En ce dernier discours de votre présence à Madagascar, nous voulons vous dire MERCI, Certes c'est vrai parfois nous avons été à la limi...
En ce dernier discours de votre présence à Madagascar, nous voulons vous dire MERCI, Certes c'est vrai parfois nous avons été à la limite de la correction envers votre action, mais voyez-vous il y a eu une époque et il y a celle actuelle,la grandeur et la puissance de ce discours fera date dans l'esprit des malgaches et de nous Français. Je sais que partout , dans les foyers, les repas de famille, votre nom et votre action seront souvent mentionnés mais aujourd'hui, je suis fier de vous avoir combattu car vous êtes un HOMME, Un VRAI HAUT FONCTIONNAIRE DE LA FRANCE, je sais que les Malgaches vous réservent une surprise agréable le jour de votre départ, car beaucoup ont compris comme nous que vous êtes un vrai diplomate et un ami de la Madagascar. Que Dieu vous préserve
Discours prononcé par l’Ambassadeur de France à Madagascar, M. François Goldblatt, à l’occasion de la Fête nationale française à la Résidence de France, le mardi 14 juillet 2015
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les Présidents d’institutions,
Mesdames et Messieurs les membres du gouvernement,
Mesdames et Messieurs les députés,
Monsieur le Doyen du Corps diplomatique,
Mesdames et Messieurs les membres du corps diplomatique,
Mesdames et Messieurs les conseillers consulaires,
Mes chers compatriotes,
Il y a de cela un demi-siècle, alors que la France connaissait, depuis vingt ans déjà, le prodigieux essor de ce que l’on désignera plus tard comme la période des Trente Glorieuses, l’écrivain et académicien Georges Duhamel, celui que le général de Gaulle avait qualifié, dans ses « Mémoires de Guerre », de « secrétaire perpétuel, illustre et courageux » au regard de son action pendant la période de Vichy, s’adressa à la jeunesse de France dans les termes suivants :
« Mes enfants, mes amis, j’ai fait cette nuit un rêve étrange et beau. Je me promenais dans l’espace infini du monde, quand j’aperçus tout à coup l’âme d’un petit garçon qui allait naître. Ce petit garçon me dit qu’il pouvait choisir le lieu de sa naissance et il me demanda gentiment des conseils. ‘Je connais, lui répondis-je, un beau pays. Il est situé à la pointe occidentale d’un grand continent. Il n’est pas écrasé par le soleil, ni engourdi toute l’année sous la neige : il jouit du froid et du chaud avec modération. Il est couvert de cultures bien soignées et de forêts verdoyantes. On peut y trouver, en même temps, des sapins et des orangers. Il est arrosé par des fleuves puissants et raisonnables. Il produit tout ce qui est nécessaire à la nourriture d’un grand peuple, et ses habitants préparent toutes les boissons qui peuvent égayer les repas et désaltérer les travailleurs.
‘Il est ouvert sur quatre mers et envoie ses navires dans le monde entier. Il est parcouru par de belles routes, par des voies ferrées, par des canaux. Tous les grands avions de la terre viennent se poser sur ses aérodromes. Quand on le voit, ce pays, du haut du ciel, il apparaît merveilleusement ordonné. Le sol est partagé en milliers de parcelles. Tous les villages ont leur église et leur château. Les plaines sont vastes et fertiles ; mais les montagnes qui s’élèvent dans certaines régions sont parmi les plus hautes et les plus majestueuses de l’Europe.
‘Ce pays privilégié a, dans la suite des siècles, suscité la convoitise des peuples voisins et même de hordes venues de loin. Il a connu souvent les invasions et il a dû subir de cruelles épreuves. N’importe. Héritier des plus illustres civilisations méditerranéennes, inspiré par la Grèce et par Rome autant que par son vieux terroir, il a groupé des peuples divers qui ont conservé parfois leurs traditions et leur langage tout en respectant et en honorant l’unité nationale, œuvre des rois qui, pendant des siècles, ont gouverné la nation et l’ont soustraite aux coutumes féodales. Le premier dans les temps modernes, le premier des grands Etats d’Occident, il a fait de hardies expériences politiques et sociales ; il a cherché, dans le régime républicain, certaines solutions aux problèmes des temps nouveaux.
