De retour de la 23ème session ordinaire au Sommet de la Ligue des Etats Arabes, qui s'est tenue à Bagdad le 29 mars 2012, le Chef de l...
De retour de la 23ème session ordinaire au Sommet de la Ligue des Etats Arabes, qui s'est tenue à Bagdad le 29 mars 2012, le Chef de l'Etat, SE Dr IKILILOU Dhoinine, a accordé une interview à la Radiotélévision Nationale des Comores au cours de laquelle il a répondu à plusieurs questions. Nous vous proposons ci-après l'intégralité de cette interview :
Le Président de la République : Nous devons d'abord savoir que c'est la première fois que cette instance se réunissait depuis mon investiture à la tête de l'Union des Comores. Nous devions alors prendre part à ce sommet, d'autant que nos frères irakiens ont dépêché un émissaire à Moroni pour nous en informer et nous inviter officiellement à ce sommet. Nous nous sommes donc rendus à Bagdad pour participer au sommet, apporter notre contribution et rencontrer les différents responsables irakiens dont le pays est confronté à des difficultés depuis environ douze mois.
Il était également de notre devoir de nous rendre à Bagdad pour renforcer les relations déjà existantes entre les deux pays. L'Irak est un pays membre de la Ligue Arabe, un pays frère, et depuis notre départ de Moroni, nous avions convenu de rencontrer les différents responsables, notamment le Premier Ministre, et le Président de la République. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous avons préféré arriver à Bagdad avant toutes les délégations. Cala nous a permis de discuter des relations entre nos deux pays.
Ben Adbou Said, ORTC : Monsieur le Président, vous avez prononcé un discours au cours duquel, vous avez parlé de la question de l'île comorienne de Mayotte. Comment vos collègues ont-ils accueilli cette question et quel est votre avis sur la façon dont ils se sont prononcés sur le retour de cette île dans son giron national ?
Le Président de la République :Nous sommes membres de beaucoup d'organisations dont celle-ci, où la question de Mayotte est une de celles qui sont souvent traitées. Mayotte est une partie du territoire comorien, occupée par l'ancienne puissance coloniale. Mayotte fait partie de la Ligue des Etats Arabes qui ne manque pas une occasion de manifester son soutien à notre cause. Nous ne pouvions en aucune façon ne pas nous manifester dans un tel rassemblement. J'ai évoqué cette question, je l'ai discutée avec beaucoup de responsables et les résolutions issues de ce sommet font état de Mayotte. Nous avons adressé nos sincères remerciements à tous ceux qui nous ont apporté leur soutien pour la réintégration de Mayotte au sein de l'Union des Comores.
Ben Abdou Said, ORTC : Lors de ce sommet, la question de la Syrie a été au centre des discussions. Quelles sont les décisions issues du sommet sur cette question ?
Le Président de la République :C'était une session au sommet qui regroupait les Chefs d' Etat. Toutefois, il y avait des réunions qui ont précédé ce sommet, notamment la réunion économique suivie d'une réunion politique. Et parmi les questions traitées lors de la réunion politique par les Ministres des Affaires Etrangères, la question de la Syrie a fait l'objet d'un débat houleux après celui du Caire où la question a été posée pour la première fois. Les positions ont évidemment divergé, une partie des pays soutenait l'envoi des armes ou une intervention militaire. Une autre privilégiait le dialogue, se référant sur ce qui s'est passé en Lybie.
Enfin, les pays membres ont convenu de se conformer aux propositions du médiateur de l'ONU et de la Ligue Arabe, l'ancien Secrétaire Général de l'ONU, Koffi Annan, et de lui laisser le temps de mener sa médiation tout en prévoyant qu'en cas d'échec, revoir ce qu'on pourra faire par la suite. Autoriser une intervention militaire n'est certainement pas la meilleure solution et ce ne serait que source de difficultés pour les pays voisins de la Syrie.
Ben Adbou Said, ORTC : Le but de votre arrivée tôt à Bagdad, c'était pour pouvoir discuter avec les responsables irakiens sur la coopération entre nos deux pays. Vous avez rencontré le Premier Ministre avec qui vous a accueilli à l'aéroport, vous vous êtes ensuite entretenu avec le Président. Qu'est-ce que notre pays peut-il attendre de ces entretiens ?
Le Président de la République :L'Irak qui avait suspendu toute participation aux instances internationales pour résoudre ses problèmes internes, donc ils avaient interrompu beaucoup de contacts. Nous avons discuté avec le Premier Ministre Nouri Al-Maliki, mais aussi avec le Président Jalal Talabani sur le renforcement des relations entre nos deux pays. Ils ont accepté d'ouvrir une ambassade à Moroni et nous pourrons ouvrir la nôtre à Bagdad. Ils ont également accepté la réactivation de la coopération culturelle et religieuse.
