Sous les couleurs du drapeau tricolore : Mayotte île colonisé et sinistré
L’occupation coloniale n’a nullement comme perspective d’améliorer les conditions de vie et de travail du peuple mahorais. Et, de ce point de vue, la réalité est révélatrice : l’île est gérée par des expatriés dans la plus pure tradition coloniale, vivant dans des zones protégées, les « mzungus land » (« le pays des blancs ») et bénéficiant de primes confortables, phénomène qui génère une hausse des prix dans les supermarchés rendant les produits inaccessibles à la population autochtone. Autre facette du vécu colonialiste, les discriminations, la corruption, l’illettrisme, 1/3 des enfants de moins de 15 ans n’est pas scolarisé, 56% des moins de 30 ans n’ont aucun diplôme.
Mamoudzou, capitale de Mayotte ©AFP |
Il n’y a pas, contrairement à la vision que voudrait en donner l’État français, un eldorado mahorais triomphant face à la grande misère des Comores. 60 000 logements sont des bangas, cabanes en terre et en tôle [4]. Les services de l’Éducation comme ceux de la Santé souffrent d’un manque d’effectifs chroniques. Sur le plan pratique, la langue française reste une langue d’importation, ignorée d’une grande partie de la population qui parle essentiellement une langue locale (le shimaoré dialecte du shikomori), le shimaore, ou un dialecte malgache, le shibouski. La langue maternelle, majoritaire ici, est interdite. Contre ces conditions de vie et de travail chaque année des mouvements sociaux témoignent de l’amorce d’une résistance à cette situation.
Mayotte : bunker sous contrôle de la police aux frontières
La moitié des habitants sont considérés comme des illégaux alors qu’ils viennent à 95% des îles Comores. Depuis des siècles les Comoriens se rendaient indifféremment d’une île à l’autre mais en 1995, le gouvernement Balladur a instauré un visa qui supprime cette liberté de circulation dans l’archipel. Désormais les Comoriens des autres îles qui entendent se rendre à Mayotte le font de manière clandestine, ils organisent des traversées en mer en empruntant de frêles embarcations, les Kwassas-Kwassas, et ces tentatives s’accompagnent de nombreux drames, de noyades.
Une situation semblable à celle que connaissent les migrants qui tentent de rejoindre l’Europe, mais là-bas aucun projecteur médiatique n’est braqué sur le sort des Comoriens : cette souffrance est vécue dans l’indifférence la plus totale. Autre pratique discriminatoire, les retours à la frontière des enfants mineurs, non accompagnés, après un passage en centre de rétention, sont systématiques pratiqués au moyen d’un procédé illégal et arbitraire : l’enfant isolé est affecté à un adulte choisi au hasard, et la loi est bafouée.
Une situation semblable à celle que connaissent les migrants qui tentent de rejoindre l’Europe, mais là-bas aucun projecteur médiatique n’est braqué sur le sort des Comoriens : cette souffrance est vécue dans l’indifférence la plus totale. Autre pratique discriminatoire, les retours à la frontière des enfants mineurs, non accompagnés, après un passage en centre de rétention, sont systématiques pratiqués au moyen d’un procédé illégal et arbitraire : l’enfant isolé est affecté à un adulte choisi au hasard, et la loi est bafouée.
Ces méthodes utilisées par les autorités se conjuguent avec d’autres actions, celles menées par des « milices de villageois », au nom de « La France aux Français » et qui organisent la traque des Comoriens en situation irrégulière, accusés de l’augmentation de la délinquance. Fermeture des frontières, exacerbation des antagonismes entre les populations, misère généralisée, privilèges des blancs expatriés, telle est la réalité coloniale en pays Mahorais, et naturellement, sur ce terreau, la lutte s’organise.
Là où il y a oppression, il y a résistance
Certes il n’existe pas, aujourd’hui, au sein de l’île de Mayotte un mouvement de masse contre les conséquences de ce colonialisme. Mais des luttes se développent régulièrement sur le plan syndical, notamment contre les pratiques dérogatoires en vigueur sur l’Ile, les populations ne bénéficiant pas des mêmes droits sociaux que ceux qui sont accordés sur l’ensemble du territoire français. Parmi les axes revendicatifs : l’alignement des prestations sociales sur celles de la Métropole, l’application du code du travail, une hausse du RSA. Outre les grèves, ces combats sont accompagnés de révoltes spontanées, de réappropriations de denrées alimentaires dans les magasins.
Cette exploitation, cette oppression sont le fruit de l’activité colonialiste de l’État français. Il nous incombe donc, en tant qu’internationalistes de populariser ces luttes, de mettre en place des pratiques de solidarité et de soutien. La CNT entend être partie prenante de cette activité anticolonialiste totalement indissociable de notre lutte pour mettre à bas le vieux monde capitaliste.
Raphaël ROMNÉE, secrétariat international de la CNT
« …Mais pour ancienne qu’elle soit, l’histoire de ces populations est particulièrement pauvre en événements marquants, histoire incolore faite de temps qui s’écoule – comme il est de règle générale chez les peuplades de l’Afrique ou de l’Asie dont l’assoupissement continuel est interprété comme une forme de paresse ou de contemplation – et non de faits et d’actions ». Alfred Martineau, Histoire des Colonies Françaises, Chapitre sur les Comores, Tome VI- 1934.
P.-S. Site du Secrétariat International de la CNT-F : http://www.cnt-f.org/international/
Notes
[4] À l’adolescence les jeunes garçons se construisent une petite case avec des bambous et de la terre séchée, le toit étant en tôle. Ils doivent quitter la maison familiale, à cet âge un garçon ne partage plus la chambre de sa sœur.
[5] En 1989 opération « Oside » après l’assassinat du président Ahmed Abdallah et la prise du pouvoir par Bob Denard et ses mercenaires.
[6] Opération « Azalée » à la suite du renversement du président Saïd Mohammed Djoha par les mercenaires de Bob Denard.
[7] Fernand Yveton, membre de la CGT et du Parti Communiste Algérien (PCA), guillotiné le 11 février 1957 dans la prison de Barberousse pour avoir milité activement aux côtés du FLN pour l’indépendance de l’Algérie.
[8] À l’adolescence les jeunes garçons se construisent une petite case avec des bambous et de la terre séchée, le toit étant en tôle. Ils doivent quitter la maison familiale, à cet âge un garçon ne partage plus la chambre de sa sœur.