Un supermarché à Mamoudzou © AFP/SOPHIE LAUTIER Montrés du doigt par l'intersyndicale comme les grands responsables de la vie chère, les...
Un supermarché à Mamoudzou © AFP/SOPHIE LAUTIERMontrés du doigt par l'intersyndicale comme les grands responsables de la vie chère, les dirigeants de la grande distribution ont tenu à s'expliquer et rappeler leur attachement à Mayotte et à ses habitants. Ils rendent aussi certains coups reçus injustement.
Lors de la grève générale qui a paralysé le 101ème département français pendant quarante-quatre jours à l'automne, on a tout entendu à leur sujet. Accusés tour à tour de se venger des pillages qui ont eu lieu, d'organiser la pénurie de riz à des fins spéculative, ou de dégager des marges indécentes, les responsables de la grande distribution ont fini par signer un accord assez contraignant, dans le but de ramener la paix civile. Vincent Lietar, le secrétaire général de la Sodifram tient à mettre les pendules à l'heure : "Nous ne sommes pas une société philanthropique. Nous vivons des marges que nous dégageons, ce qui est devenu très difficile". Depuis la signature des accords qui fixent le prix des produits de première nécessité, les supermarchés affirment vendre leur riz à perte. Une situation cocasse qui n'amuse pas Ibrahim Abdoul, le responsable financier des supermarchés Somaco : "En principe, il est interdit de vendre à perte. Là, l'Etat nous l'impose, mais ça ne pourra pas durer".
Multinationales
A ceux qui disent qu'elle peut se rattraper sur d'autres produits, la grande distribution répond par des chiffres : à Mayotte, les produits de première nécessité, dont les prix sont contrôlés par l'Etat représentent 80% du chiffre d'affaire ! Alors pour équilibrer ses compte, Ibrahim Abdoul s'arrange comme il peut : "On joue le jeu, alors on transfère les bénéfices de l'année dernière sur lesquels l'Etat a déjà pris sa part sur l'exercice en cours". Malgré ces efforts, la sanction ne manquera pas de tomber : "On sera en perte cette année, mais on est à Mayotte, on reste à Mayotte, quoi qu'il en coûte ! " En effet, contrairement à ce qui s'est dit pendant les grèves, ni la Sodifram, ni la Somaco ne sont de grandes multinationales pouvant s'appuyer sur des filiales à l'étranger. L'un et l'autre se décrivent comme des entreprises "familiales", dont les fondateurs sont encore en exercice. Le groupe Sodifram, est né à Mayotte il y a vingt ans et son développement concorde avec les bouleversements qui y ont eu lieu ces dernières années. L'histoire de la Somaco est à peu près similaire. Seuls les supermarchés Jumbo Score appartiennent au groupe international Casino, basé en France.
Malversations
C'est peut-être cette origine extra-mahoraise qui différencie les supermarchés Jumbo. A l'automne, alors que le prix des ailes de poulets était fixé par paquets de 10 kilos, ces emballages ont mystérieusement disparus des rayons, opportunément remplacés par des paquets de 5 kilos vendus au prix fort. L'affaire avait fait grand bruit et durablement entamé l'image de la grande distribution. Pour prouver son innocence, la Somaco souligne qu'elle n'a pas d'agrément de conditionnement et "met au défi quiconque d'apporter une preuve que la Somaco ait pu se rendre coupable de telles malversations".
Concurrence
Il y a peu, on pouvait entendre Salim Nahouda affirmer, au sujet des chaînes de supermarché actives à Mayotte : "Il n'y a pas de concurrence, ils s'entendent sur les prix et sur les produits disponibles en magasin". Des déclarations qui feraient presque rire le responsable de la Somaco : "Avec 200 000 habitants, les nouvelles vont vite. A Kawéni, les trois supermarchés sont côte à côte, et les clients passent de l'un à l'autre pour comparer les prix. Comment peut-on dire qu'il n'y a pas de concurrence ?" Sur certains produits, la concurrence est même si rude qu'elle élimine d'emblée certains. Il en va ainsi pour la viande. La Sodifram exerce sur ce produit de première nécessité un quasi monopole. Pour Vincent Lietar, l'explication est simple : "L'élevage et la viande est la passion de notre fondateur, M. Roudolff. Il sait à quelle saison se procurer les carcasses et dans quels pays. Il connait les éleveurs et les équarisseurs, ce qui lui permet d'obtenir des prix imbattables". Grâce à cette compétence particulière, l'enseigne peut proposer de la viande à des prix deux fois inférieurs à ceux pratiqués par exemple à l'Ile de la Réunion. En même temps que les syndicats négociaient la baisse des tarifs, Jumbo demandait à la Sodifram d'augmenter ses prix de 20% de façon à lui permettre d'entrer sur le marché ! La Somaco, quant à elle doit investir dans un site de découpe agréé pour pouvoir espérer des bénéfices sur ce produit de base.
Revendeurs
Le Collectif des Citoyens perdus, à la pointe de la contestation cet automne trouve que finalement, la grande distribution a fait preuve "d'humanité" pendant les dernières négociations. Pour Ansoir Abdou, le président de l'association de consommateurs, "Ils ont fait des concessions importantes". Selon lui, ceux qui ont échappé au contrôle des prix sont les revendeurs qui "achètent le riz par containers entiers et le revendent à des prix abusifs". Les responsables des supermarchés sont soulagés de voir les Citoyens perdus dénoncer à leur place les revendeurs, qui restent pour eux d'importants clients. Et Ansoir Abdou d'insister : "La convention aurait du s'appliquer à tous, car dans les villages reculés, les prix de certains produits s'envolent sans aucune forme de contrôle". Il en profite aussi pour différencier la situation de GDM/Jumbo de ses deux concurrents : "C'est une multinationale qui n'a rien a craindre et peut décider de partir si elle estime qu'elle ne gagne pas suffisamment".
Production locale
Malgré la situation, le groupe Sodifram, qui emploie 500 personnes, prévoie de doubler ce chiffre en deux ans : "Nous consultons actuellement les autorités locales avec qui nous réfléchissons à nos futurs sites d'implantation". La société rappelle qu'elle loue ses emplacements à des propriétaires mahorais, et qu'elle s'efforce d'embaucher dans son environnement immédiat car, selon M. Lietar : "un salaire qui tombe, c'est six ou sept personnes qui en bénéficient". Pour améliorer son image, la marque aide également certaines équipes sportives, et finance une partie des travaux de quelques associations ou médersas. Des initiatives qui sortent de ses prérogatives, mais qui touchent Ansoir Abdou pour qui "Tout soutien au sport et à la culture reste le bienvenu dans un département où 65% des habitants sont des jeunes. Il serait également souhaitable qu'ils finissent enfin par soutenir la production agricole locale".Mayotte 1ère
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