LA TOURNANTE MÉRITE-T-ELLE D’ETRE RECONDUITE MALGRÉ TOUTES SES PERVERSIONS ? Cette question, cruciale à notre point de vue, ne peut ne pas ê...
LA TOURNANTE MÉRITE-T-ELLE D’ETRE RECONDUITE MALGRÉ TOUTES SES PERVERSIONS ?
Cette question, cruciale à notre point de vue, ne peut ne pas être posée alors que nous nous apprêtons dans quelques mois à recommencer cette forme de gouvernance instituée en 2001 pour sortir de l’impasse séparatiste qui laissait planer la menace de notre implosion. Une implosion dont on n’a pas malheureusement du tout pris conscience du danger en laissant passer, après les accords de MOHELI, l’occasion d’en étudier les causes en vue d’en prévenir toute autre manifestation.
Le constat d’échec irréfutable dans le développement social et économique de bientôt 15 ans de Tournante, démontre parfaitement que les « accoucheurs » de cette formule institutionnelle de gouvernance n’avaient comme fixation que de mettre fin au séparatisme et à ses conséquences. Préoccupation certes primordiale en raison de la gravité de la situation institutionnelle dans laquelle nous nous trouvions, mais le résultat est qu’en n’ayant eu recours qu’à une solution immédiate de la seule manifestation de l’instabilité, sans en considérer les causes profondes, on a obtenu une rémission et non une guérison : la grosse précarité - assimilable à de la misère souvent - qui frappe la majeure partie de la population, laquelle ne survit que grâce aux petites aides de la diaspora, opposée à l’insolente aisance des gouvernants sous la Tournante et de leurs comparses (très utiles), porte en elle les germes d’une explosion sociale certaine.
De même, la bâtarde autonomie des îles actuelle, sans affectation dans chacune d’elles de structures économiques et administratives potentiellement génératrices d’activités, et donc de pouvoir d’achat, provoquera toujours des déplacements humains massifs vers l’île abritant la capitale, facteur de déséquilibres profonds entre les îles, de ressentiments chroniques et, inévitablement, à court ou long terme, de poussées de fièvres politiques déstabilisatrices.
Une terrible mécanique créatrice de corruptions, de détournements de fonds publics, de népotisme….
La tournante, une terrible mécanique créatrice de de corruption, de détournements de fonds publics, de népotisme, de permissivité, d’impunité, de tout ce qui affaisse irrémédiablement toute société, notamment insulaire.
Avons-nous vécu, dans les différentes phases de notre cheminement sociopolitique, une période aussi riche en actes prédateurs au détriment des fonds publics, aussi gangrenée par la corruption, le tout dans l’indifférence générale, comme depuis l’instauration de la Présidence tournante ? Toutes ces pratiques criminelles jalonnent quotidiennement notre vie sociale ; elles nourrissent banalement ici et là les conversations, structurent malheureusement une normalité sociale de fait que conforte la résignation générée paradoxalement par l’ampleur de la permissivité et de l’impunité. Ainsi s’est implanté le contexte sociopolitique et culturel de la Tournante. Nos antivaleurs structurelles vis-à-vis de la pratique normale de ce que nous osons appeler démocratie, ici, ont conforté la perversion de la Tournante, lui affectant des attributs nocifs, telle cette idée, érigée en norme, qui fait de l’île bénéficiaire de la Tournante celle à laquelle revient les postes administratifs les plus valorisants, les directions les plus juteuses des sociétés d’état, sans le moindre souci de qualification, pérennisant ainsi une gestion extrêmement médiocre, improductive, sans colonne vertébrale, du pays (comment peut-on comprendre, par exemple, que des travaux de terrassement pour améliorer le débit de l’eau alimentant MORONI aient été entrepris juste quelques temps après que le tronçon de route concerné ait été bitumé, alors que la logique élémentaire aurait dicté l’inverse, si ce n’est parce que rien n’est pensé, tout est incohérence).