‘Comme le peuple de ce pays avait une haute idée de la civilisation qu’il représente si bien, il s’est répandu sur les mers et sur les continents, dans le dessein d’instruire les autres peuples, de les aider à s’élever, de les aider à conquérir, plus tard, l’indépendance.
‘Or, on ne s’élève que par la culture intellectuelle et morale. Le pays dont je résume ici la noble aventure, mon cher enfant, a produit, pendant plus de mille ans, des saints, des chefs, des héros et des maîtres. Sa contribution à la civilisation universelle est considérable. Il se sert d’une langue magnifique et difficile qui, maniée par d’incomparables poètes, écrivains et philosophes, est et demeurera l’un des trésors du monde. Il a engendré des musiciens, des peintres, des sculpteurs, des architectes fameux, des savants exemplaires.
‘Maintes inventions, accomplies sur son sol, ont profondément transformé la vie des sociétés humaines. On n’imagine pas le monde sans la libre activité du peuple qui habite ce pays, qui l’aime, le célèbre et ne cesse de l’illustrer.
"Comment s’appelle donc, dit l’âme de l’enfant, ce pays où je voudrais naître, vivre et travailler ?"
"C’est la France, mon cher petit", répondis-je ».
Daté, ce vibrant hommage à la France éternelle de l’académicien Georges Duhamel l’est à l’évidence. Irénique, ce panégyrique de notre cher et vieux pays l’est assurément. Ce que l’époque permettait encore, à savoir, affubler la France d’une mission civilisatrice encore tenue en haute estime par une frange de l’intelligentsia, et, par voie de conséquence, la considérer comme l’une des nations indispensables à la paix, à la justice, à la connaissance et à la culture, la mondialisation et ses lois inexorables ne semblent plus l’autoriser.
Et pourtant.
Confrontée, comme les autres nations européennes, à la sombre prédiction exprimée par Paul Valéry au lendemain de la Première guerre mondiale, la France ne se résout nullement à ne plus être, selon la formule de l’auteur de « La crise de l’esprit », qu’ « un petit cap du continent asiatique ». Aujourd’hui comme hier, quand bien même l’histoire du monde ne se joue plus seulement autour des calculs et des intérêts d’une demi-douzaine de nations, l’ambition française, qui, pourtant, affronte quotidiennement les aspirations concurrentes de près de deux cents Etats membres des Nations unies, ne relève pas du domaine du songe rapporté il y a un demi-siècle par Georges Duhamel. Bien au contraire, même les faits les plus têtus permettent de soutenir la thèse de l’actualité, de la vitalité et de la pérennité de l’ambition française.
Première destination en Europe des investissements étrangers créateurs d’emplois dans le secteur industriel, première destination touristique mondiale, dotée du premier aéroport européen pour le transport de fret et du deuxième pour le transport de passagers, deuxième nation au monde derrière les Etats-Unis pour l’internationalisation de ses grandes entreprises, deuxième Etat de la planète pour l’étendue de son réseau diplomatique, deuxième nation au monde pour le nombre de grandes entreprises classées parmi les cent premières de la planète, deuxième marché d’Europe par le nombre d’habitants, troisième pays au monde pour l’accueil d’étudiants étrangers, troisième également pour l’adéquation des infrastructures de santé aux besoins de la société, quatrième exportateur mondial de services, sixième nation la plus riche du monde, sixième exportateur mondial de biens, sixième pays au monde pour la productivité horaire du travail, la France, aujourd’hui comme hier, tient tête, en dépit de discours souvent défaitistes tenus à l’intérieur même de ses frontières, à une mondialisation qui, pourtant, ne fait pas de quartier.
Certes, vu d’Europe, nous assistons, médusés mais non impuissants, à un grand basculement de l’histoire. Ce dont, vu d’Europe, nous sommes aujourd’hui les témoins, fébriles et inquiets mais néanmoins forts de nos ressources démocratiques, intellectuelles et industrieuses, ce n’est rien de moins que le retour à une répartition de la richesse mondiale que la planète avait connue entre le XIIIème et le XVIIIème siècles, avant que la révolution industrielle ne vienne, pour une brève parenthèse qui n’aura, en définitive, duré que deux siècles et demi, bousculer l’ordre du monde tel que nous le connaissions. Ce retour à l’ordre ancien, préexistant à ce que 250 ans de domination européenne nous ont fait passer pour un ordre éternel, ressurgit sous nos yeux. Nous assistons à la résurrection d’un ordonnancement et d’un arrangement du monde qui, pendant un demi-millénaire, avait vu les deux grandes nations d’Asie représenter à elles seules plus de la moitié de la richesse créée à la surface du globe. Cet ordre ancien, dont nous avions fini par oublier les caractéristiques, faisait de la France de Louis XIV, une France pourtant à l’apogée de sa puissance militaire et démographique, une économie représentant une fraction seulement de la taille de l’économie chinoise sous les premiers empereurs de la dynastie Qing ou de celle de l’économie indienne du temps de l’empereur moghol Aurangzeb.
