France: Grandes écoles et filières d'excellence : pourquoi pas pour tous ?

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L'Essec a été à l'initiative du programme "Une grande école, pourquoi pas moi?"ESSEC/ALEXIS CHEZIERE "En France, l...

L'Essec a été à l'initiative du programme "Une grande école, pourquoi pas moi?"ESSEC/ALEXIS CHEZIERE


"En France, l'inéquité du système éducatif est dramatique." Bernard Hugonnier, directeur adjoint à la direction de l'éducation de l'OCDE, n'y va pas de main morte en présentant début septembre les résultats de l'enquête annuelle que mène l'organisation internationale sur l'éducation. "Sur 34 pays de l'OCDE, la France se classe à l'avant-dernière place. Le déterminisme social est extraordinairement fort en France, notre système éducatif ne s'améliore pas et ceux qui en pâtissent le plus, ce sont les pauvres", résumait-il.

DONNER DE L'AMBITION ET DES MOYENS

En lançant en 2001 le programme "Une grande école pourquoi pas moi ?", l'Essec, l'une des plus grandes écoles de management françaises, voulait justement aider des jeunes des quartiers défavorisés à accéder à un avenir d'excellence. Dans le cadre de ce programme, des tuteurs issus des grandes écoles suivent des élèves pendant plusieurs années pour leur apporter un bagage culturel autant que de la confiance en eux.

Aujourd'hui, ils sont près de 10 000 dans toute la France à avoir bénéficié d'un programme qui s'est imposé dans plus de 80 grandes écoles. "Il n'y pas de déterminisme social ni de fatalité des parcours scolaires pour peu qu'on s'intéresse de près à des jeunes qui ont 12/13 de moyenne et auquel on peut donner accès à un parcours d'excellence quand ils se destinaient juste à un BEP métiers de la comptabilité", insiste Fabrice Hervieu-Wane, l'un des trois auteurs du livre "Une grande école pourquoi pas moi ? Le droit au mérite" (éditions Armand Colin).

OBJECTIF : UNE VOIE D'EXCELLENCE

Même réflexion du côté des IEP (instituts d'études politiques) et tout particulièrement de celui de Lille dont étudiants et professeurs soutiennent chaque année 800 élèves de la 3ème à la terminale. "Il faut commencer très tôt pour aider de bons profils à se diriger vers une seconde générale en leur faisant prendre conscience de leurs capacités à se lancer dans des études longues, commente Pierre Mathiot, son directeur. Ensuite, au lycée, nous allons peu à peu vers une logique de préparation de notre concours mais aussi des autres voies d'excellence."

Intitulée "programme d'études intégrées" (PEI), l'initiative des IEP se veut en effet d'abord un soutien pour accéder à l'enseignement supérieur dans les meilleures conditions. "20% de ceux qui le préparent intègrent finalement un IEP, contre 14% pour l'ensemble des candidats, reprend Pierre Mathiot. C'est donc satisfaisant mais ce qui l'est au moins autant ce sont tous ceux qui nous remercient de les avoir aidés à obtenir une mention très bien ou bien au bac."

L'EXEMPLE DE SCIENCES PO PARIS

A côté de ces programmes d'aide aux élèves venus de quartiers difficiles, Sciences Po Paris a créé il y a maintenant dix ans ses "conventions éducation prioritaires". Souvent appelées "conventions ZEP", elles permettent à des jeunes d'intégrer Sciences Po Paris dans des conditions spécifiques. Aujourd'hui près d'un élève sur 10 reçu en première année passe par le prisme de 85 lycées disséminés dans toute la France.

La grande satisfaction de l'institut de la rue Saint-Guillaume est de constater qu'une fois diplômés ces étudiants s'intègrent très bien sur le marché du travail. "Leurs salaires sont même en moyenne un peu supérieurs à ceux de l'ensemble des diplômés de Sciences Po !", se félicite Richard Descoings, son directeur. Il est vrai qu'ils sont plus attirés par les entreprises que la moyenne des diplômés. Un motif de surprise pour l'emblématique directeur : "Je croyais qu'ils chercheraient la sécurité de l'emploi et en fait pas du tout".

"Nous n'avons eu aucun problème d'insertion", se félicitent en tout cas les premiers étudiants diplômés, fiers de pouvoir dire qu'ils travaillent dans de grandes entreprises internationales. Et reconnaissants à Sciences Po comme à leur lycée. "Nos profs ont fait un gros travail pour nous convaincre que nous avions les capacités pour intégrer Sciences Po. Ils avaient raison", témoigne Miloud Boudjemai, aujourd'hui analyste financier à Londres.

UNE INÉGALITÉ QUI REMONTE LOIN

"Il fait faire en sorte que la diversité soir une chance pour la France et la France une chance pour la diversité", commente Pap' Amadou Ngom, vice président du club XXIème siècle et promoteur des "Entretiens de l'excellence", qui insiste : "Le modèle français ne marche pas si mal que ça. Ce n'était pas non plus facile pour les Polonais ou les Espagnols de s'intégrer dans les siècles précédents. Pour autant, il ne faut pas négliger le problème qu'ont les familles modestes à avoir accès à l'enseignement supérieur".

