Daniel Zaïdani, président centriste du conseil général de Mayotte depuis un an, a accompagné François Bayrou à la Réunion. Dans cet ent...
Daniel Zaïdani, président centriste du conseil général de Mayotte depuis un an, a accompagné François Bayrou à la Réunion. Dans cet entretien accordé au JIR, il estime que la départementalisation de Mayotte sur 25 ans est beaucoup trop longue et souhaite que le Smic, les allocations familiales et le RSA - plus élevés à la Réunion que dans l’île Hippocampe - soient alignés sur la métropole.
Le JIR : Vous êtes venu à la Réunion soutenir le candidat François Bayrou. Qu’attendez-vous de lui ?
Daniel Zaïdani : Le gouvernement a dit que la départementalisation se fera sur vingt-cinq ans. C’est extrêmement long. Quand une personne a faim, a besoin d’accompagnement, ce n’est pas sur 25 ans que cela doit se faire, mais immédiatement. François Hollande a dit douze ans. Je soutiens François Bayrou : il ne parle pas de période. Son objectif principal est de redresser la situation financière de la France. Une fois son objectif atteint, il n’y aura plus nécessité de mettre en place cet échéancier. Il se donnait son quinquennat pour redresser les finances de la France. La venue d’un candidat se prépare par les sections locales et les militants de longue date. On peut penser, d’une certaine manière que la section UMP n’a pas voulu de cette visite. A Mayotte, l’UMP dit une seule chose : il faut rééelire Nicolas Sarkozy pour le remercier d’avoir fait la départementalisation. Il l’a fait, c’est vrai. On peut se satisfaire de ça, mais je rappelle qu’il y a eu une grève de 44 jours des jeunes et des sans emploi. A aucun moment, je n’ai entendu qu’ils s’en satisfaisaient. Ils veulent des réponses sur des créations d’emplois, des réponses sur leur avenir… : ce sont les vrais enjeux de ces élections présidentielles et ce sont sur ces points que l’on doit donner des réponses. Je rappelle également que des agents de l’Etat ont fait grève entre janvier et mars pour avoir l’indexation des salaires. Là-dessus, il n’y a pas eu de réponse. Nos parlementaires ont interrogé le gouvernement qui a été clair : les indexations ne sont pas à l’ordre du jour. La population a besoin de réponse sur ces points…
Le RSA a été programmé à Mayotte en 2008 pour 2012. Où en est-on aujourd’hui ?
Dès notre arrivée, nous avons interpellé le gouvernement à Paris. Nous lui avons dit que le RSA ne devait pas être 25% inférieur au niveau national. Les politiques et l’UMP notamment n’ont jamais contesté ce niveau. Nous avons demandé 50%. Cela n’a pas eu un écho favorable. En octobre, on nous a présenté l’ordonnance instaurant ce montant à 25%. A l’Assemblée, on a demandé que le Smic net soit au même niveau que dans l’Hexagone - il est actuellement entre 85% et 90%. L’amendement n’a pas été suivi. Résultat : seulement 1100 personnes ont touché pour la première fois le RSA en mars alors que la population-cible s’étend entre 13 000 et 30 000 foyers. Je rappelle que pour une personne seule sans enfant, le RSA est de 460 euros en France et de 105 euros à Mayotte. Pour un couple avec deux enfants, c’est 30 euros, hors allocations familiales. Il n’y a pas d’engouement pour ce dispositif. Ce qu’expliquait Nassimah Dindar dimanche. Quand vous avez un territoire qui accorde un RSA à 30 ou 100 euros et qu’à côté, à deux heures de vol, vous avez un territoire qui accorde 4 fois plus, voire plus, car les allocations familiales sont à un niveau supérieur, forcément, le calcul est vite fait. Quand il y a une moitié de la population ne travaille pas, elle se dit : soit je reste sur mon territoire à ne pas savoir quoi acheter et comment faire, soit je me déplace à la Réunion. Ce qui n’est pas accordé à Mayotte pour des raisons budgétaires est finalement payé par le Département de la Réunion. Il faut faire en sorte que Mayotte dispose de ces aides immédiatement parce que si ce n’est pas Mayotte qui paie, c’est le département de la Réunion qui paiera la dépense. Autant que ce soit le département de Mayotte qui le fasse. Et à Mayotte même. Parce qu’au final, personne n’y gagne. Nous, nous perdons des forces vives… Vous savez, la plupart des Mahorais qui vivent à la Réunion ont aspiration à revenir à Mayotte. Ils ont des difficultés d’insertion, des difficultés pour se loger, faute de moyens.
