Nicolas Sarkozy et François Hollande sur le plateau du débat d'entre-deux tours de l'élection présidentielle AP/THIBAULT CAMUS Da...
Nicolas Sarkozy et François Hollande sur le plateau du débat d'entre-deux tours de l'élection présidentielle AP/THIBAULT CAMUS |
Dans un débat particulièrement tendu, voire violent, les deux ultimes candidats à la présidentielle, Nicolas Sarkozy et François Hollande, se sont affrontés, mercredi 2 mai, opposant deux visions de la France, de l'Europe et de la stature présidentielle.
Les attaques personnelles. "Quand on m'a comparé à Franco, à Pétain, à Laval, et pourquoi pas Hitler, vous n'avez pas dit un mot (...) Quand MmeAubry me traite de Madoff et que le leader de la famille ne dit rien, c'est qu'il cautionne", a d'emblée reproché Nicolas Sarkozy à François Hollande."Monsieur Sarkozy, vous aurez du mal à passer pour une victime", lui a répondu le candidat socialiste avant de condamner "tous les excès" et de rappeler que, lui aussi, avait été victime d'attaques personnelles - "J'ai eu droit à tous les animaux du zoo, j'ai eu droit à toutes les comparaisons les moins flatteuses."
L'emploi. Après cette passe d'armes sur le ton de la campagne, MM. Sarkozy et Hollande sont entrés dans le vif du débat avec le premier thème prévu : l'emploi. Sur ce sujet, les deux candidats ont opposé deux visions du problème, rappelant chacun leur proposition centrale pour résoudre le problème du chômage : les contrats de génération pour le candidat du PS ; la réduction du coût du travail pour le candidat de l'UMP, via la TVA dite sociale.
"Cette TVA que vous allez imposer va prélever du pouvoir d'achat. J'ai fait le calcul : 300 euros pour un couple de smicard, voilà ce que va être le prélèvement annuel que vous allez infliger", a affirmé M. Hollande. Renouvelant un argument déjà utilisé plusieurs fois, M. Sarkozy a tenu a rappeler que Manuel Valls lui-même - directeur de la communication du candidat socialiste - soutenait pourtant ce principe de TVA dite sociale lors de la primaire socialiste.
L’Europe. Sur l'Europe, deux visions politiques se sont là encore affrontées : Nicolas Sarkozy brandissant la menace de la faillite et le risque de prendre la voie économique de l'Espagne ou de la Grèce si François Hollande venait à être élu. Ce dernier a, quant à lui, refusé de voir l'austérité comme seule issue possible de la crise de l'euro et a rappelé son projet de renégocier le nouveau traité européen, pour plus de croissance, tout en reprochant à son rival de n'avoir rien obtenu de l'Allemagne dans la gestion de la crise.
"Je ne peux mettre cela que sur l'incompétence, pas sur la mauvaise foi", s'est défendu M. Sarkozy, qui l'a accusé de découvrir "le fil à couper le beurre" en proposant la taxation des transactions financières, déjà votée par le Parlement. "M. Hollande connaît mal l'Europe", a encore dit le président sortant.
L'immigration. Après plus d'une heure et demi de débat consacré à l'économie, les candidats ont ensuite abordé des questions sociétales, principalement celle de l'immigration. Dans une première passe d'armes, M. Sarkozy a reproché à M. Hollande de ne pas être constant sur sa position sur les centres de rétention.
"Est-ce qu'on garde les centres de rétention ?", a demandé le candidat de l'UMP. "Bien sûr qu'on les garde", lui a répondu M. Hollande. "Alors pourquoi vous avez écrit dans cette lettre au directeur général de Terre d'Asile, je cite : 'Je souhaite, moi François Hollande, que la rétention devienne l'exception'. S'il n'y a plus de rétention... ", lui a alors rétorqué M. Sarkozy, souhaitant souligner l'inconstance de son rival.