Ce grand basculement constitue certes, pour la France comme pour les autres nations européennes, un gigantesque défi, un défi dont l’ampleur même tétanise une partie de l’opinion française et européenne, parfois tentée par le renoncement, le déni et le refus d’affronter ces nouvelles réalités.
Et pourtant.
Si, face aux nouveaux géants de l’économie mondiale, la France et l’Europe ne peuvent plus prétendre jouer les tout premiers rôles quant à leur capacité à accumuler quantitativement les facteurs de production, elles conservent néanmoins, au plus profond d’elles-mêmes, tel un gène constitutif, la ressource précieuse et rare d’un indéfectible attachement aux valeurs qui les ont fondées. Parmi ces valeurs, une place à part doit être réservée, dans l’ordre du politique, à la quête de la justice, et, dans l’ordre intellectuel, à la quête de la connaissance. La justice selon Platon, Locke, Voltaire et Montesquieu. La connaissance selon Copernic, Bougainville, Lavoisier et Pasteur.
Ce lien existentiel entre la culture politique et intellectuelle européenne d’un côté, et la quête de la justice et de la connaissance de l’autre, rend nos nations européennes héritières d’obligations incontournables et porteuses de messages à vocation universelle. Ces obligations et ces messages ont fait de l’Europe ce qu’elle est devenue, et lui ont donné le visage que nous lui connaissons : les fondements de la démocratie tels que la Grèce nous les a enseignés ; le droit écrit tel que Rome nous l’a légué ; le christianisme comme socle spirituel et facteur structurant de la société et de la famille ; l’université comme temple de la connaissance ; l’esprit des Lumières comme idéal de justice et de liberté individuelle ; l’apprivoisement du capitalisme comme facteur de développement et de prospérité ; l’exigence d’une paix durable comme legs de deux conflits mondiaux épouvantablement meurtriers. C’est bien à tout cela que renvoie, dans le Traité de Lisbonne qui régit désormais le fonctionnement de l’Union européenne, la mention des « héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe ».
Alors, ces héritages, qui ont produit le plus spectaculaire développement des sociétés humaines que le monde ait connu jusqu’à présent, nous autres, nations européennes, cherchons à le partager. Parce que, en dépit de toutes les adversités et de tous les accidents de l’Histoire, cet héritage nous a si bien réussi, nous cherchons, sans pour autant vouloir l’imposer, à le partager le plus largement possible.
Nous cherchons à le partager, tout particulièrement et plus prioritairement, avec celles des nations avec lesquelles nous entretenons les liens les plus anciens, les plus forts et les plus étroits. Nous cherchons à le partager, non pas pour dominer ou pour exploiter, mais pour favoriser la plus large diffusion, partout dans le monde, des idéaux et des valeurs qui sont les nôtres : paix, liberté, justice, sécurité, prospérité.
Pour autant, l’apprivoisement de cet héritage ne va pas sans efforts ni contraintes. L’incorporation de cet héritage, lui-même fruit de siècles de patiente construction et évolution, nécessite, chez ceux qui veulent en expérimenter les bienfaits, une discipline sincère et pérenne.
Tel est bien, Monsieur le Premier ministre, le sens des messages appuyés que la France a tenté de faire résonner ici, dans ce pays, des messages qui n’ont jamais eu d’autre ambition que de permettre à la Grande Ile d’emprunter le chemin le plus sûr, le plus direct et le plus durable sur la voie de son redressement. Et, pour parvenir à bon port au terme de ce chemin, il doit y avoir, de part et d’autre, respect et écoute.