Qui sont ceux qui quittent votre île ?
Il y a deux sortes d’émigration : ceux qui partent pour des raisons financières et des problèmes de chômage et ceux qui vont étudier car il n’y a pas d’université pour l’instant. Il y a des jeunes qui vont faire des études, qui reviennent mais s’ils n’ont pas d’emploi parce que l’économie n’est pas suffisamment stimulé, ils repartiront. Pour bien comprendre la situation , il faut savoir qu’il y a 30 ans, il n’y avait pas de lycée mais un seul collège. Il y a 20 ans, il n’y avait pas d’école maternelle. Il y a trois ans à peine, il n’y avait aucune obligation d’aller à l’école maternelle. A Mayotte, l’égalité des chances n’existait pas.
Il y a plus d’élèves que de structures. Mayotte a 80 000 élèves. Un système de rotation existe : certains vont à l’école le matin, d’autres l’apres-midi. Le phénomène d’émigration a été montré clairement par l’Insee. Le prochain recensement nous dira où on en est…
Certains prétendent que Mayotte n’était pas prête pour la départementalisation. Quel est votre sentiment ?
Il n’y a pas un temps opportun pour départementaliser. Tout dépend de ce qu’on veut faire. Quand la Réunion et les autres Dom-Tom sont devenus départements en 46, il n’y avait pas forcément les infrastructures ou le niveau scolaire. Ce qui est important, c’est qu’on se donne des objectifs pour rattraper nos retards, que ce soit en terme scolaire, d’infrastructures, etc. et un temps pour rattraper.
Pour ma part, c’est mieux d’arriver dans un cadre départemental avec un environnement qui s’y prête et des moyens pour effectuer ce rattrapage. C’est le même principe que pour les Rup de l’Europe. On devrait devenir Région Ultra-Périphérique en 2014. Le 26 juin prochain, le conseil européen doit se réunir pour donner un avis juridique. Si cet avis est positif, ce sera un élément essentiel pour la transformation de l’Europe en 2014. Si Mayotte devient Rup, l’Europe devra nous accorder des dérogations et une période déterminée pour rattraper ces retards. Nous pourrions bénéficier d’une enveloppe financière de 80 millions d’euros par an.
Une des conséquences de la départementalisation est la hausse des expulsions et des reconduites à la frontière. Quel regard avez-vous sur ça ?
Le gouvernement a répondu à l’immigration clandestine, essentiellement des Comores, par des reconduites à la frontière. Ces reconductions ont atteint 25 000 par an. Ce sont des efforts financiers importants : radars, navires, mobilisation du personnel, renvoi des personnes… Cela représente un budget de 50 millions par an. Malgré ces efforts financiers, on a constaté que la part des immigrés est passé de 33% à 41% entre 2002 et 2007. 60 000 personnes ont été reconduites à la frontière sur cette période ; 80 000, entre 2007 et 2011. On attend les chiffres pour 2012. Si la part des immigrés est supérieur à 41%, nous demanderons solennellement au gouvernement de réviser sa politique de lutte contre l’immigration, parce qu’il a été démontré que, sur une période de dix ans, elle a été inefficace. Ce qui nous intéresse, ce ne sont pas les moyens, mais le résultat, c’est à dire une diminution de l’imigration clandestine à Mayotte.