Notre fausse impression de dynamisme, que renvoie le rythme élevé des missions de responsables à l’extérieur, d’arrivées de techniciens pour des ateliers de formations multisectorielles, sans pour autant jamais voir poindre la moindre concrétisation, symbolise malheureusement l’absence de rigueur et la désarticulation que les présidences tournantes successives ont confortées dans la déresponsabilisation et la déliaison sociale, intensifiées par le transfert de la prépondérance institutionnelle étatique à l’île aux mains de laquelle se trouve le Pouvoir. Il en est malheureusement ainsi en raison, pensons-nous, de la très forte préexistence de facteurs culturels – aujourd’hui vivifiés et légitimés par la Tournante – qui désacralisent d’ordinaire l’institution étatique et valorisent, dans un ordre d’attachement décroissant, l’origine villageoise, l’entité ilienne et loin, bien loin, l’entité nationale.
Nouvel ascendant nocif pour la culture du développement
La fonction archi-dominante du clientélisme politico-culturel dans notre société a toujours orienté des politiques nées d’une pensée parcellaire, compartimentée, sans réelle projection conceptuelle structurée sur l’avenir, délibérément conçues pour répondre soit à des situations d’urgence, rarement d’intérêt véritablement général, sous la pression de groupes d’individus culturellement influents, soit à l’intervention directe de décideurs politiques soucieux de leur propre notoriété. Le paradoxe est que même lorsque la concrétisation d’une vision d’ensemble profitable au développement économique à l’échelle nationale voit le jour, à l’exemple de la Société de pêche (officiellement on annonçait 4000 embauches), la prédominance de l’incohérence, le fait que rien de ce qui se conçoit ne s’inscrit dans une perspective d’accomplissement intégrant toutes les étapes d’une action aboutie, l’ambition initiale s’en trouve dénaturée, vidée de toute substance par les actes mafieux et frappée de désuétude avant même d’avoir servi : tout le drame de l’incompétence est là ; la fréquence et l’amplitude de l’inaccompli et de l’inachevé dans nos politiques économique et diplomatique en donnent un exemple parfait. Cette forme de gouvernance, aujourd’hui prioritairement propre à faire bénéficier le maximum de postes, dans tous les secteurs, aux originaires de l’île exerçant la Tournante, sans se soucier ni de la nature, ni même du niveau des compétences des bénéficiaires, s’ajoute à l’électoralisme culturel habituel, confinant au dérisoire ce qui parvient, malgré tout, à se matérialiser. C’est une nouvelle culture, convenue, malheureusement capable d’ethnocentrisme ilien, que chaque île attend goulûment aujourd’hui d’en jouir à son tour, au détriment d’initiatives globales rigoureusement élaborées pour le développement.
Elle accentue gravement nos prédispositions innées à ne percevoir que le catégoriel au détriment du général dont seule la permanence – qui nous fait cruellement défaut - suscite l’exigence d’une vision globale du développement socioéconomique, facteur déterminant d’une prise de conscience collective des enjeux, et décisive dans tout processus d’émancipation d’un peuple. Réelle précédemment, mais moins systématique dans la déraison de son application, cette nouvelle culture patrimonialiste est élevée par Mohéli – naguère sevrée de largesses dans la gratification de postes juteux - à un niveau jamais atteint auparavant. Plus grave, il n’est pas du tout acquis que les primaires, limitées à une île, offrent in fine au pays celui ou celle cumulant en lui ou en elle les qualités et les compétences nécessaires pour diriger un pays.
Une culture de la médiocrité, incubatrice d’effondrement
Nous savons que ce n’est pas toujours le meilleur des candidats qui est choisi dans une élection (n’en sommes-nous pas souvent victimes ?), même dans les démocraties authentiques où pourtant la culture de l’écrit, la grande liberté d’expression, le volume et la force des moyens d’information, favorisent de façon illimitée la diffusion de tout ce qui concerne ceux et celles qui ambitionnent d’accéder à des postes électifs de responsabilités. Notre société choisit selon les valeurs de sa culture et non en fonction de critères cartésiens qui retiennent principalement les capacités et les compétences des hommes. La très grande fragilité matérielle du plus grand nombre, l’immaturité et les pressions de toutes sortes exercées par les groupes sociaux organisés en faveur de tel ou tel candidat représentatif de leurs propres intérêts, limitent énormément les chances de voir sortir d’une élection, chez nous, le meilleur d’entre les candidats.
Cette question, cruciale à notre point de vue, ne peut ne pas être posée alors que nous nous apprêtons dans quelques mois à recommencer cette forme de gouvernance instituée en 2001 pour sortir de l’impasse séparatiste qui laissait planer la menace de notre implosion. Une implosion dont on n’a pas malheureusement du tout pris conscience du danger en laissant passer, après les accords de MOHELI, l’occasion d’en étudier les causes en vue d’en prévenir toute autre manifestation.