Toujours sur l'immigration, les deux prétendants à l'Elysée ont ensuite abordé la question du droit de vote des étrangers. Dans la campagne de l'entre deux-tours, M. Sarkozy avait beaucoup utilisé ce sujet comme angle d'attaque à l'encontre de son rival. Cette fois encore, il a jugé "irresponsable de proposer un vote communautariste (...), alors que nous sommes face à des tensions communautaires et identitaires extraordinairement fortes". "On a eu une montée des tensions communautaires extravagante, on a eu une radicalisation et une pression, disons les choses comme elles sont, d'un islam de France, alors que nous voulons un islam en France", a encore dit le candidat de la droite.
"Pourquoi vous laissez supposer que les étrangers non communautaires, non européens, sont des musulmans ? Pourquoi vous dites ça ? Qu'est-ce qui vous permet de dire que ceux qui ne sont pas européens sont musulmans ?", lui a alors demandé le candidat socialiste avant d'ajouter : "Je vous fais d'ailleurs observer qu'il y a des Français qui sont de culte musulman aujourd'hui. Est-ce que ces Français-là font des pressions communautaires ?"
Le nucléaire. La question du nucléaire a également fait l'objet d'une joute verbale entre MM. Hollande et Sarkozy, chacun campant sur ses positions. D'un côté, le candidat de l'UMP a rappelé l'importance de la filière du nucléaire, reprochant à son rival de mettre en péril les "240 000" emplois du secteur. Puis il a de nouveau voulu montrer l'inconstance de son rival concernant le nombre de centrales qu'il souhaitait fermer et l'a accusé d'avoir "vendu les ouvriers de Fessenheim et du nucléaire sur l'autel d'un accord méprisable politicien [accords entre les Verts et le PS]".
De son côté, François Hollande a rappelé que cet accord avait été signé avec Martine Aubry et qu'il n'engageait donc pas sa personne, tout en rappelant qu'il avait toujours eu pour seule intention de ne fermer qu'une seule centrale, celle de Fessenheim.
La présidentialité. Abordant la question de la présidentialité, François Hollande s'est lancé dans une scansion qui restera un des moments les plus forts du débat, enchaînant pas moins de 15 phrases commençant par "Moi, président...", attaquant à chaque fois des points de la présidence Sarkozy."Moi président de la République, je ne serai pas le chef de la majorité, je ne recevrai pas les parlementaires de la majorité à l'Élysée. Moi, président de la République, je ne traiterai pas mon premier ministre de 'collaborateur'...". Une tirade d'autant plus percutante que M. Sarkozy a laissé son rival la dérouler sans l'interrompre une seule fois.
Les "mensonges" et les "calomnies". Enfin, les accusations de mensonges et de calomnies ont volé à de nombreuses reprises autour de la table. "Vous mentez", a ainsi lancé Nicolas Sarkozy lorsque François Hollande a affirmé qu'il avait fait une politique pour les plus riches. "C'est décidément un leitmotiv qui devrait pour moi être insupportable, mais qui dans votre bouche finit par être une habitude", lui a répondu François Hollande. "Vous êtes un petit calomniateur", a même lâché Nicolas Sarkozy au terme d'un ultime échange particulièrement tendu entre les deux candidats.
Dans un chat au Monde.fr, Françoise Fressoz, éditorialiste au Monde, livre son analyse du débat radiotélévisé entre François Hollande et Nicolas Sarkozy, mercredi 2 mai.
Never33 : Qui a gagné ? Comment jugez-vous la prestations des candidats ?
Françoise Fressoz : Difficile de répondre à la question, car il n'est pas certain que le débat fasse bouger les lignes chez les indécis. Il a été globalement très technique. Mais ce qui a le plus frappé, c'est de voir que François Hollande ne s'est jamais laissé dominer par Nicolas Sarkozy.
Il faut voir quelle était la stratégie des deux candidats. M. Hollande avait besoin de montrer qu'il maîtrisait ses dossiers, qu'il avait la stature présidentielle, qu'il pouvait incarner justice et redressement. C'est en fonction de ces trois impératifs qu'il a conduit le débat. A chaque fois que M. Sarkozy essayait de lui asséner un chiffre, il ripostait.
Comme M. Sarkozy voulait se placer en position du maître par rapport à l'élève, comme l'avait fait Valéry Giscard d'Estaing face à François Mitterrand en 1974, M. Hollande a réagi : il a contesté les chiffres et les raisonnements de M. Sarkozy, pour ne pas se laisser piéger. Cela n'a pas forcément donné un débat très compréhensible, mais cela a permis au candidat socialiste de ne jamais se laisser dominer.
