Je ne m'ennuie pas, Dieu merci. Je travaille dans le mouvement associatif, notamment au sein du Collectif pour la défense du patrimoine ...
Je ne m'ennuie pas, Dieu merci. Je travaille dans le mouvement associatif, notamment au sein du Collectif pour la défense du patrimoine des Comores. Il s'agit d'une Ong destinée à préserver ce qui reste du patrimoine historique de notre pays. Nous avons, à cet effet, bénéficié de l'appui des bailleurs de fonds pour la restauration des monuments de l'île de Ndzuwani. J'essaie également d'être utile au sein de l'Association pour le développement de la ville de Mutsamudu (Adm). Récemment, à la demande des autorités insulaires, j'ai participé au séminaire sur la vie chère. Je fais d'ailleurs partie du comité chargé de la rédaction du rapport final de ces assises.
Depuis 2006, vous vous êtes retranché à Ndzuwani après une carrière professionnelle bien remplie. Comment occupez-vous votre journée?
Mais encore…
… Je lis beaucoup : la presse nationale, des œuvres littéraires, des romans politiques, ect…Actuellement, je termine le livre de Pierre Péan, "La République des mallettes".
On vous accuse d'avoir pactisé avec Mohamed Bacar, le chef des séparatistes. Cet engagement à ses côtés vous a valu de nombreuses critiques ici et là. Comment un ancien Premier ministre, puis vice-président de la République, peut-il travailler avec un pouvoir qui appelle ouvertement à la dislocation du pays?
Il faut comprendre les circonstances qui m'ont conduit à travailler avec Mohamed Bacar. Après l'investiture du président Sambi, j'ai appris que je faisais partie d'une liste de personnalités interdites de voyager, donc dans le collimateur de la justice pour malversations financières. Cela m'a beaucoup affecté. Même mes ennemis politiques n'ont jamais remis en cause mon intégrité et Dieu sait combien de postes importants j'ai occupés dans ce pays. Ma gestion à la Coi (Commission de l'Océan Indien) m'a valu des félicitations et des décorations. J'étais choqué que l'on puisse douter de ma probité. Il est vrai que j'ai fait preuve d'une certaine naïveté en acceptant de travailler avec Bacar, mais je dois dire que j'ai réussi à infléchir certaines de ses positions. Au lieu d'une rupture avec la République, je lui avais, par exemple, conseillé de demander plutôt une large autonomie.
Est-ce suffisant pour justifier cette alliance avec Bacar?
Ecoutez, j'ai dénoncé les dérives du régime Bacar à haute voix, notamment les emprisonnements arbitraires. Lorsqu'il a empêché l'avion du président Sambi d'atterrir à Wani, j'ai fait part ouvertement de mon opposition. J'ai critiqué les bourrages d'urnes lors de la présidentielle. Bref, contrairement à ce que pourraient penser certains, je n'étais pas le mouton de Panurge de Mohamed Bacar. J'ai essayé de jouer un rôle de modérateur. Ma présence à ses côtés, même critiquable, a quand même permis d'éviter le pire. Sans moi, Anjouan aurait été coupé jusqu'à maintenant du reste du monde, le pouvoir Bacar ayant voulu détruire le réseau de télécommunications. Il n'y a pas plus unioniste que moi. Seulement, je reconnais avoir fait une erreur. Il faut dire qu'après le pouvoir, je ne pouvais pas m'exiler. Et puisque je n'ai pas de résidence à Ngazidja, je devais forcément rentrer à Anjouan. Finalement, je suis tombé dans le piège.
Mohamed Bacar doit-il, oui ou non, rentrer aux Comores pour une vraie réconciliation entre Anjouanais?
Pourquoi pas, à condition qu'il renonce à ses idées séparatistes. L'ex-président Sambi a lui-même dit qu'il l'avait pardonné. Lors de la célébration du débarquement militaire, Ikililou a abondé dans le même sens et appelé à une réconciliation. Alors, je présume donc que son retour est envisageable.
Peut-on dire que le séparatisme est définitivement mort?