Le constat d’échec irréfutable dans le développement social et économique de bientôt 15 ans de Tournante, démontre parfaitement que les « accoucheurs » de cette formule institutionnelle de gouvernance n’avaient comme fixation que de mettre fin au séparatisme et à ses conséquences. Préoccupation certes primordiale en raison de la gravité de la situation institutionnelle dans laquelle nous nous trouvions, mais le résultat est qu’en n’ayant eu recours qu’à une solution immédiate de la seule manifestation de l’instabilité, sans en considérer les causes profondes, on a obtenu une rémission et non une guérison : la grosse précarité - assimilable à de la misère souvent - qui frappe la majeure partie de la population, laquelle ne survit que grâce aux petites aides de la diaspora, opposée à l’insolente aisance des gouvernants sous la Tournante et de leurs comparses (très utiles), porte en elle les germes d’une explosion sociale certaine.
De même, la bâtarde autonomie des îles actuelle, sans affectation dans chacune d’elles de structures économiques et administratives potentiellement génératrices d’activités, et donc de pouvoir d’achat, provoquera toujours des déplacements humains massifs vers l’île abritant la capitale, facteur de déséquilibres profonds entre les îles, de ressentiments chroniques et, inévitablement, à court ou long terme, de poussées de fièvres politiques déstabilisatrices.
Une terrible mécanique créatrice de corruptions, de détournements de fonds publics, de népotisme….
La tournante, une terrible mécanique créatrice de de corruption, de détournements de fonds publics, de népotisme, de permissivité, d’impunité, de tout ce qui affaisse irrémédiablement toute société, notamment insulaire.
Avons-nous vécu, dans les différentes phases de notre cheminement sociopolitique, une période aussi riche en actes prédateurs au détriment des fonds publics, aussi gangrenée par la corruption, le tout dans l’indifférence générale, comme depuis l’instauration de la Présidence tournante ? Toutes ces pratiques criminelles jalonnent quotidiennement notre vie sociale ; elles nourrissent banalement ici et là les conversations, structurent malheureusement une normalité sociale de fait que conforte la résignation générée paradoxalement par l’ampleur de la permissivité et de l’impunité. Ainsi s’est implanté le contexte sociopolitique et culturel de la Tournante. Nos antivaleurs structurelles vis-à-vis de la pratique normale de ce que nous osons appeler démocratie, ici, ont conforté la perversion de la Tournante, lui affectant des attributs nocifs, telle cette idée, érigée en norme, qui fait de l’île bénéficiaire de la Tournante celle à laquelle revient les postes administratifs les plus valorisants, les directions les plus juteuses des sociétés d’état, sans le moindre souci de qualification, pérennisant ainsi une gestion extrêmement médiocre, improductive, sans colonne vertébrale, du pays (comment peut-on comprendre, par exemple, que des travaux de terrassement pour améliorer le débit de l’eau alimentant MORONI aient été entrepris juste quelques temps après que le tronçon de route concerné ait été bitumé, alors que la logique élémentaire aurait dicté l’inverse, si ce n’est parce que rien n’est pensé, tout est incohérence).
Notre fausse impression de dynamisme, que renvoie le rythme élevé des missions de responsables à l’extérieur, d’arrivées de techniciens pour des ateliers de formations multisectorielles, sans pour autant jamais voir poindre la moindre concrétisation, symbolise malheureusement l’absence de rigueur et la désarticulation que les présidences tournantes successives ont confortées dans la déresponsabilisation et la déliaison sociale, intensifiées par le transfert de la prépondérance institutionnelle étatique à l’île aux mains de laquelle se trouve le Pouvoir. Il en est malheureusement ainsi en raison, pensons-nous, de la très forte préexistence de facteurs culturels – aujourd’hui vivifiés et légitimés par la Tournante – qui désacralisent d’ordinaire l’institution étatique et valorisent, dans un ordre d’attachement décroissant, l’origine villageoise, l’entité ilienne et loin, bien loin, l’entité nationale.
