La Guadeloupe a signé un accord de sortie de crise après 44 jours d'une grève générale paralysante, mais La Réunion lui a aussitôt emboî...
DECRYPTAGE - Comme aux Antilles en 2009, ou plus récemment à La Réunion et Mayotte, les habitants de Nouvelle-Calédonie sont dans la rue pour dénoncer la vie chère. L'occasion de voir si la loi relative à la régulation économique outre-mer a porté ses fruits...
Des manifestants dans les rues de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, et des blocages d'hypermarchés. Une intersyndicale, qui a également lancé un mot d'ordre de grève générale reconductible de 24h en 24h, mobilise cette semaine pour dénoncer la vie chère. Mais, la Nouvelle-Calédonie étant le territoire le plus autonome de la République, les compétences de l'Etat sont extrêmement réduites en la matière.
Au ministère des Outre-mer, on explique que la loi relative à la régulation économique outre-mer,promulguée le 20 novembre, et qui prévoit un arsenal de dispositifs pour lutter contre la vie chère, ne s'applique pas au territoire calédonien. Le ministre des Outre-mer, Victorin Lurel, a cependant affirmé à plusieurs reprises que l'Etat était disposé à accompagner le gouvernement calédonien pour l'aider à intégrer des dispositifs comparables à ceux prévus par la loi, comme par exemple la «mesure-phare» du texte, le bouclier qualité/prix, un panier-type comprenant plusieurs dizaines de produits de consommation courante dont le prix est négocié pour être réduit de 10 à 15% par rapport à ceux pratiqués auparavant.
«Nous sommes des vaches à lait»
Interrogé par 20 Minutes, le ministère se félicite de sa mise en place le 1ermars, qui «dans certains territoires, comme à la Réunion, a connu des résultats supérieurs à ceux escomptés, les distributeurs se faisant de la concurrence sur le prix du "panier Lurel"». Des résultats loin d'être uniformes. Ainsi en Guadeloupe force est de constater que les effets des dispositifs ne sont pas (encore?) palpables.
«Une blague», «un vaste écran de fumée», «une escroquerie intellectuelle». Elie Domota, secrétaire général de l'UGTG et porte- parole du LKP, n'a pas de terme assez dur pour qualifier la loi Lurel. Selon lui, «cette loi n'a pour objectif que de conserver la profitabilité -ce qui enterre le petit commerce- et pour donner l'illusion que quelque chose est fait aux consommateurs». Et de souligner que les prix ont encore augmenté de 0,8% en mars sur le territoire, selon les chiffres de l'Insee. Une hausse relativisée au ministère, le bouclier qualité/prix n'ayant pas eu le temps de porter ses fruits en moins d'un mois.
Mais Elie Domota persiste: «Il n'y a pas de baisse des prix, seulement une entente entre les gros pour harmoniser les prix -ceux-ci ayant été décidés lors de négociations secrètes, seulement entre le préfet et les importateurs distributeurs, sans associations de consommateurs et sans syndicats ouvriers membres de l'Observatoire des prix, et garantir le profit des importateurs distributeurs. Nous sommes des vaches à lait.»
Rationnalisation de la consommation
Le constat du syndicaliste est partagé par la sociologue Patricia Braflan-Trobo. «Cette loi n'a strictement rien changé. Aucun Guadeloupéen ne peut dire qu'il en ressent les effets sur son porte-monnaie», explique-t-elle à20 Minutes. Pour elle, la seule solution est de «démanteler, ou au moins d'encadrer les lobbys qui existent depuis l'abolition de l'esclavage et qui détiennent l'import-export en Guadeloupe. Il est impossible de lutter contre ces lobbys avec des lois».
En revanche, souligne Patricia Braflan-Trobo, si après 2009, il n'y a pas eu de changement du côté de la vie chère, il y en a eu au sein de la société guadeloupéenne : «Les gens ont pris conscience que les politiques n'apporteraient pas le salut, et ils ont changé leur façon de penser et de consommer, rationnalisant plus leurs achats.» Et de détailler: «Ils vont moins dans les supermarchés, et leur préfèrent les commerces de proximité, qui ne sont pas moins chers, mais qui n'appartiennent pas aux "profiteurs" identifiés en 2009. Ils favorisent aussi la production locale, et achètent plus par Internet.» En effet, les pièces de voiture achetées par Internet par exemple, coûtent toujours moins chères que celles achetées sur le territoire, malgré les frais de port et les taxes, raconte-t-elle.
Un changement de consommation qui pourrait porter atteinte aux lobbys, et amener les politiques à envisager des changements, espère la sociologue, qui craint que, si la situation persiste, elle ne dégénère comme il y a quatre ans. «Les gens sont à bout. Tôt ou tard, les mêmes causes produiront les mêmes effets.»
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