Car, comme le rappelle un rapport sénatorial de 2007 "les grandes écoles et les classes préparatoires ne sont pas un "îlot" d'inégalité sociale dans un paysage éducatif parfaitement démocratique : elles arrivent en fin d'un processus de "tri social" qui agit et se renforce tout au long du parcours scolaire, de la maternelle à l'accès au baccalauréat".

Un "tri social" qui touche bien évidemment les populations modestes. Sans différences liées à l'origine car, comme le soulignent les auteurs d'" Une grande école pourquoi pas moi ? Le droit au mérite", "à milieu social égal, les résultats des enfants d'origines étrangères ou immigrées sont les mêmes que les autres".

COMMENT DONNER DES CHANCES ÉGALES À TOUS ?

La création des "Entretiens de l'excellence" répond au besoin d'information des familles les plus modestes. "Nous accueillons chaque année 6000 jeunes de la 3ème au bac dans des lieux d'études prestigieux, comme Sciences Po à Paris ou la fac de médecine de Marseille, pour leur présenter des filières dans lesquelles ils n'oseraient pas d'eux-mêmes s'orienter", explique Pap' Amadou Ngom.

Quoi de commun effectivement entre cet élève d'une famille bourgeoise ou d'enseignants "materné" depuis tout petit et cet enfant de banlieue élevé par une famille peu informée qui ne bénéficie pas de sa propre chambre pour travailler ? A ce dernier il faut une volonté souvent herculéenne pour s'imposer. "Quand les parents accompagnent les jeunes aux entretiens, on sait que la moitié du chemin est déjà faite, remarque Pap' Amadou Ngom. Ensuite, nos volontaires tuteurs vont accompagner ces jeunes tout au long de leur parcours pour les conseiller et raviver chez eux la flamme des études. Il ne faut pas que quelqu'un puisse se dire un jour "si je l'avais su, je l'aurais fait" ! "

APPORTER LES CODES SOCIAUX

Une démarche semblable à celle de l'association Passeport Avenir qui elle s'attache d'abord à aider les élèves des classes préparatoires technologiques ou ATS (post BTS ou DUT) à intégrer les meilleures grandes écoles. "Nos tuteurs sont là pour parler de la réalité des métiers aux élèves, les aider à décrocher des stages ou bien encore les préparer aux entretiens des concours, pas pour leur donner des cours", insiste Benjamin Blavier, son délégué général.

Et les cadres de France Telecom, SFR ou encore Accenture ou Capgemini sont très nombreux à être volontaires pour assurer ce tutorat. "Ils ont souvent eux-mêmes bénéficié dans leur parcours d'une rencontre qui ont changé leur vie et entendent rendre la pareille", reprend Benjamin Blavier.

Les jeunes qui bénéficieront de ce tutorat sont sélectionnés par les établissements partenaires. "Ils doivent être boursiers, issus de quartiers populaires et de l'immigration", résume le délégué général, dont l'association donne également des cours collectifs dans les classes prépas et les grandes écoles partenaires: "Nous nous focalisons aujourd'hui sur elles car elles représentent l'excellence mais nous pensons également bientôt nous rapprocher d'universités."

PARRAINER UN JEUNE

Avec l'association Actenses, son président, David Vaillant va encore plus loin : "Nous voulons accompagner les lycéens dans leurs choix d'orientation quels qu'ils soient : du BTS à l'école d'ingénieurs ou Sciences Po nous ne voulons privilégier aucun choix". Tout comme Passeport Avenir, Actenses privilégie l'accompagnement des élèves par des professionnels. "De la seconde à la terminale, nous demandons à nos parrains d'aider les jeunes à se poser les bonnes questions sur leur avenir."

Un engagement de 3 à 4 journées par an qui comprend des rencontres au sein du lycée sur la découverte du monde de l'entreprise et la préparation à la vie étudiante. S'ajoute à ce programme, une sortie culturelle et pédagogique qui est proposée une fois par mois. "Il faut que s'établisse une vraie complicité entre le parrain et le filleul pour qu'ils se rencontrent et communiquent régulièrement sur le projet professionnel du jeune", explique encore David Vaillant, qui espère bien que son dispositif, encore expérimental en Ile-de-France essentiellement, "se généralise afin que la société civile se pose en soutien de l'Education nationale".

LES SUIVRE DANS L'ENTREPRISE

Mais toutes ces actions sont de peu de poids si ces jeunes diplômés issus de la diversité ne réussissent pas ensuite des parcours d'excellence dans l'entreprise. "C'est clair que quand on a un nom à consonance étrangère votre CV n'est pas forcément en haut de la pile dans certaines entreprises, remarque Pap' Amadou Ngom. Mais au-delà de cela il y a aussi des codes à connaître et nous aidons nos tutorés à préparer leurs entretiens d'embauche ou à travailler leur CV."

"Même après cinq années d'écoles et de prépas, il faut encore aider beaucoup de candidats à se présenter et à présenter leur projet professionnel, confirme Benjamin Blavier. Ensuite, ils ont de formidables atouts avec leur diplôme de grande école, leur multiculturalisme et les réseaux qu'ils se sont constitués. " Et Pap' Amadou Ngom de conclure, optimiste : "Dans les secteurs qui recrutent, comme l'informatique, il y a bien longtemps qu'on ne regarde que les compétences, pas la couleur de peau !"le monde.fr

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