Ces reconduites ont favoriser l’apparition des mineurs isolés. Une étude du sociologue David Guyot a montré que sur les 3 000 mineurs isolés de Mayotte, 2 500 sont issus de l’immigration. Ils sont dans la nature…
Vous êtes à la tête du conseil général de Mayotte depuis un an. Votre collectivité a connu une période difficile. Comment la situation évolue-t-elle ?
J’ai accédé à mes fonctions le 3 avril 2011, soit trois jours après la départementalisation. Il y avait une attente forte de la population. 95% avait voté "oui" mais cette départementalisation s’est faite dans un contexte mondial et régional difficile. La France est en crsie. Cette crise est arrivée jusqu’à Mayotte. Cela se traduit par un ralentissement économique, une augmentation importante du taux de chômage (50%), dans une île de 200 000 habitants et par l’arrivée, sur le marché du travail de 4000 jeunes dont 75% sans diplôme. Les cligotants sont au rouge. Notre collectivité unique, qui a un budget de 400 millions par an, affichait un déficit de 80 millions d’euros fin 2011. Depuis notre arrivée, ce déficit a pu être contenu. la lutte contre le déficit est notre priorité n°1 dans la mesure où le conseil général est une collectivité unique. Nous avons aussi bien les compétences d’une Région que d’un Département. On attend donc du conseil général une part active dans l’économie et le social. Il est donc impératif que le conseil général retrouve une capacité forte pour répondre aux besoins…
Comment comptez-vous y arriver ?
Cela passe par des mesures de redressement que nous avons mises en place et par la stabilisation de l’effectif. Ces sept dernières années, l’effectif a été multiplié par deux. Sur les 3000 agents répartis sur 108 sites, 80% sont de catégorie C . Il y en a 40% dans une collectivité normale. On a moins de 10% d’agents de catégorie A alors qu’il en faudrait trois fois plus. On est dans une situation de sureffectif et nous n’avons pas forcément les personnes les plus qualifiées. On a autant de jardiniers qu’au château de Versailles… Dans le cadre d’un retour à des finances plus saines, on va réduire la masse salariale globale de 5% cette année et de 5% l’an prochain. On va s’assurer que toutes les indemnités versées aux agents soient bien justifiées car il y a encore des agents qui perçoivent des indemnités alors qu’ils ne sont pas en poste. Il n’est pas exclu de réduire les indemnités des élus pour participer à l’effort général. Une nouvelle direction a été mise en place : l’Inspection générale des services. Elle contrôlera la bonne application des notes de service, des horaires et de la méthodologie. Et on sera amené à se séparer de tous les agents qui seront en décalage… On veut faciliter également les départs en retraite. J’ai mis en œuvre les recommandations de la Chambre régionale des comptes et on a retrouvé la confiance de nos partenaires financiers. Des crédits nous ont été accordés par le Crédit Agricole. L’Europe nous appuie directement à travers le 10e FED avec 11 millions d’euros en 2012 et 11 millions d’euros en 2013. C’est une première.
Quels sont les projets qui attendent Mayotte ?
On a un PPI -Plan pluriannuel d’investissement- réaliste et réalisable pour donner une visibilité claire aux entreprises. 35 millions d’euros seront investis - dont 15 millions d’euros par l’Etat- dans la rénovation et la construction de PMI, l’aménagement de routes départementales, l’électrification rurale et l’accompagnement des communes, pour les infrastructures sportives. Si on veut construire une départementalisation qui réponde réellement aux attentes de la population, qui s’adapte aux spécificités locales, il est important qu’on tienne compte des amendements que nous faisons car les élus locaux sont les plus qualifiés pour comprendre la population et porter leurs aspirations. Je regrette qu’il n’y ait pas suffisamment d’échanges entre le gouvernement et les élus locaux sur les projets qui doivent être mis en place à Mayotte. (…) On de-mande également une zone franche globale. Il est important d’aider les patrons à développer des secteurs d’activité… On attend aussi beaucoup de cet office de transports de l’outre-mer que propose François Bay-rou. Si, en période verte, le billet Réunion-Paris est à 750 euros, chez nous, il est à 1200 euros…
Entretien : Juliane Ponin-Ballom
Source : le journal de la Reunion
Le JIR : Vous êtes venu à la Réunion soutenir le candidat François Bayrou. Qu’attendez-vous de lui ?
