Coluche avait prévenu que l’égalité n’allait pas de soi… « Tous les hommes sont égaux, disait-il, mais certains le sont plus que d’autres. ...
Coluche avait prévenu que l’égalité n’allait pas de soi… « Tous les hommes sont égaux, disait-il, mais certains le sont plus que d’autres. » Moussa S., un jeune Sénégalais, serait plutôt dans le clan des « moins égaux » si l’on en croit son histoire. Non seulement il a été dépouillé alors qu’il était en rétention administrative, mais en plus son renvoi vers son pays met fin à tout espoir de retrouver son argent ou d’être dédommagé.
Installé depuis dix ans en France, Moussa S., 33 ans, travaillait sur la Côte d’Azur comme plongeur dans les arrière-cuisines de restaurants cannois. L’un de ces migrants économiques qui permettent aux clients de manger pour pas cher et aux patrons de préserver leur marge. De cela Moussa ne se plaignait pas. Las ! Le 16 décembre, un contrôle d’identité l’a transformé en un indésirable à renvoyer au plus vite.
Un sans-papiers guinéen dans les centre de rétention du Canet près à Marseille. CRÉDITS : ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP |
Le voilà donc enfermé au centre de rétention administrative de Nice avec une obligation de quitter le territoire français. « A son arrivée, Moussa S. dépose au coffre les 2 720 euros en liquide qu’il a sur lui », rappelle Me Johannes Lestrade, son avocat. Eût égard à son statut de sans-papiers, Moussa n’a pas confiance dans les banques, craignant que ses économies y soient bloquées. Alors, il transporte sur lui toute sa fortune.
« Comment s’il avait un soupçon sur un de ses gardiens aurait-il pu en parler ? »
Quelques jours après avoir été enfermé, il en donne une partie à un cousin, pour les envois à la famille, avant d’apprendre, le 11 janvier, par un officier venu l’entendre, que les 1 200 euros restant ont disparu. L’audition qui a lieu sur place ne nourrit pas vraiment l’enquête. « Comment s’il avait un soupçon sur un de ses gardiens aurait-il pu en parler ? », se demande l’avocat, déplorant qu’il n’ait pas été entendu ailleurs.
Me Lestrade n’est pas au bout de son étonnement. D’abord, la demande de remise en liberté de Moussa S. faite le 21 janvier lui est refusée. Quand il fait appel, il s’entend rétorquer que « le maintient de la mesure de rétention ne fait pas obstacle à l’exercice des droits de Moussa S. en sa qualité de victime ». Un point sur lequel il n’est pas d’accord, mais qui n’est rien par rapport au renvoi pur et simple de Moussa S. au Sénégal avant même que la réponse à son référé liberté ne lui parvienne.
Me Lestrade reçoit en effet le 29 janvier à 9 h 04, le jugement qui explique que renvoyer Moussa S. vers le Sénégal ne constituera pas une « une atteinte grave manifeste à assurer son droit à la défense ». Or, à cette heure-là, le jeune Sénégalais est déjà en route. « A 4 heures du matin, le 29, il a quitté le centre de rétention », m’a-t-il expliqué, quand je l’ai joint à son atterrissage. Depuis, l’avocat se bat seul, mais estime qui il y a là « une atteinte réelle au droit d’assurer une défense effective devant un juge, puisque mon client ne trouvera pas l’argent d’un billet d’avion pour revenir s’il doit être entendu à nouveau ». Moussa S. doit dire adieu à sa vie en France et à ses économies en même temps qu’à la reconnaissance de son statut de victime d’un vol aggravé. Trois adieux en un.