Or, à cet égard, comme bien souvent, le passé nous éclaire. Il y a de cela bien longtemps, alors que le monde était sur le point de quitter les rivages de l’ère archaïque pour aborder la période de l’antiquité classique, l’empereur Darius dépêcha un messager auprès de Sparte. Ce messager était porteur de nouvelles qui cadraient mal avec les vues de la Cité-Etat. N’écoutant que son instinct, Sparte, mécontente du message, précipita le messager au fond d’un puits.
Nous étions en l’an 491 avant Jésus-Christ. Le cours de l’Histoire n’en fut pas modifié. Vingt-cinq siècles plus tard, la vertu même des messages sincères demeure, aujourd’hui comme hier, de mettre en garde, en temps utile, quant à l’inéluctabilité de certains processus. De même que le messager doit naturellement endosser la responsabilité du contenu de son message, le destinataire du message conserve évidemment celle d’assumer la souveraineté inhérente à ses choix. Chacun ayant, en responsabilité, assumé sa liberté, l’Histoire jugera du meilleur chemin emprunté vers la justice et la connaissance.
Dans cette attente, qu’il me soit permis, en ce dernier 14 Juillet, de former le vœu d’un dialogue sincère et ouvert entre nos deux pays, une sincérité et une ouverture sans lesquelles nous cheminerons, hélas, beaucoup plus lentement et infiniment plus difficilement, alors que tant et tant d’urgences, tout particulièrement à Madagascar, nous interpellent. Sauf à faire nôtre la philosophie pessimiste de l’Ecclésiaste, et à nous résoudre, en conséquence, à la futilité de tout effort humain pour influer sur notre avenir, l’héritage des Lumières, celui que le peuple de Paris s’appropria, avec tant d’éclat et de résonance universelle, un matin de juillet 1789 et proposa au monde, six semaines plus tard, de codifier dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, nous oblige, au contraire, à tirer parti de tout ce que nous avons appris depuis Locke et Montesquieu. Les principes et les méthodes qui ont si bien réussi à l’Europe et aux nations qui les ont fait leurs, produiront ici aussi, comme ce fut le cas partout ailleurs où ils ont été appliqués avec constance, sincérité et détermination, leurs effets éminemment positifs.
Tel est bien le sens du message ultime que je souhaite partager avec vous : contrairement à des légendes tenaces savamment entretenues, il n’y a ici, en définitive, ni énigme à solutionner, ni rébus à déchiffrer, ni mystère à élucider. Il y a, plus prosaïquement, et plus simplement, si l’on veut bien s’en donner les moyens, une équation à résoudre, de manière posée et rationnelle, une équation dont les paramètres sont connus de tous, avec en ligne de mire une issue dont le caractère satisfaisant ou non dépendra de la mise en œuvre, plus urgente que jamais, de quelques grands principes incontournables. Pour m’en tenir à l’essentiel, et pour ce qui relève de la préservation des grands équilibres financiers, qui restent au cœur de la problématique du développement, et sans lesquels un réel rebond de l’économie de ce pays ne pourra s’amorcer, seul un effort résolu en vue de démultiplier l’assiette fiscale, et un élan tout aussi nécessaire à même de faire de la Grande Ile une terre d’accueil privilégiée pour les investissements étrangers, permettront d’inverser les tendances préoccupantes auxquelles nous assistons. En l’absence de résultats d’envergure sur ces deux piliers, les discours sur le redressement économique et la lutte contre la pauvreté resteront dépourvus de tout effet utile. Tel est bien, du reste, Monsieur le Premier ministre, et je tiens à vous en rendre hommage, le sens des efforts que, avec beaucoup de juste obstination, vous déployez à la tête du gouvernement.
A cet égard, et contrairement, là encore, à une légende tout aussi tenace, cette parole, ce message, cette exhortation ne sont nullement l’apanage de la France. Ecoutons à ce propos ce que disait à la presse, il y a moins d’un mois, l’administratrice générale du PNUD, à l’issue de son séjour à Madagascar et de l’examen approfondi de la situation politique, économique et sociale du pays auquel elle a pu procéder : « Il est temps maintenant d’agir », a affirmé Mme Hélène Clark, grande figure s’il en est du système des Nations unies, évoquant l’indispensable réforme des finances publiques, l’incontournable lutte contre la corruption, et le nécessaire combat contre les trafics d’animaux et de bois précieux : « Il est maintenant très important que les réformes soient réalisées. Beaucoup de choses en dépendent : l’accord de prêt du FMI, le réengagement total des bailleurs. Il est question d’une conférence des donateurs à Paris à la fin de cette année. Les gens ont besoin de voir que Madagascar met en œuvre les réformes nécessaires pour son développement ».
