« Me Fahami Said Ibrahim confond ses intérêts et ceux des Comores », Said Larifou Interview de Said Larifou, vice-président du Cnt au...
« Me Fahami Said Ibrahim confond ses intérêts et ceux des Comores », Said Larifou
Interview de Said Larifou, vice-président du Cnt aux Comores dans laquelle, il revient sur l’actualité diplomatique avec l’ouverture d’un consulat en territoire sahraoui, l’actualité sociale avec l’augmentation des frais de participation aux examens nationaux, les élections législatives et communales entre autres.
Vous êtes régulièrement en déplacement dans plusieurs pays pour la sensibilisation contre la dictature aux Comores, comment accueillez-vous la décision comorienne d’ouvrir un consulat en territoire sahraoui sujet à d’énormes tensions entre notamment le Maroc et l’Algérie ?
La décision du colonel Azali et de son cousin d’ouvrir un consulat général de l’Union des Comores à Laâyoune, territoire Sahraoui revendiqué par trois pays frères et proches des Comores est à la fois irresponsable et dangereuse. Dans un conflit qui oppose des pays frères et amis des Comores, nous devons -à défaut de pouvoir leur apporter une solution- observer une neutralité et nous conformer au droit international. C’est une faute diplomatique grave et sans précédent. Azali et son cousin doivent tirer toutes les conséquences de leur échec en matière de politique extérieure des Comores.
Toute la classe politique comorienne et la société civile à l’exception de Fahami Saïd Ibrahim condamne cette décision. Ce qui m’étonne de ce dernier, c’est qu’il compare les positions des Comores depuis le président Ahmed Abdallah jusqu’à Sambi sur ce sujet. Ce faisant, il commet une faute grave d’appréciation. D’une part, nos présidents successifs avaient la légitimité d’engager les Comores alors que Azali est une autorité de fait issue d’un coup d’état. Si Fahami le reconnaît nous, on ne le reconnaît pas. On le combat !
D’autre part, Me Fahami était ministre des affaires étrangères des Comores. Pourquoi n’a-t-il pas ouvert le consulat des Comores sur cette zone à conflit et pourquoi n’a-t-il pas ouvert une ambassade des Comores au Maroc ?
Comme Azali et son cousin, Fahami Saïd Ibrahim confond ses intérêts personnels avec ceux des Comores. Prendre position en faveur du Maroc n’a rien à voir avec cette décision qui expose gravement notre pays dans un conflit territorial qui ne nous concerne pas. Je le répète, l’ouverture de ce consulat général des Comores en territoire sahraoui ne présente pour notre pays aucun intérêt ni diplomatique ni consulaire. Dois-je rappeler qu’aucune âme comorienne n’y habite ?
Après le Qatar, la diplomatie comorienne a jugé utile de se mettre à dos un pays en l’occurrence l’Algérie pour s’engager ouvertement au côté d’un autre à savoir le Maroc. Quelles sont les conséquences d’une telle initiative selon vous non sans oublier la récente situation d’un reporter omanais ?
Azali et son ministre des affaires étrangères font une politique extérieure basée sur la mendicité et la recherche de profits personnels. Sinon, sincèrement, quels sont les intérêts diplomatiques et consulaires pour les Comores d'ouvrir un consulat sur un territoire à conflit qui n’abrite aucun comorien ? Quelle est la raison légitime et l’impérieuse nécessité pour notre pays de rompre nos relations diplomatiques avec le Qatar.
Bien sûr que nous avons de bonnes raisons de renforcer nos relations avec l’Arabie saoudite avec qui notre pays entretient des liens qui dépassent le volet diplomatique et avec le Maroc qui réaffirme en permanence sa disponibilité à accompagner le développement de notre pays mais ces raisons ne sauraient justifier ni la provocation ni ce qui est considéré par certains comme une agression contre l’Algérie et surtout nos frères de la République Arabe Sahraouie Démocratique. Sur ce sujet, notre pays doit faire preuve de la plus grande prudence et de modération et nous conformer au droit international, aux résolutions des Nations-unies et de l’Union Africaine.
Entre nous, qu’ont-ils aller faire en territoire Sahraoui alors que nous sommes incapables de signer un accord avec nos frères malgaches pour la libre circulation dans nos deux pays notamment des denrées, des produits de premières nécessités et des personnes.
Avant de vouloir ouvrir des représentations diplomatiques comoriennes au Brésil et je ne sais où encore, loin vraiment loin de l’océan indien, notre diplomatie devrait avant tout et en urgence normaliser et renforcer notre coopération avec les pays voisins. Les comoriens circulent de plus en plus dans ces pays et ils ne bénéficient ni de facilités ni d’assistances en cas difficultés. Je suis personnellement témoin des drames qui frappent nos compatriotes emmenés à se déplacer pour des études, le commerce ou dans un cadre strictement personnel dans l’océan indien et en Afrique de l’Est.
Notre avenir immédiat est dans notre région. Il est important de réfléchir sur la politique extérieure et régionale des Comores. Nous avons l’opportunité de pouvoir nouer des relations fortes avec des pays comme la Tanzanie, le Kenya, l’Afrique du Sud, le Rwanda et l’île Maurice ainsi que Madagascar. Il est temps de fixer nos objectifs immédiats et en priorité avec ces pays plutôt que de vouloir nous exposer à des zones à conflits.