Nous avons aussi souhaité que les hommes et les femmes d'affaires irakiens arrivent en masse aux Comores pour prospecter et voir les secteurs sur lesquels, ils pourraient investir. Nous avons évidemment souhaité qu'ils interviennent sur le tourisme. Il y a plusieurs investisseurs irakiens à Doubai qui ne font que cela. Les ministères des affaires étrangères des deux pays sont chargés de faire les arrangements nécessaires.
Ben Adbou Said, ORTC : Monsieur le Président, vous avez discuté avec le Secrétaire Général de l'Organisation de la Coopération Islamique, qu'avez-vous envisagé pour renforcer les relations avec l'OCI ?
Le Président de la République :Nous devons savoir que nous sommes membres de l'OCI depuis longtemps et parmi ce que l'organisation doit faire, c'est de soutenir la religion aux Comores. Il était de notre devoir de présenter nos remerciements surtout à l'organisation non gouvernementale dépêchée à Moroni par l'OCI pour y nous convoyer soixante-douze mille ouvrages scolaires qui seront distribués dans les différentes écoles pour aider les jeunes à apprendre la langue arabe. Les cours de pédagogie pour enseigner la langue arabe ont d'ailleurs commencé à travers le pays. L'OCI a promis d'augmenter et les manuels et l'assistance pour enseigner la religion et la langue arabe.
Nous avons aussi discuté du développement des Comores et nous avons demandé à l'OCI d'organiser aux Comores, une conférence internationale sur le tourisme, et de faire, au niveau international, une promotion du tourisme comorien et de ses atouts. L'OCI dépêchera des techniciens dans notre pays pour discuter de la tenue de cette conférence internationale sur le tourisme dans notre pays.
Pour rappel, l'OCI avait participé à la conférence de Doha et avait promis 10 millions de dollars. Nous avons dit à notre interlocuteur, qu'il est grand temps qu'on commence à voir la concrétisation de ces promesses.
Ben Adbou Said, ORTC : Excellence, au vue de la politique économique du pays, vous avez privilégié le tourisme lors de ce voyage de Bagdad, quel est le pourquoi de ce choix ?
Le Président de la République :Nous avons dans ce pays trois secteurs prometteurs dans ce pays qui permettrait un rapide développement de notre pays :
La pêche ; nous sommes entourés par la mer et les prises issues de cette pêche ne profitent pas souvent aux Comores puisque elles sont vendues en Europe. C'est pour cela que nous avons privilégié ce domaine, profitant de quelques avancées observées sur le pays que nous souhaitons voir se concrétiser avant la fin de l'année. Déjà, les constructions sont en avance et les équipements sont sur place et aussitôt après leur installation, les activités commenceront. Il y a aussi des installations dans différents villages de Ngazidja et ces travaux seront aussi effectués dans les îles avec un bâtiment à Mohéli et un autre à Anjouan, le tout au profit de la pêche dans notre pays.
L'agriculture ; la nôtre est rentable, elle régénère beaucoup de produits, c'est pourquoi nous croyons bon de lui accorder une grande importance.
Le tourisme ; qui est encore à l'état naturel, mais qui offre beaucoup d'opportunités qui restent à être exploitées. La construction de quelques hôtels, feraient de notre pays, une destination touristique et c'est ce que nous voulons, puisque les touristes sont des gens qui consomment et qui dépensent beaucoup aussi. Cela pourrait contribuer à résoudre certains problèmes dans le pays, notamment l'atténuation du chômage qui frappe le pays. Ce n'est pas facile de faire du tourisme sans les infrastructures appropriées, mais nous nous consacrons justement à cela pour commencer.
Ben Adbou Said, ORTC : Vous effectuez des visites impromptues dans les différents ministères, la dernière étant celle de la Vice-présidence en charge de l'agriculture où vous avez visité la pépinière. Vous avez aussi visité une fabrique de matelas à Voidjou, pourquoi n'informez-vous jamais à l'avance ces visites ?
Le Président de la République : Je ne me rends pas dans ces lieux pour faire des cérémonies, je veux savoir et voir ce qui se fait dans ces ministères. Donc je peux m'y rendre à tout moment. Il y a bientôt dix mois depuis que je suis investi à la tête de ce pays. Nous, gouvernement, faisons d'énormes sacrifices pour satisfaire un tant soit peu, les besoins des fonctionnaires comoriens. Certes il y a beaucoup à faire pour notre part mais avec le peu que nous arrivons à honorer, nous voulons voir ce que font les fonctionnaires pour servir leur pays et les générations futures.