Au moment où une page se tourne, je vous le demande avec insistance : l’ambassade que j’ai eu l’honneur de diriger au cours des trente derniers mois a-t-elle dit autre chose que cela ?
Au final, vous l’aurez compris, le messager peut changer, mais le message demeurera invariablement le même : plus que jamais, le passage à l’acte sur la voie des indispensables réformes reste urgent et nécessaire. Demain, comme hier et comme aujourd’hui, et si les autorités de la Grande Ile le souhaitent, la France se tiendra prête à y contribuer, avec toute son énergie, toute son application et toute sa détermination.
Je vous remercie de votre attention./.
Discours prononcé par l’Ambassadeur de France à Madagascar, M. François Goldblatt, à l’occasion de la Fête nationale française à la Résidence de France, le mardi 14 juillet 2015
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les Présidents d’institutions,
Mesdames et Messieurs les membres du gouvernement,
Mesdames et Messieurs les députés,
Monsieur le Doyen du Corps diplomatique,
Mesdames et Messieurs les membres du corps diplomatique,
Mesdames et Messieurs les conseillers consulaires,
Mes chers compatriotes,
Il y a de cela un demi-siècle, alors que la France connaissait, depuis vingt ans déjà, le prodigieux essor de ce que l’on désignera plus tard comme la période des Trente Glorieuses, l’écrivain et académicien Georges Duhamel, celui que le général de Gaulle avait qualifié, dans ses « Mémoires de Guerre », de « secrétaire perpétuel, illustre et courageux » au regard de son action pendant la période de Vichy, s’adressa à la jeunesse de France dans les termes suivants :
« Mes enfants, mes amis, j’ai fait cette nuit un rêve étrange et beau. Je me promenais dans l’espace infini du monde, quand j’aperçus tout à coup l’âme d’un petit garçon qui allait naître. Ce petit garçon me dit qu’il pouvait choisir le lieu de sa naissance et il me demanda gentiment des conseils. ‘Je connais, lui répondis-je, un beau pays. Il est situé à la pointe occidentale d’un grand continent. Il n’est pas écrasé par le soleil, ni engourdi toute l’année sous la neige : il jouit du froid et du chaud avec modération. Il est couvert de cultures bien soignées et de forêts verdoyantes. On peut y trouver, en même temps, des sapins et des orangers. Il est arrosé par des fleuves puissants et raisonnables. Il produit tout ce qui est nécessaire à la nourriture d’un grand peuple, et ses habitants préparent toutes les boissons qui peuvent égayer les repas et désaltérer les travailleurs.
‘Il est ouvert sur quatre mers et envoie ses navires dans le monde entier. Il est parcouru par de belles routes, par des voies ferrées, par des canaux. Tous les grands avions de la terre viennent se poser sur ses aérodromes. Quand on le voit, ce pays, du haut du ciel, il apparaît merveilleusement ordonné. Le sol est partagé en milliers de parcelles. Tous les villages ont leur église et leur château. Les plaines sont vastes et fertiles ; mais les montagnes qui s’élèvent dans certaines régions sont parmi les plus hautes et les plus majestueuses de l’Europe.
‘Ce pays privilégié a, dans la suite des siècles, suscité la convoitise des peuples voisins et même de hordes venues de loin. Il a connu souvent les invasions et il a dû subir de cruelles épreuves. N’importe. Héritier des plus illustres civilisations méditerranéennes, inspiré par la Grèce et par Rome autant que par son vieux terroir, il a groupé des peuples divers qui ont conservé parfois leurs traditions et leur langage tout en respectant et en honorant l’unité nationale, œuvre des rois qui, pendant des siècles, ont gouverné la nation et l’ont soustraite aux coutumes féodales. Le premier dans les temps modernes, le premier des grands Etats d’Occident, il a fait de hardies expériences politiques et sociales ; il a cherché, dans le régime républicain, certaines solutions aux problèmes des temps nouveaux.
‘Comme le peuple de ce pays avait une haute idée de la civilisation qu’il représente si bien, il s’est répandu sur les mers et sur les continents, dans le dessein d’instruire les autres peuples, de les aider à s’élever, de les aider à conquérir, plus tard, l’indépendance.
