Seul 26% soutiennent cette idée. Le scepticisme se trouve plus largement chez les sympathisants de droite qu'à gauche. Atlantico : D...
Seul 26% soutiennent cette idée. Le scepticisme se trouve plus largement chez les sympathisants de droite qu'à gauche.
Atlantico : D'après un sondage réalisé par l'Ifop pour Atlantico, 26% des Français sont favorables à ce que les pays européens envoient des armes aux rebelles syriens. A l'inverse, 61% y sont opposés, et craignent que cette aide matérielle ne tombe entre de mauvaises mains. François Hollande a récemment annoncé qu'il soutenait une aide militaire à l'opposition dans le pays. Comment expliquer le décalage entre le discours politique et la l'opinion publique sur la question ?
Jérôme Fourquet : Le discours politique n'est pas unanime et univoque sur la question. Si on veut être précis, il faut dire qu'aujourd'hui, c'est essentiellement l'équipe de François Hollande qui propose d'accélérer et d'amplifier l'aide aux rebelles syriens par des livraisons d'armes, et pas seulement du matériel militaire de protection. Très majoritairement, on constate que les Français sont opposés à ce type d'intervention et ne sont pas convaincus par les arguments des gouvernements français et britanniques.
Lorsque les questions ont été posées pour l'étude, les arguments principaux qui pourraient justifier les réponses ont été suggérées aux sondés. La deuxième opinion, qui consiste à être contre parce que les armes fournies risqueraient de tomber aux mains des mouvements islamistes radicaux est la plus partagée aujourd'hui.
De plus, quand on regarde les réponses dans le détail, on constate qu'on a un clivage gauche-droite qui s'exprime, puisque ce sont les sympathisants de l'UMP et du FN qui sont les plus réticents. C'est aussi le cas de sympathisants de gauche, même si c'est plus équilibré : on a quand même une majorité qui est opposée à une telle option (50%) contre 39% qui sont favorables.
En mars 2011, lorsque l'Ifop a interrogé les personnes sur les printemps arabes, on a observé qu'il y avait aussi un décalage prononcé déjà l'époque entre le regard que les français portaient sur cet événement et le discours politique. Une majorité des membres du personnel politique se réjouissait de ces révolutions et de ces mouvements démocratiques excepté Marine Le Pen. Parallèlement les Français étaient heureux que leurs voisins de la méditerranée se débarrassent de leurs dictateur mais ils étaient majoritairement inquiets pour deux raisons. Tout d'abord, à cause des conséquences en termes de flux migratoires éventuels sur l'Hexagone. Ils étaient aussi inquiets à propos de l'issue de ces révolutions, et de la place qui pourrait revenir aux mouvements islamistes dans ces pays-là.
A l'époque, 68% des Français (deux tiers d'entre eux ) craignaient l'arrivée au pouvoir de partis islamistes dans ces pays, déjà à l'époque. Depuis, ces partis sont au pouvoir en Tunisie, en Egypte et en Libye. A cela s'ajoute ce qui se passe actuellement au Mali, et le fait qu'une très grand partie des armes très nombreuses qui se trouvaient en Libye ont été pillées et dispatchées un peu partout dans le Sahel et en particulier au mali après l'effondrement du régime. Tout ce contexte-là doit être pris en compte, et les chiffres ne sont donc pas étonnants.
C'est donc un décalage complet de perception. On a une opinion publique très, très prudente et très rétive qui regarde avec une certaine inquiétude ce qui se passe dans les pays arabes. Elle est très fortement sensibilisée à la "menace islamiste". On a célébré le premier anniversaire de l'affaire Merah, on a 4000 soldats français qui se battent au Mali contre des islamistes… Il n'y a pas une semaine sans qu'on parle de démantèlement de réseau terroriste, ou de tentative d'attentat. On a donc une toile de fond lourdement chargée.
Comment expliquer le clivage politique sur ces questions qui relèvent traditionnellement de l'unité nationale ?