M. Sarkozy, lui, s'était fixé comme objectif de "débusquer" son adversaire, dont il ne cesse de dénoncer l'art de l'esquive. Il a cherché toutes sortes "d'alliés" pour mettre en difficulté M. Hollande : il est allé chercher Manuel Valls, le directeur de la communication de son rival, sur la TVA Sociale, Martine Aubry sur le contrat de génération, il a aussi cité Laurent Fabius... Il voulait vraiment mettre en difficulté M. Hollande sur ses convictions.
Mais il n'a, je pense, réussi à le faire que sur la partie immigration, lorsqu'ont été évoqués les centres de rétentions. M. Hollande a eu du mal à expliquer s'il voulait les maintenir ou en faire une exception. C'est la seule fois où il a été vraiment en difficulté. Mais à chaque grande étape du débat, M. Sarkozy a utilisé la même technique : essayer de faire apparaître M. Hollande comme une personnalité sans beaucoup de convictions. Il a par exemple essayé sur le nucléaire, mais là, M. Hollande s'est beaucoup mieux défendu.
Doc : J'ai le sentiment que M. Sarkozy ne s'attendait pas à un François Hollande si combatif, ne l'a-t-il pas sous-estimé ?
Je pense que M. Sarkozy a fini la campagne en se rendant compte qu'il ne fallait pas sous-estimer M. Hollande. Il avait une difficulté fondamentale dans ce débat : il lui fallait gommer le côté agressif qu'il avait manifesté la semaine dernière pour tenter de récupérer des voix à Marine Le Pen. Car il savait bien qu'en face de lui, il aurait un candidat qui jouerait le rassemblement dès le début du débat.
Et dès le début du débat, M. Hollande l'a effectivement accusé d'avoir "opposé" et"divisé" les Français. Il fallait absolument que M. Sarkozy, en réponse, sorte du rôle du méchant. Du coup, on a eu l'impression qu'il était beaucoup moins dominateur que d'habitude.
Baba : Comment évaluez-vous l'attitude et les qualités montrées par M. Hollande ? Il semble avoir montré des qualités d'homme d'Etat.
M. Hollande a montré qu'il connaissait bien ses dossiers. Il n'a pas donné l'impression qu'il était fondamentalement handicapé par le fait de ne jamais avoir été ministre. Par ailleurs, il a crédibilisé son projet, en jouant sur le côté "justice", qui était le point faible du bilan de M. Sarkozy. Son credo est d'apaiser la France en la rendant plus juste, et de renvoyer M. Sarkozy à ses peurs.
Par ailleurs, il a constamment joué sur le bilan pour atténuer le caractère "homme d'Etat" de M. Sarkozy. A chaque grand dossier, il l'a renvoyé à son quinquennat, ou même à dix ans en arrière, quand il était ministre de l'intérieur. Et c'est en jouant contre ce bilan qu'il est parvenu à dessiner un projet.
Adrien : Avez-vous trouvé Nicolas Sarkozy en difficulté ?
M. Sarkozy n'a jamais décroché du débat. Mais à un moment, à la fin de l'émission, il a un peu laissé filer les choses. Quand François Hollande répète plus de dix fois"moi président de la République", il aurait pu l'interrompre en disant qu'il ne l'était pas encore, ou en pointant son arrogance.
Au contraire, il s'est tu. Il a laissé le candidat socialiste à sa litanie, et on se demande à ce moment du débat s'il ne s'est pas déjà résigné à la transmission du flambeau : c'était très étonnant venant de sa part.
David : La stratégie de M. Sarkozy de combattre sur son bilan n'est-elle pas sa faute principale ? Très peu de propositions sur le futur dans le débat alors qu'il a un programme de propositions ?
Vous soulevez l'une des difficultés de sa campagne. Normalement, M. Sarkozy aurait dû défendre son bilan au début de la campagne, pour développer ensuite ses propositions. Et on le retrouve en fait à la dernière émission télévisée à encore défendre son bilan, sans faire beaucoup de propositions.
