Marseille, la plus grande ville comorienne

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Marseille, la plus grande ville comorienne

Installée de longue date dans la cité phocéenne, la communauté comorienne a la réputation d’être discrète. Entre tradition et nouvelle génération, elle a réussi à faire de Marseille, l'autre capitale des Comores. Etat des lieux. Le caractère cosmopolite de Marseille n’échappe à personne. Parmi les nationalités et cultures qui s’y croisent et se mélangent, la communauté comorienne est l’une des plus discrètes. Pourtant, selon une légende tenace, la cité phocéenne serait la plus «grande ville comorienne au monde», devant Moroni, capitale de l’archipel. Selon le dernier recensement, plus de 80.000 personnes d’origine comorienne vivraient à Marseille. Des chiffres qui datent de 2004, impossibles à évaluer, huit ans plus tard. En cause, la diversité des situations.
Du côté de l’archipel, on estime la population de Moroni à 50.000 habitants. Là encore, les données sont peu fiables. Et ne permettent pas de déterminer si la capitale de l'archipel renferme plus de Comoriens que Marseille.

Mais certains ont leur avis sur la question. C’est le cas de Mohamed Itrisso, membre fondateur d’Ushababi, l’une des nombreuses associations dédiées aux Marseillais d’origine comorienne. 

Selon lui, «le chiffre de 80 000 est daté», affirme-t-il.

Et de poursuivre: 
«Il est évident qu’il y a plus d’arrivées que de départs. Nous sommes beaucoup plus nombreux aujourd’hui.»
Le Vieux-port de Marseille

«Sous le soleil de Saint-Charles, on se sent comme à la maison»

Si les témoignages s’accordent sur le sujet, aucun chiffre ne permet de les vérifier. Malgré l’importance de la diaspora à Marseille, la communauté reste discrète.
Quand, en février dernier, le président de l’Assemblée nationale de l’archipel, Bourhane Hamidou est de visite officielle à Marseille, très peu de Comoriens font le déplacement.
Les élus marseillais, socialistes en l’occurrence, accourent. En période électorale, la tentation est grande pour les édiles de récupérer ces nombreuses et précieuses voix. Ce que balaye d’un revers de la main Henri Jibrayel, député PS:
«Nous ne sommes pas ici pour jouer au yo-yo électoral», martèle-t-il. Et ajoute, à l’adresse de la délégation comorienne, «vous êtes ici chez vous». 
Un sentiment partagé par le vice-président de l’Assemblée nationale comorienne:  
«Sous le soleil de Saint Charles, on se sent comme à la maison.»
Mais les liens entre les Comores et Marseille sont surtout économiques. La diaspora représente une source de financement importante pour l’archipel.
Claude Nassur, adjoint à la mairie des 13 et 14e arrondissements, partie des quartiers nord, est d’origine comorienne.
Il explique:  
«La communauté contribue énormément au développement des Comores. De nombreuses soirées sont organisées. Ça permet de lever des fonds pour créer des écoles, des dispensaires, et même des hôpitaux.»
Et pour cause. A chaque madjilis (terme comorien qui désigne ces festivités), «entre 10.000 et 15.000 euros sont collectés», affirme Claude Nassur.
Des sommes directement reversées à l’archipel. Apparenté PS, l’adjoint au maire insiste sur le rôle important de la solidarité au sein de la diaspora.
Si les sommes transférées «sont loin d’être négligeables», Claude Nassur refuse d’envisager que «la diaspora se substitue à l'état».

Le poids de la tradition contesté

Dans les années soixante, la France est en pleine reconstruction. Le pays a besoin de bras, Marseille n’échappe pas à la règle. Les Comores, alors colonie française, représentent une manne de travailleurs.
Et les Comoriens, «pour des raisons climatiques», comme il se raconte à Marseille, adoptent la cité méditerranéenne. Quand en 1975, l’archipel accède à l’indépendance, peu de retours au pays ont lieu.
Entre-temps, la diaspora comorienne y a calqué ses us et coutumes. Les mêmes codes et traditions règlent la vie des Franco-Comoriens-Marseillais.
Mais Marseille voit actuellement grandir sa troisième génération de Franco-Comoriens. La culture d’origine se mélange à celle de la terre d’accueil, le folklore se perd et les traditions se contestent.
Chef de file de la contestation, l’association Ushababi. Son co-fondateur, Mohamed Ittrisso, revient sur la naissance de la fronde des jeunes.
L’étincelle s’est allumée dans la nuit du 29 au 30 juin 2009. L’avion de la Yéménia, effectuant la liaison entre Marseille et Moroni vient de se crasher en mer. La quasi-majorité des 152 victimes sont des Français d’origine comorienne.
«C’est le moment fondateur de notre engagement et de notre association. On s’est rendu compte que personne ne défendait nos intérêts. Nos parents ont défilé dans les rues, se sont mobilisés, mais au bout de quelques jours, le soufflet est retombé. Puis, plus rien, comme pour la mort d’Ibrahim Ali», raconte le jeune homme.

