"Les Comoriens se sont retrouvés à Fomboni sur l'île de Mohéli en 2001 après des années de tension politique pour signer un acco...
"Les Comoriens se sont retrouvés à Fomboni sur l'île de Mohéli en 2001 après des années de tension politique pour signer un accord, certes imparfait, mais qui allait tout de même éviter au pays le malheur et le spectre de la division.
L'Union Africaine a été témoin de cette signature et a même été invitée à se porter garant de l'accord pour en assurer le respect. Elle a, ce me semble, accepté de jouer ce rôle, apparemment avec fierté, au nom de la paix et de la stabilité.
Connaissant l'origine des maux politiques de l'Afrique pour en avoir fait l'expérience pendant des décennies, elle aurait pu contribuer à garantir la réussite de cet accord en préconisant le retrait de la Constitution ou du moins en rendant presqu'impossible cette triste initiative de la révision de la Constitution.
N'ayant pas eu cette sagesse dès le départ, notre organisation continentale aurait du se rattraper en mettant son point d'honneur à dissuader tout président assoiffé de pouvoir de faire revenir le pays en arrière par des changements intempestifs dictés par des raisons subjectives.
L'Union Africaine doit cependant être louée pour avoir à tout le moins joué le rôle qui était le sien en 2016 en dépêchant un émissaire aux Comores en la personne de l'ancien président Kikwete pour rappeler les règles du jeu de la tournante à la classe politique à un moment où certains politiciens - et notamment le président Sambi - voulaient donner une autre interprétation à la Constitution par rapport aux candidatures.
La crise, qui pointait à l'horizon en 2016 avec le refus des politiciens d'une île de voir des rivaux d'une autre île participer à leur primaire, a ainsi été éloignée de justesse et la vie politique a suivi son cours normal. Les élections se sont tenues conformément à la pratique suivie jusque là et le pays s'est doté de nouvelles autorités.
Maintenant, à l'heure où j'écris, le pays se trouve plongé dans une autre crise inutile qui pourrait éventuellement se compliquer et ce car l'accord de Fomboni, qui a sauvé l'unité de ce pays, est encore une fois menacé à cause justement de cette déplorable initiative de la révision de la Constitution.
L'on s'attendait à ce que notre organisation panafricaine intervienne comme elle l'avait fait en 2016 pour résoudre le problème dans l'immédiat et garantir la survie de cet accord qui a fait ses preuves en termes de paix et de stabilité. Mais hélas nous constatons que l'Union Africaine préfère prendre son mal en patience en mettant en place un dialogue qui ne va sans doute jamais prendre fin mais surtout rien apporter. Quel est le sens de ce dialogue bon sang alors que vous connaissez les tenants et aboutissants de l'accord de Fomboni?
Certes, les Comores sont indépendantes et souveraines mais en vous confiant en toute liberté la mission de garant de cet accord de Fomboni elles ont renoncé à cette indépendance et à cette souveraineté dans une certaine mesure au nom de la paix et de la stabilité.
Il était donc de votre responsabilité d'agir constamment en amont pour éloigner les conflits. C'est ainsi que nous nous attendions à ce que vous interveniez auprès du président Ikililou pour exiger, si c'est bien ce qui avait été convenu, [next] l'organisation d'assises nationales en vue d'une évaluation non pas des 40 ans d'indépendance mais plutôt des 14 ans de tournante pour décider d'un commun accord de la suite à donner à ce nouveau système. Ce rendez-vous a été manqué.
Aujourd'hui et à cause de votre inaction, le seul accord qui maintienne les Comores ensemble est sérieusement modifié et gravement menacé et encore une fois vous vous comportez presque en observateurs au lieu de donner un sens à la mission qui vous a été confiée en agissant pour préserver les intérêts de toute une nation.
Ne soyez donc pas surpris, chers frères et soeurs du continent, si demain le peuple comorien vous tient pour responsable de toute situation chaotique qui risque de régner dans ce pays dans les années à venir. Un rôle vous a été confié. Vous l'avez accepté. Jouez-le. Pensez-vous qu'un autre accord puisse être conclu entre comoriens si celui-ci échoue car vous n'avez pas su le protéger?
Les intérêts de certains individus ne doivent pas primer sur ceux de tout un peuple à moins que vous ne partagiez l'avis contraire.
Ayez un peu de rigueur. Nos dirigeants vous défient car ils savent que finalement vous ne leur ferez absolument rien. Il serait utile de distinguer entre pays en crise et pays en situation normale. Les premiers ne doivent pouvoir brandir la menace de leur souveraineté qu'à la suite de la normalisation de leur situation. Et puis dans un pays insulaire à problèmes comme le nôtre, il ne faut pas permettre la provocation car elle risque de provoquer un embrasement."
Par Babayou Houmadi
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