C'est dû en partie au fait qu'il a longtemps cru que cette présidentielle se jouerait sur la crise, et qu'il n'avait pas besoin de projet : on le jugerait plutôt sur sa stature présidentielle. C'était une erreur.
Guest : Pensez-vous que les efforts de M. Sarkozy vont être récompensés par les électeurs du FN ou MoDem ? Il me semblait moins convaincant quand M. Hollande l'a poussé sur le terrain de son virage à droite immigration, etc.
La campagne très à droite de M. Sarkozy la semaine dernière a créé des remous au sein même de l'UMP. On a vu le premier ministre en personne, François Fillon, corriger le président de la République sur l'attitude à avoir vis-à-vis des syndicats. On a entendu Jean-Pierre Raffarin dire son malaise, après les appels du pied à l'électorat FN.
Ce soir, M. Sarkozy a essayé de rectifier le tir, en jouant à la fois l'électorat Le Pen et l'électorat du centre. Du coup, il pouvait sembler moins convaincant à l'un ou l'autre de l'électorat.
Pierrick : Selon vous, quels sont les thèmes qui ont manqué à ce débat ?
Ce qui m'a semblé manquer, pas seulement ce soir mais tout au long de la campagne, c'était la façon dont la France se situait par rapport au reste du monde. Les débats ont été très techniques. Il a manqué dans les deux camps une vision sur les enjeux des cinq ans à venir, comme si le pays avait vraiment du mal à se situer dans la mondialisation.
Denzel : Peut-on parler de match nul un bon débat sans gagnant ?
Oui, on peut parler de match nul. Mais comme M. Hollande partait en position de favori, on peut dire qu'il reste le favori. M. Sarkozy n'est pas parvenu à le déstabiliser, alors que c'était vraiment son objectif de départ.
Guest : Le débat m'a paru violent, voire provocateur. Etait-ce le cas ?
Quand on liste les moments de tension, ils sont finalement assez peu nombreux. En revanche, le débat est sans concession, parce que sans arrêt, ils s'interrompent l'un l'autre. M. Hollande a le souci de corriger M. Sarkozy, dès que ce dernier assène quelque chose : et donc, on est toujours sous tension, et ce n'est pas forcément une bonne façon de rendre les sujets plus intelligibles.
Par exemple, sur l'emploi, il n'est pas sûr qu'on ait appris beaucoup de choses, alors qu'il s'agit du sujet de préoccupation numéro 1 des Français.
Source : lemonde.fr
Les attaques personnelles. "Quand on m'a comparé à Franco, à Pétain, à Laval, et pourquoi pas Hitler, vous n'avez pas dit un mot (...) Quand MmeAubry me traite de Madoff et que le leader de la famille ne dit rien, c'est qu'il cautionne", a d'emblée reproché Nicolas Sarkozy à François Hollande."Monsieur Sarkozy, vous aurez du mal à passer pour une victime", lui a répondu le candidat socialiste avant de condamner "tous les excès" et de rappeler que, lui aussi, avait été victime d'attaques personnelles - "J'ai eu droit à tous les animaux du zoo, j'ai eu droit à toutes les comparaisons les moins flatteuses."
L'emploi. Après cette passe d'armes sur le ton de la campagne, MM. Sarkozy et Hollande sont entrés dans le vif du débat avec le premier thème prévu : l'emploi. Sur ce sujet, les deux candidats ont opposé deux visions du problème, rappelant chacun leur proposition centrale pour résoudre le problème du chômage : les contrats de génération pour le candidat du PS ; la réduction du coût du travail pour le candidat de l'UMP, via la TVA dite sociale.
"Cette TVA que vous allez imposer va prélever du pouvoir d'achat. J'ai fait le calcul : 300 euros pour un couple de smicard, voilà ce que va être le prélèvement annuel que vous allez infliger", a affirmé M. Hollande. Renouvelant un argument déjà utilisé plusieurs fois, M. Sarkozy a tenu a rappeler que Manuel Valls lui-même - directeur de la communication du candidat socialiste - soutenait pourtant ce principe de TVA dite sociale lors de la primaire socialiste.