‘Or, on ne s’élève que par la culture intellectuelle et morale. Le pays dont je résume ici la noble aventure, mon cher enfant, a produit, pendant plus de mille ans, des saints, des chefs, des héros et des maîtres. Sa contribution à la civilisation universelle est considérable. Il se sert d’une langue magnifique et difficile qui, maniée par d’incomparables poètes, écrivains et philosophes, est et demeurera l’un des trésors du monde. Il a engendré des musiciens, des peintres, des sculpteurs, des architectes fameux, des savants exemplaires.
‘Maintes inventions, accomplies sur son sol, ont profondément transformé la vie des sociétés humaines. On n’imagine pas le monde sans la libre activité du peuple qui habite ce pays, qui l’aime, le célèbre et ne cesse de l’illustrer.
"Comment s’appelle donc, dit l’âme de l’enfant, ce pays où je voudrais naître, vivre et travailler ?"
"C’est la France, mon cher petit", répondis-je ».
Daté, ce vibrant hommage à la France éternelle de l’académicien Georges Duhamel l’est à l’évidence. Irénique, ce panégyrique de notre cher et vieux pays l’est assurément. Ce que l’époque permettait encore, à savoir, affubler la France d’une mission civilisatrice encore tenue en haute estime par une frange de l’intelligentsia, et, par voie de conséquence, la considérer comme l’une des nations indispensables à la paix, à la justice, à la connaissance et à la culture, la mondialisation et ses lois inexorables ne semblent plus l’autoriser.
Et pourtant.
Confrontée, comme les autres nations européennes, à la sombre prédiction exprimée par Paul Valéry au lendemain de la Première guerre mondiale, la France ne se résout nullement à ne plus être, selon la formule de l’auteur de « La crise de l’esprit », qu’ « un petit cap du continent asiatique ». Aujourd’hui comme hier, quand bien même l’histoire du monde ne se joue plus seulement autour des calculs et des intérêts d’une demi-douzaine de nations, l’ambition française, qui, pourtant, affronte quotidiennement les aspirations concurrentes de près de deux cents Etats membres des Nations unies, ne relève pas du domaine du songe rapporté il y a un demi-siècle par Georges Duhamel. Bien au contraire, même les faits les plus têtus permettent de soutenir la thèse de l’actualité, de la vitalité et de la pérennité de l’ambition française.
Première destination en Europe des investissements étrangers créateurs d’emplois dans le secteur industriel, première destination touristique mondiale, dotée du premier aéroport européen pour le transport de fret et du deuxième pour le transport de passagers, deuxième nation au monde derrière les Etats-Unis pour l’internationalisation de ses grandes entreprises, deuxième Etat de la planète pour l’étendue de son réseau diplomatique, deuxième nation au monde pour le nombre de grandes entreprises classées parmi les cent premières de la planète, deuxième marché d’Europe par le nombre d’habitants, troisième pays au monde pour l’accueil d’étudiants étrangers, troisième également pour l’adéquation des infrastructures de santé aux besoins de la société, quatrième exportateur mondial de services, sixième nation la plus riche du monde, sixième exportateur mondial de biens, sixième pays au monde pour la productivité horaire du travail, la France, aujourd’hui comme hier, tient tête, en dépit de discours souvent défaitistes tenus à l’intérieur même de ses frontières, à une mondialisation qui, pourtant, ne fait pas de quartier.
Certes, vu d’Europe, nous assistons, médusés mais non impuissants, à un grand basculement de l’histoire. Ce dont, vu d’Europe, nous sommes aujourd’hui les témoins, fébriles et inquiets mais néanmoins forts de nos ressources démocratiques, intellectuelles et industrieuses, ce n’est rien de moins que le retour à une répartition de la richesse mondiale que la planète avait connue entre le XIIIème et le XVIIIème siècles, avant que la révolution industrielle ne vienne, pour une brève parenthèse qui n’aura, en définitive, duré que deux siècles et demi, bousculer l’ordre du monde tel que nous le connaissions. Ce retour à l’ordre ancien, préexistant à ce que 250 ans de domination européenne nous ont fait passer pour un ordre éternel, ressurgit sous nos yeux. Nous assistons à la résurrection d’un ordonnancement et d’un arrangement du monde qui, pendant un demi-millénaire, avait vu les deux grandes nations d’Asie représenter à elles seules plus de la moitié de la richesse créée à la surface du globe. Cet ordre ancien, dont nous avions fini par oublier les caractéristiques, faisait de la France de Louis XIV, une France pourtant à l’apogée de sa puissance militaire et démographique, une économie représentant une fraction seulement de la taille de l’économie chinoise sous les premiers empereurs de la dynastie Qing ou de celle de l’économie indienne du temps de l’empereur moghol Aurangzeb.
