Référendum modifiant la constitution de l’Union des Comores Interview de Assoumani Saandi, président de cette jeune organisation poli...
Interview de Assoumani Saandi, président de cette jeune organisation politique, réalisée par notre rédaction.
Au sortir des Assises nationales qui devraient faire le bilan de 42 ans d’indépendance, le Président Azali Assoumani, au pouvoir depuis mai 2016, a annoncé un référendum pour modifier la Constitution. Les principaux sujets qui focalisent l’intérêt de la presse locale et les réseaux sociaux aux Comores sont la présidence tournante entre les îles, l’autonomie des îles, le renouvellement du mandat présidentiel et la volonté clairement affichée d’empêcher l’expansion du shiisme installé depuis peu dans cet archipel dont les habitants sont presque tous musulmans. Les principaux partis de l’Opposition dont celui de l’Ancien Président Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, aujourd’hui en résidence surveillée, ont appelé à boycotter le scrutin, en raison, disent – ils, de la suppression de la Cour Constitutionnelle et la restriction des libertés politiques.
Un mouvement politique récemment créé et prénommé BADILI (Change ou changement) vient d’appeler les Comoriens à se rendre aux urnes et à voter NON au projet constitutionnel. Voici une interview de Assoumani Saandi, le président de cette jeune organisation politique, réalisée par notre rédaction.
Quelle est la situation politique qui prévaut actuellement aux Comores ?
Assoumani Saandi : L’idée des Assises nationales était de permettre aux Comoriens, dans leur diversité politique et géographique, de faire une introspection sur la gestion du pays depuis son accession à l’Indépendance en 1975. Le constat partagé est que le pays ne décolle pas alors qu’il dispose d’un potentiel similaire avec l’Île Maurice, les Seychelles ou le Cap Vert, qui sont parmi les pays les plus prospères d’Afrique.
Fort malheureusement, les Assises n’ont pas été inclusives. Elles ont été organisées sans les principaux partis de l’Opposition qui disposent pourtant la majorité parlementaire. Le Mouvement du 11 Août, initiateur de l’idée, a été divisé. [next] Le parrain des Assises, l’ancien Ministre Ali Bazi Selim, qui a lancé l’appel pour ce grand rendez-vous historique, a été marginalisé à mesure que l’échéance s’approchait. Le Gouvernement s’est accaparé de l’idée et en a fait sa chose. Les Assises avaient perdu leur sens. Le pays s’en est sorti plus divisé. Le régime en place en est sorti plus sûr de lui et déterminé à écraser toute force adverse.
Pourquoi avez-vous choisi de participer au scrutin alors que les règles du jeu sont biaisées ?
Assoumani Saandi : Il est vrai que les règles sont biaisées d’avance avec la suppression de la Cour Constitutionnelle qui est seule à disposer des compétences de juge électoral.
Nous avons décidé de faire appel à voter pour le NON pour trois raisons. La première est de saisir de cette posture pour démontrer que le Projet de constitution est en contradiction avec les conclusions des Assises, présentées par le Chef de l’État comme la source de l’initiative de réforme constitutionnelle. La deuxième raison est de pouvoir passer un message aux Comoriens partisans du OUI pour attirer leur attention sur le recul démocratique que porte le Projet de constitution présenté. La troisième est que nous croyons que dans le combat pour la consolidation de notre démocratie, rien ne justifie que l’on se refuse l’utilisation du bulletin qui est l’ultime moyen pour le citoyen d’influer sur le destin du Pays. Quand bien même il y a des doutes sur le respect des résultats sortis des urnes, nous estimons qu’il faillait envoyer le message au Chef de l’État qu’on le peuple souverain n’est pas d’accord avec le Projet.
Quelles sont les dispositions qui constituent un danger pour que vous appeliez à voter NON ?
Assoumani Saandi : Le Projet de Constitution, met fin à l’indépendance de la Justice qui sera mise sous la coupe du Président de la République dans les mains desquelles sont concentrés tous les pouvoirs. Le pouvoir législatif est fragilisé, le Parlement ne pouvant pas faire aucune injonction à l’Exécutif. Les compétences dédiées aux Îles ont été complètement réduites.
En effet, l’article 28 de la Constitution en vigueur dispose que les magistrats du siège sont inamovibles. Par ailleurs, la plus haute juridiction de l’État qui est la Cour constitutionnelle est composée de membres nommés par différentes autorités ce qui était un gage pour ne pas porter allégeance à un seul homme. L’article 38 dispose que ces derniers sont inamovibles pendant la période de leur mandat. Ces articles sont remplacés par [next] l’article 95 qui stipule le remplacement de la Cour Constitutionnelle par une Cours suprême dont tous les membres sont à priori nommés par le seul Chef de l’État et parmi les magistrats dont l’inamovibilité n’est plus assurée. En effet, l’article 94 du nouveau projet stipule que les « magistrats du siège sont inamovibles sauf pour les cas de nécessité de service »
Par ailleurs, le Projet ne porte aucune disposition qui aide à mettre fin à la corruption, la gabegie et le népotisme qui gangrènent le fonctionnement de nos institutions depuis des années. C’est une constitution dont le seul effet est de refléter le dessin du Président actuel de durer le plus possible au pouvoir.
Correspondant Temoignages.re / 28 juillet 2018
Assoumani Saandi est titulaire de deux masters en entrepreneuriat et en management des organisations, obtenus à l’Institut de la Francophonie pour l’Entrepreunariat de l’Ile Maurice et à l’Université de Bordeaux IV. Il a été respectivement Conseiller du Chef de l’Etat chargé de l’Assainissement des finances publiques et des réformes administratives (2000), Conseiller en communication du Chef de l’Etat (2001-2002), puis Ministre de la Fonction publique, de la réforme administrative et de la décentralisation de l’Ile de Ngazidja (2008). Sur le plan professionnel, Saandi Assoumani est un expert international en réforme de l’Etat ayant exercé dans plusieurs pays africains pour le compte de plusieurs organisations multilatérales dont l’Union Européenne et le Programmes des Nations Unies pour le Développement.
Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont :
- L’irrésistible ascension du président Mumba, édition l’Harmattan 2016
- Chronique des rendez-vous manqués, édition cœlancanthe, 2012
Photo d'archives
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