L’Europe. Sur l'Europe, deux visions politiques se sont là encore affrontées : Nicolas Sarkozy brandissant la menace de la faillite et le risque de prendre la voie économique de l'Espagne ou de la Grèce si François Hollande venait à être élu. Ce dernier a, quant à lui, refusé de voir l'austérité comme seule issue possible de la crise de l'euro et a rappelé son projet de renégocier le nouveau traité européen, pour plus de croissance, tout en reprochant à son rival de n'avoir rien obtenu de l'Allemagne dans la gestion de la crise.
"Je ne peux mettre cela que sur l'incompétence, pas sur la mauvaise foi", s'est défendu M. Sarkozy, qui l'a accusé de découvrir "le fil à couper le beurre" en proposant la taxation des transactions financières, déjà votée par le Parlement. "M. Hollande connaît mal l'Europe", a encore dit le président sortant.
L'immigration. Après plus d'une heure et demi de débat consacré à l'économie, les candidats ont ensuite abordé des questions sociétales, principalement celle de l'immigration. Dans une première passe d'armes, M. Sarkozy a reproché à M. Hollande de ne pas être constant sur sa position sur les centres de rétention.
"Est-ce qu'on garde les centres de rétention ?", a demandé le candidat de l'UMP. "Bien sûr qu'on les garde", lui a répondu M. Hollande. "Alors pourquoi vous avez écrit dans cette lettre au directeur général de Terre d'Asile, je cite : 'Je souhaite, moi François Hollande, que la rétention devienne l'exception'. S'il n'y a plus de rétention... ", lui a alors rétorqué M. Sarkozy, souhaitant souligner l'inconstance de son rival.
Toujours sur l'immigration, les deux prétendants à l'Elysée ont ensuite abordé la question du droit de vote des étrangers. Dans la campagne de l'entre deux-tours, M. Sarkozy avait beaucoup utilisé ce sujet comme angle d'attaque à l'encontre de son rival. Cette fois encore, il a jugé "irresponsable de proposer un vote communautariste (...), alors que nous sommes face à des tensions communautaires et identitaires extraordinairement fortes". "On a eu une montée des tensions communautaires extravagante, on a eu une radicalisation et une pression, disons les choses comme elles sont, d'un islam de France, alors que nous voulons un islam en France", a encore dit le candidat de la droite.
"Pourquoi vous laissez supposer que les étrangers non communautaires, non européens, sont des musulmans ? Pourquoi vous dites ça ? Qu'est-ce qui vous permet de dire que ceux qui ne sont pas européens sont musulmans ?", lui a alors demandé le candidat socialiste avant d'ajouter : "Je vous fais d'ailleurs observer qu'il y a des Français qui sont de culte musulman aujourd'hui. Est-ce que ces Français-là font des pressions communautaires ?"
Le nucléaire. La question du nucléaire a également fait l'objet d'une joute verbale entre MM. Hollande et Sarkozy, chacun campant sur ses positions. D'un côté, le candidat de l'UMP a rappelé l'importance de la filière du nucléaire, reprochant à son rival de mettre en péril les "240 000" emplois du secteur. Puis il a de nouveau voulu montrer l'inconstance de son rival concernant le nombre de centrales qu'il souhaitait fermer et l'a accusé d'avoir "vendu les ouvriers de Fessenheim et du nucléaire sur l'autel d'un accord méprisable politicien [accords entre les Verts et le PS]".
De son côté, François Hollande a rappelé que cet accord avait été signé avec Martine Aubry et qu'il n'engageait donc pas sa personne, tout en rappelant qu'il avait toujours eu pour seule intention de ne fermer qu'une seule centrale, celle de Fessenheim.
La présidentialité. Abordant la question de la présidentialité, François Hollande s'est lancé dans une scansion qui restera un des moments les plus forts du débat, enchaînant pas moins de 15 phrases commençant par "Moi, président...", attaquant à chaque fois des points de la présidence Sarkozy."Moi président de la République, je ne serai pas le chef de la majorité, je ne recevrai pas les parlementaires de la majorité à l'Élysée. Moi, président de la République, je ne traiterai pas mon premier ministre de 'collaborateur'...". Une tirade d'autant plus percutante que M. Sarkozy a laissé son rival la dérouler sans l'interrompre une seule fois.