L’Algérie et les autorités de la république Arabe Sahraouie démocratique ont eu à l’encontre de notre pays des réactions de colère. Elles sont légitimes. Il nous revient la responsabilité de calmer le jeu, ce que le CNT est en train de faire en condamnant cette décision et rappelant aux autorités algériennes et sahraouies que nous nous conformons au droit international au sujet de ce conflit.
Concernant l’expulsion du journaliste omanais, je me dis qu’Azali et son équipe ont l’art de se faire des ennemis et mettre inutilement et dangereusement notre pays en difficulté. Je me rappelle encore des positions inutilement provocatrices de son ministre des affaires étrangères à l’encontre de la France au sujet de Mayotte qui finalement n’a rien débouché de concret car Azali n’a ni les moyens politiques ni la légitimité de définir et accompagner une vision durable et à long terme de la question de Mayotte. Tout est question de chantage, de provocation pour notre diplomatie actuelle.
Sur le territoire national, des élections législatives et communales sont engagées sans la participation de l’opposition. Comment jugez-vous cette situation qui renvoie à un match un entre des équipes du même camp ?
Les élections législatives et municipales organisées dans des conditions dignes d’un régime totalitaire n’ont aucune légitimité et ne sont d’aucune référence démocratique. Ces élections comme les autres posées par Le colonel Azali divisent davantage notre nation. Il a été élu en 2016 et en 2019, nous avons convenu d’organiser des assises pour faire le bilan de 42 années de la gestion de notre indépendance. Nous n’avons pas pu réunir les comoriens de toutes les Îles autour d’un vrai dialogue national inclusif. Azali n’a pas voulu tirer les leçons de notre échec. Nous n’avons pas réussi à unir nos compatriotes autour d’un vrai projet d’unité politique et sociale.
Pourtant, il s’entête et mène une politique autoritaire et répressive pour forcer les Comoriens à le croire et à accompagner sa fuite en avant. Il est encore temps que lui et sa bande prennent un temps de recul et que tous ensemble l’on examine l’état de notre pays, l’état de l’extrême pauvreté de nos citoyens. La nécessaire transformation radicale de notre pays ne se fera que si la politique de consolidation de la nation se rapproche de milliers de Comoriens, de nos citoyens exclus et qui sont en marge de la société.
Ce ne sont pas les indicateurs publiés par les institutions administratives et reprises par certaines institutions internationales -d’ailleurs en décalage avec le quotidien misérable des Comoriens, plongés dans une pauvreté endémique- qui vont rapprocher Azali du peuple comorien. Il est encore temps que devant les défis auxquels notre pays doit faire face, de réunir toutes les forces, toutes les intelligences disponibles pour préparer ensemble l’avenir et définir la stratégie des Comores de demain autour de : la réconciliation, la bonne gouvernance, une politique extérieure dynamique, moderne et pertinente, un plan Marshall de développement durable et inclusif au profit des régions. Donc si des élections suffisent à résoudre des problèmes d’un pays, Azali aurait réussi à redresser les Comores. Pourtant, il symbolise l’échec de ces vingt dernières années, celui d’une génération de politiciens comoriens. Il est temps que ça cesse pour ouvrir une nouvelle page des Comores.
L’autre point d’actualité sociale concerne la révision à la hausse des droits de participation aux examens nationaux. Qu’elle serait votre réaction sachant que vous revenez régulièrement sur ce point et sur la précarité des parents d’élèves ?
Cette décision d’augmenter les frais d’inscription aux examens est une autre forme d’injustice que le pouvoir fait subir aux familles et à leurs enfants. Elle est indigne. Comment un pays qui n’apporte ni soutien ni réconfort à ses enfants animés d’une volonté exceptionnelle d’apprendre, peut infliger une telle injustice ? Déjà on se demande comment font-ils pour tenir en classe alors que la plupart d’entre eux s’y rendent les ventres vides ? Comment font-ils pour étudier après des kilomètres à pieds ? Pour porter l’estocade, maintenant on fait augmenter les frais d’inscription aux examens. C’est une hérésie qui ne dit pas son nom.
Après l’université qui a fixé des prix exorbitants en cas de récupération de diplômes, d’attestation ou de tout autre document universitaire, le ministère de l’éducation s’est attaqué aux élèves...
L’équipe du colonel Azali a pris le pays en otage et prend des décisions qui, non seulement manquent de visibilité et de cohérence mais en plus, je pense que c’est grave, elles visent la souche de notre jeunesse donc une souche de notre population qui mérite la plus grande attention. Dans ses discours, Azali évoque en permanence la jeunesse et les élèves mais dans la réalité, il ne fait rien qui puisse donner à notre jeunesse l’espoir. Il leur a menti avec son slogan mensonger et trompeur, un jeune = un emploi. Dès son arrivée au pouvoir, il a licencié des milliers de jeunes sans la moindre mesure d’accompagnement et depuis il les agresse par des mesures d’augmentation des frais d’inscription et de retrait des diplômes.
Je ne vois pas avec qui il va définir et appliquer sa politique de l’émergence des Comores s’il continue à agresser et mépriser ceux qui une fois formés pourraient accompagner le développement de notre pays. Je m’interroge sur la motivation et l’inertie de ceux, notamment des jeunes, qui acceptent de subir ces injustices. Partout dans le monde, des jeunes se révoltent contre des injustices, jusqu’à quand la jeunesse des Comores acceptera de subir ?
Interview réalisée par Issa Mbae, journaliste établi à la Réunion
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