Daniel Zaïdani : Le gouvernement a dit que la départementalisation se fera sur vingt-cinq ans. C’est extrêmement long. Quand une personne a faim, a besoin d’accompagnement, ce n’est pas sur 25 ans que cela doit se faire, mais immédiatement. François Hollande a dit douze ans. Je soutiens François Bayrou : il ne parle pas de période. Son objectif principal est de redresser la situation financière de la France. Une fois son objectif atteint, il n’y aura plus nécessité de mettre en place cet échéancier. Il se donnait son quinquennat pour redresser les finances de la France. La venue d’un candidat se prépare par les sections locales et les militants de longue date. On peut penser, d’une certaine manière que la section UMP n’a pas voulu de cette visite. A Mayotte, l’UMP dit une seule chose : il faut rééelire Nicolas Sarkozy pour le remercier d’avoir fait la départementalisation. Il l’a fait, c’est vrai. On peut se satisfaire de ça, mais je rappelle qu’il y a eu une grève de 44 jours des jeunes et des sans emploi. A aucun moment, je n’ai entendu qu’ils s’en satisfaisaient. Ils veulent des réponses sur des créations d’emplois, des réponses sur leur avenir… : ce sont les vrais enjeux de ces élections présidentielles et ce sont sur ces points que l’on doit donner des réponses. Je rappelle également que des agents de l’Etat ont fait grève entre janvier et mars pour avoir l’indexation des salaires. Là-dessus, il n’y a pas eu de réponse. Nos parlementaires ont interrogé le gouvernement qui a été clair : les indexations ne sont pas à l’ordre du jour. La population a besoin de réponse sur ces points…
Le RSA a été programmé à Mayotte en 2008 pour 2012. Où en est-on aujourd’hui ?
Dès notre arrivée, nous avons interpellé le gouvernement à Paris. Nous lui avons dit que le RSA ne devait pas être 25% inférieur au niveau national. Les politiques et l’UMP notamment n’ont jamais contesté ce niveau. Nous avons demandé 50%. Cela n’a pas eu un écho favorable. En octobre, on nous a présenté l’ordonnance instaurant ce montant à 25%. A l’Assemblée, on a demandé que le Smic net soit au même niveau que dans l’Hexagone - il est actuellement entre 85% et 90%. L’amendement n’a pas été suivi. Résultat : seulement 1100 personnes ont touché pour la première fois le RSA en mars alors que la population-cible s’étend entre 13 000 et 30 000 foyers. Je rappelle que pour une personne seule sans enfant, le RSA est de 460 euros en France et de 105 euros à Mayotte. Pour un couple avec deux enfants, c’est 30 euros, hors allocations familiales. Il n’y a pas d’engouement pour ce dispositif. Ce qu’expliquait Nassimah Dindar dimanche. Quand vous avez un territoire qui accorde un RSA à 30 ou 100 euros et qu’à côté, à deux heures de vol, vous avez un territoire qui accorde 4 fois plus, voire plus, car les allocations familiales sont à un niveau supérieur, forcément, le calcul est vite fait. Quand il y a une moitié de la population ne travaille pas, elle se dit : soit je reste sur mon territoire à ne pas savoir quoi acheter et comment faire, soit je me déplace à la Réunion. Ce qui n’est pas accordé à Mayotte pour des raisons budgétaires est finalement payé par le Département de la Réunion. Il faut faire en sorte que Mayotte dispose de ces aides immédiatement parce que si ce n’est pas Mayotte qui paie, c’est le département de la Réunion qui paiera la dépense. Autant que ce soit le département de Mayotte qui le fasse. Et à Mayotte même. Parce qu’au final, personne n’y gagne. Nous, nous perdons des forces vives… Vous savez, la plupart des Mahorais qui vivent à la Réunion ont aspiration à revenir à Mayotte. Ils ont des difficultés d’insertion, des difficultés pour se loger, faute de moyens.
