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GRANDE-COMORE. Le 27 juillet dernier, la journaliste Faïza Soulé Youssouf publie dans le journal "Le Monde" un article sur la situation politique des Comores à la veille du référendum. Mohamed Daoudou, le ministre de l'Intérieur a annoncé sur une chaîne publique avoir déposé plainte pour "atteinte à l'image du pays". Un comité de soutien international s'est depuis créé pour défendre la journaliste et la liberté de la presse dans l'océan Indien.
Un virulent bras de fer s'est engagé aux Comores entre les organes de presse et le gouvernement, alors que "l'affaire Faïza" défraie la chronique depuis maintenant quinze jours. Il faut, pour en comprendre les ressorts, reprendre le contexte politique qui agite l'archipel voisin actuellement. Le 30 juillet dernier, une nouvelle révision de la constitution de l'Union des Comores, imposée par le président et ancien putschiste Assoumani Azali, a été officiellement approuvée par voie référendaire (voir nos précédentes éditions).
"Le ministre de l'Intérieur s'est félicité d'une participation massive et d'une majorité écrasante du oui à plus de 90%, explique Ali Saïd Hakime, journaliste à Mayotte. Beaucoup s'accordent cependant à décrire un scrutin truqué et un nombre de votants extrêmement faible". Tous les observateurs médiatiques ont en effet fait état de décalages notoires entre l'affluence dans les bureaux de vote et la participation annoncée. La "large victoire" est d'ailleurs d'ores et déjà contestée par le parti de l'opposition Jawu. Son porte-parole avait appelé à boycotter le scrutin organisé à la fin du mois dernier. Celui-ci avait aussi dénoncé des abus de pouvoir et jugé illégale l'organisation de ce référendum taillé sur mesure pour prolonger le gouvernement en place.
Une semaine avant que les électeurs ne soient appelés aux urnes, Faiza Soulé Youssouf, journaliste à Moroni (Grande-Comore), avait publié un article dans Le Monde intitulé "Aux Comores, le référendum constitutionnel de tous les dangers". Elle y indiquait notamment que "L'opposition ainsi qu'une grande partie de la société civile sont vent debout contre cette réforme constitutionnelle". Pour la journaliste, le système de présidence tournante instauré à la faveur des accords de Fomboni en 2001 a permis d'en "finir avec un long passé de coups d'État, d'assassinats ou d'exil de présidents et de crises séparatistes".
Sous-entendu que la nouvelle réforme constitutionnelle qui permettrait au président en fonction, Azali Assoumani, d'être candidat à sa propre succession, pourrait faire resurgir ce passé trouble. Tout aussi inquiétant, l'article 97 de la nouvelle constitution indique que "L'islam est la religion d'État. L'État puise dans cette religion, les principes et [next] les règles d'obédience sunnite et de rite chafiite qui régissent le culte et la vie sociale".
"Avec ce texte référendaire, l'islam sunnite devient un élément de l'identité nationale, passant d'une religion d'État à une religion de la nation avec le risque qu'il soit utilisé pour exclure de la communauté nationale les minorités d'autres obédiences", analyse Mohamed Rafsandjani, doctorant en droit constitutionnel interrogé par Faïza Soulé Youssouf, .
La voix dissonante qui s'est élevée dans les pages du quotidien national français, n'est bien sûr pas passée inaperçue. D'autant que Faiza Soulé Youssouf a couvert en direct une violente altercation qui s'est déroulée le jour du scrutin. "Un groupe de jeunes est venu saccager un bureau de vote à Moroni. Un gendarme a eu la main coupée par un coup de sabre, et a été évacué en urgence vers Maurice, précise Ali Saïd Hakime. Faiza était présente pour parler de cet événement, tout en commentant les vives tensions qui ont entaché l'organisation du référendum".
Des prises de position qui semblent être devenues affaire d'État, depuis que le ministre de l'Intérieur, Mohamed Daoudou alias "Kiki", a publiquement annoncé sur la télévision nationale, qu'il porterait plainte contre Faiza Soulé Youssouf pour "atteinte à l'image des Comores".
Une cinquantaine de journalistes originaires de l'archipel, Comores, mais aussi de Madagascar et de La Réunion, ont immédiatement créé un comité de soutien pour défendre leur consœur et plus largement la liberté de la presse. Outre le soutien affiché publiquement par ses nombreux confrères de la presse privée, des journalistes radio ont décidé de suspendre leur activité durant une semaine.
Si pour l'heure Faiza Soulé Youssouf n'a pas été entendue dans le cadre de la plainte déposée, le comité a d'ores et déjà pris contact avec plusieurs avocats. "Parmi ces juristes figurent notamment Ali Mihidoiri et Jean-Jacques Morel du barreau de Saint-Denis", note Ali Saïd Hakime, membre du comité de la liberté de la presse dans l'océan Indien.
Article publié par le JIR ©clicanoo.re
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