ont pas tiré un seul bénéfice de mon pognon, assure Michel encore convaincu, j'ai toujours eu mon paquet de billets dans la vision. J'ai essayé de les laver avec l'acétone et l'éthanol indiqués dans "Libé", et puis, avec du révélateur photo, ça marche pas. Vous avez pas un produit à m'indiquer ?»
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