"Nous, femmes comoriennes, revendiquons encore et toujours l’égalité entre les femmes et les hommes"

Pour la fin de nos souffrances invisibles 8 mars 2020. Journée internationale de lutte pour les droits des femmes. Journée qui sert à c...

Pour la fin de nos souffrances invisibles

8 mars 2020. Journée internationale de lutte pour les droits des femmes. Journée qui sert à célébrer nos droits durement acquis, et à revendiquer ceux que nous n’avons pas encore. Journée durant laquelle nous revendiquons encore et toujours l’égalité entre les femmes et les hommes. 

Une égalité de droits. Une égalité dans les faits. Que cette égalité, consacrée parfois dans la loi, soit une réalité pour les femmes. Toutes les femmes. Et surtout la femme comorienne, à laquelle je pense particulièrement aujourd’hui.

Aujourd’hui, nous, femmes comoriennes, revendiquons encore et toujours l’égalité entre les femmes et les hommes. Nous revendiquons encore les mêmes libertés et les mêmes droits que ceux garantis aux hommes. Nous revendiquons la fin de cette société patriarcale qui nous réduit à un rôle lié à notre genre. Qui nous réduit au silence, pour mourir à petit feu.

Constat indéniable : la femme comorienne est forte. Elle porte sur ses épaules l’éducation de ses enfants, leur bien-être, le bon fonctionnement du foyer, le bien-être de son mari qui doit bien manger et être entretenu une fois chez sa femme.

La femme comorienne est aussi celle dont la souffrance est invisible justement parce que forte. La société lui dit de se taire et de remercier Dieu d’avoir ce mari et ces enfants. La société ne veut pas voir cette souffrance, ses sacrifices au nom du foyer et des enfants. Cette société, sexiste, qui se targue de ce que la femme comorienne y est mieux traitée que dans d’autres pays musulmans, ne veut pas entendre que des hommes comoriens violent, oppressent, et tuent les femmes. Cette société ne veut pas l’entendre et ne veut pas en discuter car les privilèges de ces hommes seraient dès lors remis en question. 

L’homme comorien est privilégié. Il vit chez sa femme, y est reçu et traité comme un invité de marque toute sa vie (« bwana harusi » avec son salon, son plat, les meilleurs parts de nourriture qui lui sont servis, les « kandus » offerts pour chaque festivité). Cet « invité » part aussi quand il veut et y laisse les enfants qu’il a mis au monde parce bien sûr, les enfants « appartiennent » à la mère et qu’il n’a pas à s’en occuper. Il est celui qu’on chouchoute et dont on prend soin, le « on » étant la femme mariée mais aussi sa famille, mère, sœurs et frères. L’homme comorien est celui que la femme doit supporter même si son comportement pèse sur la santé physique et mentale de sa femme et de ses enfants, car cette femme est déjà « chanceuse d’en avoir un ». « Swibira, stahamili, mbaba ho wana ». Injonctions qu’on intègre dès le plus jeune âge. Injonctions qui nous tuent à petit feu.

Alors effectivement, pourquoi remettre en cause cet état des choses ? Dire que les choses vont mal et qu’on veut que les choses changent reviendrait à remettre en cause les privilèges de l’homme comorien. Ce serait reconnaître qu’il y a un problème dans notre société. Et nommer un mal, c’est reconnaître son existence, c’est le début de la guérison.

Mais ce 8 mars 2020, cette journée est consacrée par l’État au balayage de deux villes de Ngazidja.

A l’heure où les violences sexistes et sexuelles sont au plus haut, où le service d’écoute, censé protéger ces femmes et filles violentées en raison de leur genre, manque de moyens humain et financier, où la victime porte la culpabilité de son agression, moi femme comorienne, j’aurais aimé que ma voix soit entendue. 

Que mes préoccupations face à cette société qui m’ostracise parce que pas mariée, pas d’enfants, libre dans mes pensées et qui me dit de ne pas élever la voix devant les hommes, soient entendues. Que cette journée me permette de dire à cette société qui me dit de ne pas être trop intelligente car je mettrais en danger la virilité si précieuse de ces messieurs, qui me dit que ce n’est pas grave qu’un homme me harcèle dans la rue ou au travail, qui me dit de patienter face à un homme violent, qui me dit que c’est de ma faute si un homme m’agresse dans la rue, que non ce n’est pas normal. Non, ce n’est pas normal. Et non, ce n’est pas de ma faute. La faute est à celui qui commet l’acte, le délit et/ou le crime. Et oui, je suis un être humain à part entière, libre de penser et libre de mes choix. 

J’aurais aimé que cette journée me permette aussi de dire à cette société que le fait d’être née avec un vagin ne fait pas de moi une cuisinière, une balayeuse, une nourricière, une éducatrice. Que ce ne sont pas des tâches liées à la possession d’un utérus mais qui s’apprennent. Que les hommes donc peuvent aussi apprendre. 

Mais comme toujours : « swibira, stahamili, eri fagne ».

Si cette journée n’est pas consacrée à nos droits et à la sensibilisation de la population sur ces questions, pourquoi ne pas célébrer la femme comorienne ? Cette femme qui travaille, s’occupe de ses enfants, de son foyer, souvent sans l’aide de son mari ? Qui parfois, ramène un salaire qui sera ensuite donné au mari pour préserver les apparences du mari, chef de famille ? 

Pourquoi ne pas célébrer les femmes comoriennes qui ont marqué notre histoire ? Ces reines, ces militantes des premières heures qui ont marqué notre histoire contemporaine ? Pourquoi permettre aux enfants d’aujourd’hui d’oublier l’importance qu’a eu la femme comorienne dans notre histoire au point que certain.e.s se demandent si la femme comorienne a déjà marqué l’histoire ? 

Pourquoi leur permettre d’oublier que la société comorienne est composée à 50% de femmes qui travaillent, commercent, entreprennent, enfantent et éduquent ?

Mais j’ai espoir que les choses changent. Cet espoir est né de ma rencontre de femmes comoriennes, de toutes générations, et qui disent non. Non, ce n’est pas normal d’être réduites à un rôle assigné par la société. Non, ce n’est pas normal de souffrir en silence. Ces femmes qui ont une voix et se battent pour être entendues. Ces femmes qui éduquent leurs enfants autrement pour que demain, ils ne reproduisent pas les mêmes schémas que leurs aîné.e.s. 

Ce 8 mars 2020, c’est à elles que j’aurais aimé rendre hommage. A ces femmes comoriennes, instruites et conscientes, qui préparent l’avenir et changeront les Comores d’aujourd’hui.

Badiant Halifa
Doctorante en Droit international

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