Les "mensonges" et les "calomnies". Enfin, les accusations de mensonges et de calomnies ont volé à de nombreuses reprises autour de la table. "Vous mentez", a ainsi lancé Nicolas Sarkozy lorsque François Hollande a affirmé qu'il avait fait une politique pour les plus riches. "C'est décidément un leitmotiv qui devrait pour moi être insupportable, mais qui dans votre bouche finit par être une habitude", lui a répondu François Hollande. "Vous êtes un petit calomniateur", a même lâché Nicolas Sarkozy au terme d'un ultime échange particulièrement tendu entre les deux candidats.
Dans un chat au Monde.fr, Françoise Fressoz, éditorialiste au Monde, livre son analyse du débat radiotélévisé entre François Hollande et Nicolas Sarkozy, mercredi 2 mai.
Never33 : Qui a gagné ? Comment jugez-vous la prestations des candidats ?
Françoise Fressoz : Difficile de répondre à la question, car il n'est pas certain que le débat fasse bouger les lignes chez les indécis. Il a été globalement très technique. Mais ce qui a le plus frappé, c'est de voir que François Hollande ne s'est jamais laissé dominer par Nicolas Sarkozy.
Il faut voir quelle était la stratégie des deux candidats. M. Hollande avait besoin de montrer qu'il maîtrisait ses dossiers, qu'il avait la stature présidentielle, qu'il pouvait incarner justice et redressement. C'est en fonction de ces trois impératifs qu'il a conduit le débat. A chaque fois que M. Sarkozy essayait de lui asséner un chiffre, il ripostait.
Comme M. Sarkozy voulait se placer en position du maître par rapport à l'élève, comme l'avait fait Valéry Giscard d'Estaing face à François Mitterrand en 1974, M. Hollande a réagi : il a contesté les chiffres et les raisonnements de M. Sarkozy, pour ne pas se laisser piéger. Cela n'a pas forcément donné un débat très compréhensible, mais cela a permis au candidat socialiste de ne jamais se laisser dominer.
M. Sarkozy, lui, s'était fixé comme objectif de "débusquer" son adversaire, dont il ne cesse de dénoncer l'art de l'esquive. Il a cherché toutes sortes "d'alliés" pour mettre en difficulté M. Hollande : il est allé chercher Manuel Valls, le directeur de la communication de son rival, sur la TVA Sociale, Martine Aubry sur le contrat de génération, il a aussi cité Laurent Fabius... Il voulait vraiment mettre en difficulté M. Hollande sur ses convictions.
Mais il n'a, je pense, réussi à le faire que sur la partie immigration, lorsqu'ont été évoqués les centres de rétentions. M. Hollande a eu du mal à expliquer s'il voulait les maintenir ou en faire une exception. C'est la seule fois où il a été vraiment en difficulté. Mais à chaque grande étape du débat, M. Sarkozy a utilisé la même technique : essayer de faire apparaître M. Hollande comme une personnalité sans beaucoup de convictions. Il a par exemple essayé sur le nucléaire, mais là, M. Hollande s'est beaucoup mieux défendu.
Doc : J'ai le sentiment que M. Sarkozy ne s'attendait pas à un François Hollande si combatif, ne l'a-t-il pas sous-estimé ?
Je pense que M. Sarkozy a fini la campagne en se rendant compte qu'il ne fallait pas sous-estimer M. Hollande. Il avait une difficulté fondamentale dans ce débat : il lui fallait gommer le côté agressif qu'il avait manifesté la semaine dernière pour tenter de récupérer des voix à Marine Le Pen. Car il savait bien qu'en face de lui, il aurait un candidat qui jouerait le rassemblement dès le début du débat.
Et dès le début du débat, M. Hollande l'a effectivement accusé d'avoir "opposé" et"divisé" les Français. Il fallait absolument que M. Sarkozy, en réponse, sorte du rôle du méchant. Du coup, on a eu l'impression qu'il était beaucoup moins dominateur que d'habitude.
Baba : Comment évaluez-vous l'attitude et les qualités montrées par M. Hollande ? Il semble avoir montré des qualités d'homme d'Etat.
