Entre l'appel à la reforme constitutionnelle du RIDJA et la réforme en l'air...
En effet, on parle beaucoup de reforme constitutionnelle ! Les différentes déclarations du président de l’Assemblée Nationale donnent de la consistance à ces rumeurs. C’est dans ce contexte qu’intervient la conférence de presse de celui qui s’est découvert une vocation de chantre de l’émergence aux Comores. La tournante serait incompatible avec cette dernière et de façon fort logique, le parti RIDJA se serait prononcé clairement pour sa suppression pure et simple.
L’article « Changement de constitution vraiment ? » signé par Faïza Youssouf Saïd paru dans Habarizacomores du 5 mai 2017 est on ne peut pertinent tant dans le rappel des éléments historiques liés à cette problématique relative à la Tournante que par l’analyse qu’elle y consacre. Elle évoque en effet un problème de timing et suggère des élections anticipées pour ne pas aboutir à l’effet inverse de celui visé par de la reforme constitutionnelle souhaitée par le parti RIDJA .
Seulement il est à craindre que cet appel de RIDJA logique et nécessaire pour la fin de la Tournante ne soit qu’un coup d’éclat médiatique caractéristique du leader de ce parti et n’ait rien à voir avec le projet de réforme constitutionnelle en l’air depuis l’arrivée d’Azaly au pouvoir. Il est vrai que le mal élu président de l’Assemblée a à plusieurs reprises évoqué le sujet de la Tournante, et aurait en quelque sorte plaidé pour un droit d’inventaire à propos de celle-ci. Il est fort à parier cependant que la reforme constitutionnelle que veulent conduire Abdou Ousséni et Maoulana Charif ne soit pas motivée par le même raisonnement que celui de RIDJA.
Les contours de cette réforme constitutionnelle dont on entend beaucoup parler restent un mystère pour l’instant, mais sa philosophie serait de prolonger le pouvoir de la CRC au-delà de 2021à la faveur de l’émergence. Le slogan Emergence 2031 est éloquent ! Comment un pouvoir dont la survie reste problématique au cours de ce quinquennat compte tenu de nombreux défis dont il n’est raisonnablement pas à la hauteur peut-il se projeter sur une période de plusieurs mandatures ?
La politique de communication à outrance comme mode de gouvernance produisant des mythes en permanence loin de la réalité difficile de la population au quotidien comme on le voit en ce moment ne peut constituer une réponse à l’infinie à la question de la pérennité du régime actuel et la tentation à un tripatouillage de la constitution n’est donc pas à exclure.
Difficile de croire que la suppression de la Tournante comme obstacle à la politique d’émergence, un objectif noble nonobstant le problème de timing soulevé dans l’article de Faïza, soit alors ce qui motive la reforme de la constitution qui revient souvent dans les interventions d’Abdou Ousséni. On ne peut exclure que ce qui se joue actuellement à l’Assemblée Nationale, et les pratiques louches qui le précèdent soient un avant-goût de ce qui se cache derrière l’idée de cette réforme constitutionnelle.
Une reforme constitutionnelle qui se déclinerait par un projet de suppression de la Tournante dans le sens positif, c'est-à-dire lever tout obstacle à l’émergence socio-économique pour être conforme à l’ère du temps, favoriser le décollage socio-économique du pays, et non se partager un gâteau à la Boléro, renforcer la cohésion et l’unité nationales et faire reculer le séparatisme n’arrange pas les plans d’Abdou Ousséni et de Maoulana Charif qui n’ont pas d’étoffe nationale pour émerger politiquement et qui pensent pouvoir s’appuyer sur un vote villageois, régional et insulaire pour exister au-delà de 2021.
Il ne faut pas être dupe ! La CRC est un parti sans ancrage national avec seulement deux élus à l’Assemblée Nationale et surtout avec un président qui minore allègrement l’importance et la nécessité d’une majorité parlementaire. Chacun d’entre nous a sans doute été secoué pour ne pas dire choqué d’entendre Azaly dire lors de l’ouverture des travaux à l’Assemblée Nationale dédiés à la pratique parlementaire au service de la bonne gouvernance : «Je n’ai jamais eu à gouverner avec un parlement au sein duquel je dispose d’une majorité et cela ne m’a pas empêché de gouverner ». Le vice-président Maoulana Charif, cadre éminent de la CRC qui serait l’un des artisans majeurs de cette réforme ne connaît même pas la discipline d’un parti et confond sa région de Oichi avec les Comores entières. Le controversé Abdou Ousséni arrivé au perchoir à la faveur d’un coup de force de l'armée, tentant tant bien que mal d’asseoir son autorité par des méthodes anti-démocratiques est incapable de discours d’unité et de rassemblement. Versant dans l’auto-flagellation en permanence, il se définit comme un enfant de la brousse comme si on ne la savait pas, que nous sommes tous d’ailleurs, que l’on veut écraser, et son discours politique est traversé par la résurrection de vieux topos politiques surannés et inadaptés à la réalité socio-politique actuelle.
Si les rumeurs d’une reforme constitutionnelle se confirment, il ne pourra s’agir de la réforme telle qu’elle est souhaitée par le RIDJA ni dans le contenu ni dans la lettre. La CRC dans son aile dure dirigée par Maoulana et avec la complicité du transfuge président de l’Assemblée Nationale est ainsi à des années lumière de ce que peut être une réforme constitutionnelle positive au service de l’unité et de la cohésion nationales et du développement du pays. Il faut s’attendre à une tentative de vouloir domestiquer la constitution et la mettre au service des intérêts partisans de quelques individus, plaçant ce dernier à n’en plus douter dans une aventure malheureuse dont il ne peut se payer le luxe.
Et si Larifou, naîf et rêveur voit sa bonne foi dans son appel à une reforme constitutionnelle mise à rude épreuve comme il se plait à le dire, cela ne pourrait en être qu’une preuve supplémentaire. Et d’ores et déjà, nous ne nous étonnerons pas comme Faïza « Reforme constitutionnelle vraiment ?», mais nous relèverons plutôt une incohérence de plus entre les ambitions d’émergence affichées et les moyens que l’on se donne pour y parvenir, le décalage entre le slogan et la réalité.
AHMED Bourhane