Nous nous sommes malheureusement rendus compte que les fonctionnaires ne respectent ni les heures d'entrée ni de sortie des bureaux et ils s'absentent beaucoup par- dessus tout. Nous ne pouvons pas rêver d'une vie meilleure si nous ne donnons pas le meilleur de nous-mêmes et je me suis rendu compte que nous continuons encore à rêver. C'est pourquoi je me rends dans les différents ministères et les services pour me rendre compte par moi-même, comment le travail est fait. J'ai commencé par le Ministère des Finances et j'ai vu ce qui s'y fait. J'ai chargé le Vice-président en charge du Ministère des Finances la responsabilité d'inciter les personnels à réponde correctement aux besoins du pays et de trouver la solution appropriée pour les agents qui veulent rester fonctionnaires sans rien faire.
J'ai effectué ma deuxième visite à la Vice-présidence en charge du Ministère de l'Agriculture. Vous, médias, y étiez et nous avons vu ensemble les difficultés de ce Ministère, notamment la façon dont les agents travaillent, une façon qui ne cadre pas avec ce que nous attendons d'eux. Il y a une heure d'entrée et une heure de sortie et des programmes à exécuter et cela ne peut pas se faire en étant absent. N'oublions que beaucoup de jeunes diplômés attendent. Donc ceux qui ont accepté d'être fonctionnaires, doivent respecter les normes requises par la Fonction Publique.
Il y a beaucoup d'atouts dans l'agriculture comorienne. Vous avez vu comme moi, que beaucoup de plantes en pépinière continuent de mourir alors qu'elles sont distribuées gratuitement. Il est désolant de constater que personne ne s'intéresse à ces plantes. Comment voulez-vous que nous arrivions un jour à une autosuffisance alimentaire sans augmenter la production ? Allez voir au marché, tout est cher. Il y a des jeunes plantes de cocotiers, et ce serait l'occasion de remplacer tous les cocotiers atteints de cette maladie et ceux qui ont atteint la limite de production. pourquoi les gens ne les plantent pas dans leurs propres champs alors qu'ils sont donnés gratuitement ?
A Bagdad, j'ai rencontré un investisseur qui se propose d'acheter toute la production des letchis comoriens. si nous ne plantons pas, comment allons-nous exporter ? Ce ne sont pas les 15 tonnes que nous produisons qui vont être suffisantes pour l'exportation. Il y a aussi les orangers qui attendent qu'on les prenne aussi.
Ben Adbou Said, ORTC : Et concernant les matelas ?
Le Président de la République :Pour les matelas j'avais informé l'entreprise de mon arrivée et j'ai pris cette initiative pour encourager nos frères d'origine indienne. Pour beaucoup de comoriens, les Indiens sont ici pour faire du commerce alors que certains sont nés ici et vivent avec nous. Pourquoi, par le commerce qu'ils font, ils ne pourraient pas ouvrir des petites et moyennes industries ? Il fallait leur montrer la disponibilité de l'Etat à encourager ceux qui ont déjà fait le premier pas avec ces matelas Made-in-Comores et vendus à 80% à Mayotte parce que répondant aux normes européennes. C'est un honneur et un plaisir de lire ce label ''Fabriqué aux Comores''.
Cette entreprise serait intéressée à vendre sur place, mais il faudrait l'aider pour pouvoir le faire sans se léser. En plus des matelas, elle fabriquera bientôt des tôles qui pourraient être moins chère que celles que nous importons. Telles sont quelques-unes des initiatives que nous devons soutenir. Après un entretien fructueux avec la communauté indienne, nous lui avons assuré de notre soutien pour lui permettre de participer pleinement à la construction de ce pays qui est aussi le leur.
Aucun pays, même le plus riche du monde, ne peut se suffire à lui-même. Un plus grand, aussi grand soit-il, a toujours besoin d'un plus petit. Je vous dis qu'une forte communauté comorienne séjourne en Australie pour travailler. Donc si nous avons nos frères indiens qui sont ici depuis longtemps, facilitons leur la tâche en leur permettre de travailler au profit de notre pays.
J'encouragerai toutes les bonnes initiatives et j'apporterai un soutien à tous ceux qui prendront des initiatives pour réduire le chômage dans notre pays. Si nous n'arrivons à créer des entreprises et des industries pour limiter nos importations, il est certain que nous n'arriverons jamais à éradiquer le chômage ».
Beit Salam
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