L'assassinat d'Ibrahim Ali, une rupture

L'affaire Ibrahim Ali remonte à 1995. Les faits ont lieu dans les quartiers nord de Marseille, il y a un peu plus de 17 ans. La France bat alors au rythme des élections présidentielle et municipales qui s’annoncent. Le 21 février, Ibrahim Ali répète avec son groupe B-Vice. Il est tard, et les jeunes courent pour ne pas rater leur bus. 

Dans la même rue, trois membres du Front national collent leurs affichent électorales. Ils sont armés. Et tirent sur les jeunes. Ibrahim Ali, Franco-Comorien de 17 ans est touché au dos. Il décédera quelques minutes plus tard. Marseille attend alors une réaction violente de la communauté comorienne. Il n’en sera rien. Sur les indications de la famille d’Ibrahim Ali, la communauté organise de grandes marches blanches. Marseille rencontre alors sa communauté comorienne.
Plus de 10.000 personnes manifestent dans les rues de Marseille/ REUTERS-Jean-Paul Pelissier
Retour en 2009, au moment du crash de la Yéménia. Les jeunes se mobilisent.
«Nous avons dit à nos parents que cette fois, nous gérions ce dossier», explique Mohamed Itrisso.
Cette prise de position n’a pas été facilement acceptée, tant les traditions comoriennes obéissent à un rituel, bien rodé par les notables.
Mohamed Itrisso souligne le paradoxe de la prédominance des notables.
«Nos parents, à la retraite, ne contribuent plus à l'enrichissement des Comores. Les jeunes enrichissent l’archipel. Mais ce sont pourtant nos parents qui décident. On ne veut plus que ce système existe à Marseille et en France», tranche-t-il.
Les notables comoriens désignent les personnes ayant réalisé le grand mariage. Passage obligé pour être promu au plus haut rang de la hiérarchie sociale, la cérémonie, effectuée aux Comores, est très dispendieuse.
«Il faut dépenser au minimum 20.000 euros pour avoir ce rang et épouser une fille du même village. Aujourd’hui, ça coute encore plus cher», précise Mohamed Itrisso.
Une cérémonie d’autant plus coûteuse que les notables effectuent, pour la plupart, un travail faiblement rémunéré. Et doivent donc économiser pendant des années, pour prétendre à ce rang social.
Manifestation de Franco-Comoriens en mémoire des victimes/REUTERS/Jean-Paul Pelissier

«On appelle seulement les femmes quand il faut faire à manger»

Le grand mariage cristallise les critiques de la jeune génération, qui aspire à plus de responsabilité. Et plus d’ouverture. Car seule la gente masculine peut prétendre au rang de notable.
Fatima Ahmed est Franco-Comorienne. La jeune femme, présidente de l’Association B-Vice, dont Ibrahim Ali était membre, témoigne du rôle marginal que joue la femme:
«Lors des réunions communautaires, c’est l’homme qui parle. On appelle seulement les femmes quand il faut faire à manger.»
La jeune femme a subi un mariage forcé à 16 ans. Mais insiste sur le fait que «ce genre de choses arrive de moins en moins». Pugnace, elle veut faire bouger les lignes:
«C’est aux hommes de nous laisser passer, mais c’est aussi à nous, la nouvelle génération, de nous imposer.»
Sourire aux lèvres, la jeune femme relate les discussions animées entre elle et sa mère, lorsque la place de la femme est abordée.
«On en discute mais on ne tombe pas d’accord. Je ne lui en veux pas, elle n’y est pour rien. On nous a fait naître à Marseille pour avoir un avenir meilleur. Mais nos aînés veulent qu’on suive leur tradition, poursuit-elle. Avant de conclure: c’est impossible. J’ai, et nous avons tous une double-culture.»

Une communauté malmenée

Cette double culture, les jeunes la revendiquent:
«Nous sommes des enfants de la France, en même temps que des Comores. C’est une chance», confirme Mohamed Itrisso.
Fatima Ahmed rajoute:  
«La relation que chacun entretient avec les Comores est vraiment individuelle. On prend ce que l’on veut, ce qui nous intéresse.»
Mais la communauté se sent parfois malmenée par la France. En septembre 2011, les propos de Claude Guéant, affirmant que la délinquance marseillaise était liée à la communauté comorienne avaient choqué.
Le MRAP avait porté plainte, rejetée il y a peu.
Le silence qui entoure le crash de la Yéménia indigne aussi la communauté comorienne marseillaise. Et provoque un sentiment d’injustice.
«Il y a eu deux poids deux mesures entre le crash du Rio-Paris et celui de la Yéménia. On parle de victimes comoriennes en oubliant que ces personnes sont françaises», s’agace le vice-président d’Ushababi.
Et s’impatiente:
«Il n'y a toujours pas eu de rapport d'expertise. L'Etat français ne met même pas la pression sur le Yémen.»
«Marseille est une mosaïque riche de ses communautés», s’enthousiasmait Garo Hovsépien, maire des 13 et 14e arrondissement, à l’occasion de la venue du président de l’Assemblée nationale comorienne à Marseille.
Mais la majorité des Franco-Comoriens sont regroupés dans les quartiers nord. Les plus pauvres de Marseille. Bien loin de la carte postale du melting-pot social.
Claire Rainfroy
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