Il y a deux explications. La première est partisane : comme c'est le gouvernement et François Hollande qui est au pouvoir , il y a un réflexe légitimiste à gauche c'est qu'on soutient même si on n'a pas vraiment d'opinion. C'est Hollande qui propose, donc on est plutôt pour. A l'inverse, les personnes à droite vont être plus sceptiques.
Aujourd'hui il y a plus de gens de gauche que de droite qui soutiennent l'intervention au Mali. Dans le cas de la Libye, c'était l'inverse. Une opération a été lancée par Sarkozy, l'autre par Hollande, alors que les deux opérations sont tout de même similaires. A deux ans d'écart, il est intéressant de voir qu'il y a eu une intervention de la tendance.
Les gens se positionnent donc en fonction de leur appartenance politique.
L'autre explication se situe dans la tradition interventionniste de la France, et celle de soutien aux mouvements de libération qui est plus répandue à gauche qu'à droite.
A droite, on est plus adepte des arguments qui soutiennent que ce qui se passe dans un pays est plus une guerre civile, et qu'on a juste des mauvais coups à prendre. C'est donc aux pays de régler leurs propres problèmes. Dans le cas de la Syrie, on a de la sympathie pour les rebelles, mais ce n'est pas à une puissance étrangère d'intervenir, et surtout pas à la France. C'est le discours de Marion Maréchal le Pen.
Plus on va à droite, plus ce jugement est appuyé (seul 11% du FN est favorable) . Si on remonte un peu dans l'histoire, on observe qu'une partie de la gauche était en faveur d'un soutien aux républicains espagnols contre Franco. Toute une partie des intellectuels de gauche était en pointe pour qu'on aille au Kosovo, en Bosnie, il y a donc une responsabilité des puissances occidentales pour faire triompher la démocratie et les droits de l'homme. C'est pousser à l'extrême une forme d'ingérence humanitaire. La droite, elle, est plus adepte de la realpolitik.
Les dernières études montrent qu'environ 60% des Français sont favorables à l'intervention au Mali. Comment expliquer le fait qu'ils soient plus favorables à une intervention au Mali qu'en Syrie ?
Il y a deux explications : la première, on l'a vue au moment de l'intervention Libye, au moment où on entre en guerre il y a un réflexe patriotique et d'union nationale. En Libye, lorsque Sarkozy envisageait d'y aller, 30% étaient favorables. Lorsque les bombardements ont commencé, 60% soutenaient l'opération. Au Mali, on n'a pas eu le temps de faire des mesures avant l'intervention car ça s'est organisé très précipitamment. Les premières mesures dont on dispose sont postérieures à l'intervention. Ce réflexe d'unité nationale prévaut donc.
Deuxièmement, les situations sont différentes dans les deux pays. Au Mali, c'est une opération d'urgence, pour empêcher la prise de pouvoir des islamistes avec le soutien de l'opinion publique internationale et à la demande du gouvernement en place. En Syrie, au contraire, il n'y a aucun mandat pour y aller et on a l'impression que la situation est beaucoup plus complexe, et que les français vont jouer les casques bleus comme dans les Balkans. Cette situation est extrêmement inconfortable. De plus, il faut voir qui est l'ennemi.
L'année dernière, il y avait une très forte réticence à envoyer des soldats en Syrie avec l'idée que la situation était de plus en plus ingérable avec l'intensité des combats était telle qu'il était tout à fait suicidaire ou dangereux d'envoyer des soldats sur le terrain. Pour les Français, il est urgent d'attendre et de ne pas envoyer nos troupes dans un pays qui s'enfonce dans une guerre civile, qui déborde sur ses voisins, notamment sur le Liban. De plus, il se situe dans la sphère d'influence de l'islam, c'est un pays arabe et on a des informations dans les médias qui disent qu'une partie de la résistance syrienne est composée de mouvements islamistes. Du coup, Les Français se disent qu'armer ces rebelles pour faire tomber un régime aussi détestable soit-il est peut-être armer des ennemis de demain. Cette opinion découle de l'expérience libyenne.
Ce risque d'effet pervers avait déjà été façonné dans l'opinion publique, lors de l'expérience en Afghanistan des Américains, qui avaient armé les Afghans contre les Soviétiques, ce qui s'est ensuite retourné contre eux.
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