C'est une question très difficile. Le séparatisme est un virus, il peut réapparaitre à tout moment. Je pense que l'Anjouanais n'est pas foncièrement séparatiste, ce sont les conditions socio-économiques qui le rendent vulnérables aux manipulations des marchands de rêves. L'Anjouanais est à Ngazidja, Mwali et Maore. Et partout, il se sent chez lui. Aujourd'hui, il a compris que les dix années de séparatisme lui ont été préjudiciable. Il suffit de voir l'énorme retard que l'île accuse en matière de développement.
En 2006, vous avez pris tout le monde de court en refusant de porter la casquette d'un régime que vous aviez servi quatre ans auparavant en tant que vice-président. Pourquoi une telle décision?
Je n'avais pas choisi de porter la casquette de la Crc (Convention pour le renouveau des Comores) pour trois raisons essentielles. La première est que le parti n'était pas assez implanté à Anjouan. Or, il s'agissait d'une élection primaire, il fallait donc avoir une base très solide dans l'île. La deuxième raison tient à l'impopularité du régime, malgré un bilan tout de même honorable. Je ne comprenais d'ailleurs pas pourquoi nous étions si impopulaires. Enfin, je voulais ratisser large, au-delà de la mouvance présidentielle. Quant à mes rapports avec Azali, ils sont bons et empreints de respect.Il ne pouvait en être autrement. Azali est un homme chaleureux, compétent, mais surtout un bourreau de travail.
Vous étiez donné favori lors de cette présidentielle de 2006, finalement vous n'étiez même pas admis au deuxième round. Avec le recul, qu'est-ce qui n'aurait pas marché?
Il y a d'abord les attaques de la Crc, qui me combattait plus que les autres candidats. Pour eux, j'étais un traitre, un renégat, il fallait donc me barrer la route à tout prix. Il y a eu aussi cette propagande malsaine de mes autres concurrents à Ndzuwani qui me présentaient comme un "Mgazidja" parce que j'aurais fait toute ma vie scolaire et passé toute ma carrière professionnelle à Ngazidja. Il est vrai que je suis plus connu à Ngazidja qu'à Anjouan, mais est-ce un crime?
Arrogance, corruption à tous les étages,…vous arrivait-il de mettre en garde Azali contre les dérives de son régime, le vôtre aussi?
Je ne me reconnais pas dans cette description du régime. Azali n'a jamais été arrogant. Quant à la corruption, elle n'est pas une exclusivité de son pouvoir. Tous les régimes trainent des casseroles du même genre. Je vous rappelle qu'Azali est le seul président à avoir emprisonné des amis politiques. La corruption est malheureusement un fléau permanent aux Comores. Je suis du même avis que les nouvelles autorités du pays sur la nécessité de combattre cette gangrène, mais, convenons-en, il s'agit d'un travail de longue haleine.
L'une des critiques que l'on formule souvent contre vous, c'est de n'avoir rien fait contre le séparatisme lorsque vous étiez secrétaire général de la Coi. Que répondez-vous à cela?
Le secrétaire général de la Coi est un fonctionnaire qui travaille à partir des décisions du Conseil des ministres de l'organisation et du sommet des chefs d'Etat. En plus, la Coi ne s'intéresse pas trop aux questions politiques, elle est plus tournée vers les problématiques socio-économiques. N'empêche, nous avions condamné le séparatisme et considérions qu'il revenait à l'ex-Oua (Organisation de l'unité africaine) de s'impliquer davantage. Le moins que l'on puisse dire, c'es que la population a du mal à voir l'utilité, sur le terrain de la Coi… … La Coi a souffert d'un déficit de communication, mais elle a financé beaucoup de projets aux Comores, notamment au niveau de la pêche, avec la mise en place des Dcp (dispositifs de concentration des poissons), de l'environnement, particulièrement en matière de protection des écosystèmes, de la coopération universitaire avec la mobilité des étudiants et des chercheurs comoriens, etc. Les projets de l'organisation méritent d'être mieux connus. C'est d'ailleurs pourquoi j'avais appelé à une grande implication de la presse dans les activités de la Coi. Le grand problème de la Commission est que le niveau de développement des pays membres est différent, les priorités entre les îles ne sont donc pas les mêmes.
Propos recueillis à Mutsamudu
par Mohamed Inoussa : alwatwan
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