Qui sont ceux qui quittent votre île ?
Il y a deux sortes d’émigration : ceux qui partent pour des raisons financières et des problèmes de chômage et ceux qui vont étudier car il n’y a pas d’université pour l’instant. Il y a des jeunes qui vont faire des études, qui reviennent mais s’ils n’ont pas d’emploi parce que l’économie n’est pas suffisamment stimulé, ils repartiront. Pour bien comprendre la situation , il faut savoir qu’il y a 30 ans, il n’y avait pas de lycée mais un seul collège. Il y a 20 ans, il n’y avait pas d’école maternelle. Il y a trois ans à peine, il n’y avait aucune obligation d’aller à l’école maternelle. A Mayotte, l’égalité des chances n’existait pas.
Il y a plus d’élèves que de structures. Mayotte a 80 000 élèves. Un système de rotation existe : certains vont à l’école le matin, d’autres l’apres-midi. Le phénomène d’émigration a été montré clairement par l’Insee. Le prochain recensement nous dira où on en est…
Certains prétendent que Mayotte n’était pas prête pour la départementalisation. Quel est votre sentiment ?
Il n’y a pas un temps opportun pour départementaliser. Tout dépend de ce qu’on veut faire. Quand la Réunion et les autres Dom-Tom sont devenus départements en 46, il n’y avait pas forcément les infrastructures ou le niveau scolaire. Ce qui est important, c’est qu’on se donne des objectifs pour rattraper nos retards, que ce soit en terme scolaire, d’infrastructures, etc. et un temps pour rattraper.
Pour ma part, c’est mieux d’arriver dans un cadre départemental avec un environnement qui s’y prête et des moyens pour effectuer ce rattrapage. C’est le même principe que pour les Rup de l’Europe. On devrait devenir Région Ultra-Périphérique en 2014. Le 26 juin prochain, le conseil européen doit se réunir pour donner un avis juridique. Si cet avis est positif, ce sera un élément essentiel pour la transformation de l’Europe en 2014. Si Mayotte devient Rup, l’Europe devra nous accorder des dérogations et une période déterminée pour rattraper ces retards. Nous pourrions bénéficier d’une enveloppe financière de 80 millions d’euros par an.
Une des conséquences de la départementalisation est la hausse des expulsions et des reconduites à la frontière. Quel regard avez-vous sur ça ?
Le gouvernement a répondu à l’immigration clandestine, essentiellement des Comores, par des reconduites à la frontière. Ces reconductions ont atteint 25 000 par an. Ce sont des efforts financiers importants : radars, navires, mobilisation du personnel, renvoi des personnes… Cela représente un budget de 50 millions par an. Malgré ces efforts financiers, on a constaté que la part des immigrés est passé de 33% à 41% entre 2002 et 2007. 60 000 personnes ont été reconduites à la frontière sur cette période ; 80 000, entre 2007 et 2011. On attend les chiffres pour 2012. Si la part des immigrés est supérieur à 41%, nous demanderons solennellement au gouvernement de réviser sa politique de lutte contre l’immigration, parce qu’il a été démontré que, sur une période de dix ans, elle a été inefficace. Ce qui nous intéresse, ce ne sont pas les moyens, mais le résultat, c’est à dire une diminution de l’imigration clandestine à Mayotte.
Ces reconduites ont favoriser l’apparition des mineurs isolés. Une étude du sociologue David Guyot a montré que sur les 3 000 mineurs isolés de Mayotte, 2 500 sont issus de l’immigration. Ils sont dans la nature…
Vous êtes à la tête du conseil général de Mayotte depuis un an. Votre collectivité a connu une période difficile. Comment la situation évolue-t-elle ?
