Au Sud les grandes puissances occidentales poursuivent leur entreprise de domination politique et économique en infléchissant les structu...
Au Sud les grandes puissances occidentales poursuivent leur entreprise de domination politique et économique en infléchissant les structures des institutions internationales d’aide publique au développement. Pour y parvenir, elles déploient différentes stratégies, plusieurs techniques.
Parmi ces dernières on a l’antipolitics machine. Au zénith de sa gloire, celle-ci consiste d’une part à dépolitiser l’économie en séparant celle-ci de la politique et en plaçant l’économie économique au centre, et d’autre part à technocratiser le débat politique en adoptant un point de vue managérial sur le fonctionnement des institutions étatiques et sur la gestion des problèmes sociaux. Un cadre comorien séduit par la dite technique nous invite : « à faire du développement économique au lieu d’enfoncer le pays dans la politique politicienne » (voir Masiwa du 20/08/2018). De tels propos suscitent la stupéfaction lorsque l’on sait que l’entropie de notre système politique ne fait que croître. Comment changer la donne ?
La démocratie, le développement économique relèvent davantage du combat politique politicien que de l’invention ex nihilo. Car, si le développement est une conception de la société, un mode de gouvernement légitime servant à gouverner la cité, alors le développement est éminemment politique et les actions, les stratégies pour y parvenir sont très politiciennes. Et dans cette perspective tout en brandissant tel ou tel article relatif à leur statut leur interdisant toute action politique, les grandes institutions d’aide au développement, notamment la Banque mondiale, le FMI font de la politique, leur politique politicienne, en intervenant d’une part, dans les structures étatiques des pays récipiendaires, en transformant d’autre part, les pratiques des agents, les dispositions socio-cognitives des autorités, de l’élite locale et notamment les modes de représentation de l’action collective, de la chose publique.
Et en analysant de près les solutions qui nous sont proposées pour que notre pays puisse enfin décoller économiquement, force est de constater que la classe dirigeante et une grande partie de l’élite s’approprient les concepts et les énoncées qu’élaborent ces institutions pour imposer leurs pouvoirs et en user sans vergogne, ni recule épistémologique. Nous répétons inlassablement la litanie de la séparation du politique et de l’économie en donnant la primauté à cette dernière pour mieux appréhender le premier comme la Banque mondiale et le FMI nous l’apprennent : un ensemble de procédures technico-administratives à envisager dans la perspective du New public management. Autrement dit, nous devons appliquer au secteur public les règles du management qui valent pour les entreprises privées, ce qui conduit à réduire au maximum l’autorité publique et ses prérogatives. On disqualifie ainsi le politique en assignant au pouvoir public un rôle d’animateur de projets.
L’autorité publique devient ainsi un partenaire comme les autres, elle n’est plus un producteur de politiques de développement. Elle a comme vocation de mettre en place un système administratif efficace permettant aux riches de devenir encore plus riches, et les pauvres de devenir non pas riches, ou moins pauvres, mais un peu moins vulnérables pour mieux accepter les inégalités socioéconomiques inhérentes au système de production. En faisant allégeance au marché, cette approche tend à phagocyter toute action collective d’émancipation politique citoyenne, puise ses énoncés dans la révolution néolibérale des années 1990. Et ces derniers s’imposent à l'autorité politique à travers les programmes d’aide publique au développement. Et dans cette perspective, les nouvelles stratégies de lutte contre la pauvreté et de croissance qu’on nous propose arrivent à point nommé. C’est que nous verrons dans le prochain article.
Par Zakaria Houssen, Docteur en science sociales (EHESS)
Par Zakaria Houssen, Docteur en science sociales (EHESS)
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