Nouvel ascendant nocif pour la culture du développement
La fonction archi-dominante du clientélisme politico-culturel dans notre société a toujours orienté des politiques nées d’une pensée parcellaire, compartimentée, sans réelle projection conceptuelle structurée sur l’avenir, délibérément conçues pour répondre soit à des situations d’urgence, rarement d’intérêt véritablement général, sous la pression de groupes d’individus culturellement influents, soit à l’intervention directe de décideurs politiques soucieux de leur propre notoriété. Le paradoxe est que même lorsque la concrétisation d’une vision d’ensemble profitable au développement économique à l’échelle nationale voit le jour, à l’exemple de la Société de pêche (officiellement on annonçait 4000 embauches), la prédominance de l’incohérence, le fait que rien de ce qui se conçoit ne s’inscrit dans une perspective d’accomplissement intégrant toutes les étapes d’une action aboutie, l’ambition initiale s’en trouve dénaturée, vidée de toute substance par les actes mafieux et frappée de désuétude avant même d’avoir servi : tout le drame de l’incompétence est là ; la fréquence et l’amplitude de l’inaccompli et de l’inachevé dans nos politiques économique et diplomatique en donnent un exemple parfait. Cette forme de gouvernance, aujourd’hui prioritairement propre à faire bénéficier le maximum de postes, dans tous les secteurs, aux originaires de l’île exerçant la Tournante, sans se soucier ni de la nature, ni même du niveau des compétences des bénéficiaires, s’ajoute à l’électoralisme culturel habituel, confinant au dérisoire ce qui parvient, malgré tout, à se matérialiser. C’est une nouvelle culture, convenue, malheureusement capable d’ethnocentrisme ilien, que chaque île attend goulûment aujourd’hui d’en jouir à son tour, au détriment d’initiatives globales rigoureusement élaborées pour le développement.
Elle accentue gravement nos prédispositions innées à ne percevoir que le catégoriel au détriment du général dont seule la permanence – qui nous fait cruellement défaut - suscite l’exigence d’une vision globale du développement socioéconomique, facteur déterminant d’une prise de conscience collective des enjeux, et décisive dans tout processus d’émancipation d’un peuple. Réelle précédemment, mais moins systématique dans la déraison de son application, cette nouvelle culture patrimonialiste est élevée par Mohéli – naguère sevrée de largesses dans la gratification de postes juteux - à un niveau jamais atteint auparavant. Plus grave, il n’est pas du tout acquis que les primaires, limitées à une île, offrent in fine au pays celui ou celle cumulant en lui ou en elle les qualités et les compétences nécessaires pour diriger un pays.
Une culture de la médiocrité, incubatrice d’effondrement
Nous savons que ce n’est pas toujours le meilleur des candidats qui est choisi dans une élection (n’en sommes-nous pas souvent victimes ?), même dans les démocraties authentiques où pourtant la culture de l’écrit, la grande liberté d’expression, le volume et la force des moyens d’information, favorisent de façon illimitée la diffusion de tout ce qui concerne ceux et celles qui ambitionnent d’accéder à des postes électifs de responsabilités. Notre société choisit selon les valeurs de sa culture et non en fonction de critères cartésiens qui retiennent principalement les capacités et les compétences des hommes. La très grande fragilité matérielle du plus grand nombre, l’immaturité et les pressions de toutes sortes exercées par les groupes sociaux organisés en faveur de tel ou tel candidat représentatif de leurs propres intérêts, limitent énormément les chances de voir sortir d’une élection, chez nous, le meilleur d’entre les candidats.
Une logique culturelle qui aboutit au plus médiocre des résultats, dès lors que les primaires sont circonscrites dans une seule île où les enjeux politiques nationaux deviennent secondaires par rapport aux spécificités culturelles et aux intérêts propres à l’île ainsi honorée. Inséparable de l’insuffisance à l’incarnation du sens de l’état de nos responsables, un tel état des lieux préexistait certes avant l’introduction de la Tournante, mais cette dernière, en transférant à l’île honorée l’éthique incarnée par les valeurs constitutives des notions de nation, de peuple et d’état, a démesurément amplifié les nombrilismes et cimenté un contexte de disjonctions propice à tous les périls, qui frise aujourd’hui l’effondrement du très peu d’ordre normatif qui nous reste…
FUNDI ALI MLAMALI, professeur à la retraite
FUNDI ALI MLAMALI, professeur à la retraite