M. Hollande a montré qu'il connaissait bien ses dossiers. Il n'a pas donné l'impression qu'il était fondamentalement handicapé par le fait de ne jamais avoir été ministre. Par ailleurs, il a crédibilisé son projet, en jouant sur le côté "justice", qui était le point faible du bilan de M. Sarkozy. Son credo est d'apaiser la France en la rendant plus juste, et de renvoyer M. Sarkozy à ses peurs.
Par ailleurs, il a constamment joué sur le bilan pour atténuer le caractère "homme d'Etat" de M. Sarkozy. A chaque grand dossier, il l'a renvoyé à son quinquennat, ou même à dix ans en arrière, quand il était ministre de l'intérieur. Et c'est en jouant contre ce bilan qu'il est parvenu à dessiner un projet.
Adrien : Avez-vous trouvé Nicolas Sarkozy en difficulté ?
M. Sarkozy n'a jamais décroché du débat. Mais à un moment, à la fin de l'émission, il a un peu laissé filer les choses. Quand François Hollande répète plus de dix fois"moi président de la République", il aurait pu l'interrompre en disant qu'il ne l'était pas encore, ou en pointant son arrogance.
Au contraire, il s'est tu. Il a laissé le candidat socialiste à sa litanie, et on se demande à ce moment du débat s'il ne s'est pas déjà résigné à la transmission du flambeau : c'était très étonnant venant de sa part.
David : La stratégie de M. Sarkozy de combattre sur son bilan n'est-elle pas sa faute principale ? Très peu de propositions sur le futur dans le débat alors qu'il a un programme de propositions ?
Vous soulevez l'une des difficultés de sa campagne. Normalement, M. Sarkozy aurait dû défendre son bilan au début de la campagne, pour développer ensuite ses propositions. Et on le retrouve en fait à la dernière émission télévisée à encore défendre son bilan, sans faire beaucoup de propositions.
C'est dû en partie au fait qu'il a longtemps cru que cette présidentielle se jouerait sur la crise, et qu'il n'avait pas besoin de projet : on le jugerait plutôt sur sa stature présidentielle. C'était une erreur.
Guest : Pensez-vous que les efforts de M. Sarkozy vont être récompensés par les électeurs du FN ou MoDem ? Il me semblait moins convaincant quand M. Hollande l'a poussé sur le terrain de son virage à droite immigration, etc.
La campagne très à droite de M. Sarkozy la semaine dernière a créé des remous au sein même de l'UMP. On a vu le premier ministre en personne, François Fillon, corriger le président de la République sur l'attitude à avoir vis-à-vis des syndicats. On a entendu Jean-Pierre Raffarin dire son malaise, après les appels du pied à l'électorat FN.
Ce soir, M. Sarkozy a essayé de rectifier le tir, en jouant à la fois l'électorat Le Pen et l'électorat du centre. Du coup, il pouvait sembler moins convaincant à l'un ou l'autre de l'électorat.
Pierrick : Selon vous, quels sont les thèmes qui ont manqué à ce débat ?
Ce qui m'a semblé manquer, pas seulement ce soir mais tout au long de la campagne, c'était la façon dont la France se situait par rapport au reste du monde. Les débats ont été très techniques. Il a manqué dans les deux camps une vision sur les enjeux des cinq ans à venir, comme si le pays avait vraiment du mal à se situer dans la mondialisation.
Denzel : Peut-on parler de match nul un bon débat sans gagnant ?
Oui, on peut parler de match nul. Mais comme M. Hollande partait en position de favori, on peut dire qu'il reste le favori. M. Sarkozy n'est pas parvenu à le déstabiliser, alors que c'était vraiment son objectif de départ.
Guest : Le débat m'a paru violent, voire provocateur. Etait-ce le cas ?
Quand on liste les moments de tension, ils sont finalement assez peu nombreux. En revanche, le débat est sans concession, parce que sans arrêt, ils s'interrompent l'un l'autre. M. Hollande a le souci de corriger M. Sarkozy, dès que ce dernier assène quelque chose : et donc, on est toujours sous tension, et ce n'est pas forcément une bonne façon de rendre les sujets plus intelligibles.
Par exemple, sur l'emploi, il n'est pas sûr qu'on ait appris beaucoup de choses, alors qu'il s'agit du sujet de préoccupation numéro 1 des Français.
Source : lemonde.fr
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