L'arrivée des confréries, qui ont essaimé depuis le Maghreb et la Palestine , a permis un renouveau religieux et une recrudescence de...
L'arrivée des confréries, qui ont essaimé depuis le Maghreb et la Palestine , a permis un renouveau religieux et une recrudescence des contacts avec les responsables religieux de Zanzibar, d’Égypte et de Palestine. Ce phénomène n'est pas propre aux Comores, il peut être généralisé à beaucoup de pays d'Afrique noire. Aboubakari Boina dans bilité. Ainsi, un notable ne prie jamais à côté d'un jeune garçon. En ce qui concerne la zakat , l'aumône légale, il s'agit d'une pratique individuelle qui échappe à tout contrôle. En fait, la coutume détermine des occasions de donner, notamment à l'intérieur du mdji.
Pour ce qui concerne le jeûne du mois Ramadan, on remarque que le mois qui précède est traditionnellement consacré aux pique-niques et activités récréatives. Par ailleurs, le jeûne du mois de Radjab, qui commémore le voyage du Prophète de La Mecque à Jérusalem est devenu quasiment obligatoire à Ngazidja. Le hadj , pèlerinage à La Mecque , prend lui aussi un tour particulier. En effet, lorsqu'on l'effectue, on monte d'un niveau dans la hiérarchie coutumière. Dans Le Kafir du Karthala , Mohamed Toihri explique que le pèlerinage est devenu un voyage « touristico-social » plus que religieux. Certaines personnes s'y rendent plusieurs fois dans leur vie, cela peut être l'occasion d'acheter des pièces d'or à Djeddah.
D'après S. Blanchy l'islamisation des Comores est un processus qui ne s'achèvera qu'au XX ème siècle. On pouvait auparavant remarquer une différence dans les pratiques religieuses entre les habitants de la montagne et ceux du littoral. Les premiers, souvent descendants d'esclaves, étaient accusés de pratiquer des cultes païens tandis que les seconds, valorisant leur ascendance arabe, prétendaient pratiquer un islam plus pur. A l'heure actuelle, les Comoriens répètent à l'envie qu'ils vivent dans un pays « 100% musulman ».
Aboubakari Boina dans La pensée comorienne distingue trois formes que peut prendre l'islam aux Comores: un islam traditionnel, un islam légitimiste et un islam militant. Le premier est véhiculé par la mosquée et l'école coranique traditionnelle. C'est également celui qui est prôné traditionnellement par les élites dirigeantes. C'est surtout l'islam de l'immense majorité des Comoriens qui ne se mêle pas de politique et n'a jamais poursuivi d'études à l'étranger. Cette conception de la religion garantit le maintien de l'ordre coutumier et la solidarité entre les membres d'une entité. On ne distingue pas, ici, le profane du sacré. Les Comoriens qui ne se rendent ni à la mosquée ni sur la place publique sont marginalisés. Par ailleurs, selon ce principe de connivence entre les élites dirigeantes et religieuses, si le président de la République est parmi les fidèles lors du culte, c'est généralement lui qui dirige la prière.
Dans sa thèse, Aboubakari Boina dénonce ce lien étroit qui unit le pouvoir religieux à la politique, sans pour autant faire des Comores une théocratie : « Le notable et l'uléma phagocytent la politique. Depuis la nuit des temps et jusqu'à aujourd'hui [next] celui-ci cherche son assise, sa popularité et sa légitimité auprès de ceux-là. » (Boina, 1996, p155)
L' islam légitimiste , mettant complètement la religion au service de l’État, apparaît avec la mise en place du régime d'Abdallah. Les ulémas fournissent alors des arguments pour toute action politique mise en œuvre. Ce régime qualifié par certains historiens de « Restauration » prenait le contre-pied du précédent. Ali Soilihi avait en effet déclaré que les Comores étaient une république laïque et a œuvré en ce sens. Sous la présidence d'Abdallah, on essaie de prendre le contre-pied : « Les meetings politiques commen[çaient] toujours par le « fatha » suivi d'une lecture du Coran et se terminent par le «fatha » du grand notable/uléma se trouvant dans les lieux. » (Boina, 1996, p161)
Ce régime, mal vu de la communauté internationale car porté par les mercenaires, a réussi à contourner la rigueur diplomatique par le recours à l'Islam. La radio nationale se métamorphosait en instrument de propagande islamique. On n'avait de cesse que d'alerter la population contre le danger communiste, ennemi juré de la religion.
En 1994, on vote la mise en place d'un conseil des ulémas dont les membres sont désignés par le Ministre des affaires islamiques. Les anciens ulémas, n'ont pas adapté leurs discours aux réalités actuelles, ils perdent progressivement leur influence. Ce qui caractérise l'islam légitimiste c'est son intégration totale au pouvoir.
Enfin, l' islam militant se développe particulièrement dans les années soixante-dix. Une première vague d'étudiants obtient alors des bourses pour étudier dans les pays arabes. Pour la plupart, ils n'avaient d'autres choix que d'apprendre la théologie. L'Arabie Saoudite était le premier pays d'accueil. De retour au pays, ces jeunes gens sont exclus des cercles du pouvoir, étant donnée la nature de leur diplôme, jugé sans intérêt par l'administration coloniale, et se trouvent retranchés dans les écoles coraniques où ils gagnent de très petites sommes. Certaines fortes personnalités arrivent à se faire entendre, par l'intermédiaire de la radio notamment, et à mobiliser des pans entiers de la population. Ils sont généralement emprisonnés par le pouvoir en place, puisqu'ils représentent un contre-pouvoir potentiel.
Avec l'avènement de la «démocratie » - le pluralisme politique est mis en place par le président Taki en 1992 –on assiste à la création de deux partis politiques se réclamant de l'islam: le PSN (Parti pour le Salut National) et le FNJ (Front National pour la Justice ). Le FNJ est dirigé par des ulémas formés en Arabie Saoudite, en Égypte, en Iran ou au Soudan. Il se dresse contre la séparation de la religion et de la politique et affirme qu'une pratique plus rigoureuse de l'islam devrait permettre aux Comores de sortir de la crise où elles sont plongées. Le PSN reste, quant à lui, plus ouvert au dialogue et plus démocratique. Ici et là émergent des « comités d'assainissement moral». En 1993, la ville d'Ikoni, au sud de la Grande Comore, certains islamistes extrêmistes avaient tenté, en vain, d'interdire la célébration de la fête du nouvel an (entendez le premier janvier du calendrier grégorien). Un autre village s'est autoproclamé enclave islamique sous la loi de la charria.
Il n'est pas inutile de rappeler ces différentes formes qu'a prises l'islam au cours de l'histoire aux Comores car on verra plus loin que les formes de l'enseignement coranique peuvent être rapprochées dans une certaine mesure de tel ou tel courant.
Proposé par Lirexpress
1. M. TOIHRI, Le Kafir du Karthala , L'Harmattan, Paris 1990
2. Sophie BLANCHY, La Vie quotidienne à Mayotte , « Essai d'anthropologie compréhensive», Université de La Réunion , 1988. L'introduction porte sur ce sujet.
3. A. BOINA, La Pensée comorienne , thèse de doctorat, Université de Paris X, 1996.
4. La place publique, le bangwe est le lieu où l'on tente de résoudre les conflits entre villageois au moyen d'un combat d'éloquence. . Maanfou dans Evolution de l'islam aux Comores exprime ainsi cette coexistence de plusieurs conceptions de la religion
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