J’ai accédé à mes fonctions le 3 avril 2011, soit trois jours après la départementalisation. Il y avait une attente forte de la population. 95% avait voté "oui" mais cette départementalisation s’est faite dans un contexte mondial et régional difficile. La France est en crsie. Cette crise est arrivée jusqu’à Mayotte. Cela se traduit par un ralentissement économique, une augmentation importante du taux de chômage (50%), dans une île de 200 000 habitants et par l’arrivée, sur le marché du travail de 4000 jeunes dont 75% sans diplôme. Les cligotants sont au rouge. Notre collectivité unique, qui a un budget de 400 millions par an, affichait un déficit de 80 millions d’euros fin 2011. Depuis notre arrivée, ce déficit a pu être contenu. la lutte contre le déficit est notre priorité n°1 dans la mesure où le conseil général est une collectivité unique. Nous avons aussi bien les compétences d’une Région que d’un Département. On attend donc du conseil général une part active dans l’économie et le social. Il est donc impératif que le conseil général retrouve une capacité forte pour répondre aux besoins…
Comment comptez-vous y arriver ?
Cela passe par des mesures de redressement que nous avons mises en place et par la stabilisation de l’effectif. Ces sept dernières années, l’effectif a été multiplié par deux. Sur les 3000 agents répartis sur 108 sites, 80% sont de catégorie C . Il y en a 40% dans une collectivité normale. On a moins de 10% d’agents de catégorie A alors qu’il en faudrait trois fois plus. On est dans une situation de sureffectif et nous n’avons pas forcément les personnes les plus qualifiées. On a autant de jardiniers qu’au château de Versailles… Dans le cadre d’un retour à des finances plus saines, on va réduire la masse salariale globale de 5% cette année et de 5% l’an prochain. On va s’assurer que toutes les indemnités versées aux agents soient bien justifiées car il y a encore des agents qui perçoivent des indemnités alors qu’ils ne sont pas en poste. Il n’est pas exclu de réduire les indemnités des élus pour participer à l’effort général. Une nouvelle direction a été mise en place : l’Inspection générale des services. Elle contrôlera la bonne application des notes de service, des horaires et de la méthodologie. Et on sera amené à se séparer de tous les agents qui seront en décalage… On veut faciliter également les départs en retraite. J’ai mis en œuvre les recommandations de la Chambre régionale des comptes et on a retrouvé la confiance de nos partenaires financiers. Des crédits nous ont été accordés par le Crédit Agricole. L’Europe nous appuie directement à travers le 10e FED avec 11 millions d’euros en 2012 et 11 millions d’euros en 2013. C’est une première.
Quels sont les projets qui attendent Mayotte ?
On a un PPI -Plan pluriannuel d’investissement- réaliste et réalisable pour donner une visibilité claire aux entreprises. 35 millions d’euros seront investis - dont 15 millions d’euros par l’Etat- dans la rénovation et la construction de PMI, l’aménagement de routes départementales, l’électrification rurale et l’accompagnement des communes, pour les infrastructures sportives. Si on veut construire une départementalisation qui réponde réellement aux attentes de la population, qui s’adapte aux spécificités locales, il est important qu’on tienne compte des amendements que nous faisons car les élus locaux sont les plus qualifiés pour comprendre la population et porter leurs aspirations. Je regrette qu’il n’y ait pas suffisamment d’échanges entre le gouvernement et les élus locaux sur les projets qui doivent être mis en place à Mayotte. (…) On de-mande également une zone franche globale. Il est important d’aider les patrons à développer des secteurs d’activité… On attend aussi beaucoup de cet office de transports de l’outre-mer que propose François Bay-rou. Si, en période verte, le billet Réunion-Paris est à 750 euros, chez nous, il est à 1200 euros…
Entretien : Juliane Ponin-Ballom
Source : le journal de la Reunion