Ce grand basculement constitue certes, pour la France comme pour les autres nations européennes, un gigantesque défi, un défi dont l’ampleur même tétanise une partie de l’opinion française et européenne, parfois tentée par le renoncement, le déni et le refus d’affronter ces nouvelles réalités.
Et pourtant.
Si, face aux nouveaux géants de l’économie mondiale, la France et l’Europe ne peuvent plus prétendre jouer les tout premiers rôles quant à leur capacité à accumuler quantitativement les facteurs de production, elles conservent néanmoins, au plus profond d’elles-mêmes, tel un gène constitutif, la ressource précieuse et rare d’un indéfectible attachement aux valeurs qui les ont fondées. Parmi ces valeurs, une place à part doit être réservée, dans l’ordre du politique, à la quête de la justice, et, dans l’ordre intellectuel, à la quête de la connaissance. La justice selon Platon, Locke, Voltaire et Montesquieu. La connaissance selon Copernic, Bougainville, Lavoisier et Pasteur.
Ce lien existentiel entre la culture politique et intellectuelle européenne d’un côté, et la quête de la justice et de la connaissance de l’autre, rend nos nations européennes héritières d’obligations incontournables et porteuses de messages à vocation universelle. Ces obligations et ces messages ont fait de l’Europe ce qu’elle est devenue, et lui ont donné le visage que nous lui connaissons : les fondements de la démocratie tels que la Grèce nous les a enseignés ; le droit écrit tel que Rome nous l’a légué ; le christianisme comme socle spirituel et facteur structurant de la société et de la famille ; l’université comme temple de la connaissance ; l’esprit des Lumières comme idéal de justice et de liberté individuelle ; l’apprivoisement du capitalisme comme facteur de développement et de prospérité ; l’exigence d’une paix durable comme legs de deux conflits mondiaux épouvantablement meurtriers. C’est bien à tout cela que renvoie, dans le Traité de Lisbonne qui régit désormais le fonctionnement de l’Union européenne, la mention des « héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe ».
Alors, ces héritages, qui ont produit le plus spectaculaire développement des sociétés humaines que le monde ait connu jusqu’à présent, nous autres, nations européennes, cherchons à le partager. Parce que, en dépit de toutes les adversités et de tous les accidents de l’Histoire, cet héritage nous a si bien réussi, nous cherchons, sans pour autant vouloir l’imposer, à le partager le plus largement possible.
Nous cherchons à le partager, tout particulièrement et plus prioritairement, avec celles des nations avec lesquelles nous entretenons les liens les plus anciens, les plus forts et les plus étroits. Nous cherchons à le partager, non pas pour dominer ou pour exploiter, mais pour favoriser la plus large diffusion, partout dans le monde, des idéaux et des valeurs qui sont les nôtres : paix, liberté, justice, sécurité, prospérité.
Pour autant, l’apprivoisement de cet héritage ne va pas sans efforts ni contraintes. L’incorporation de cet héritage, lui-même fruit de siècles de patiente construction et évolution, nécessite, chez ceux qui veulent en expérimenter les bienfaits, une discipline sincère et pérenne.
Tel est bien, Monsieur le Premier ministre, le sens des messages appuyés que la France a tenté de faire résonner ici, dans ce pays, des messages qui n’ont jamais eu d’autre ambition que de permettre à la Grande Ile d’emprunter le chemin le plus sûr, le plus direct et le plus durable sur la voie de son redressement. Et, pour parvenir à bon port au terme de ce chemin, il doit y avoir, de part et d’autre, respect et écoute.
Or, à cet égard, comme bien souvent, le passé nous éclaire. Il y a de cela bien longtemps, alors que le monde était sur le point de quitter les rivages de l’ère archaïque pour aborder la période de l’antiquité classique, l’empereur Darius dépêcha un messager auprès de Sparte. Ce messager était porteur de nouvelles qui cadraient mal avec les vues de la Cité-Etat. N’écoutant que son instinct, Sparte, mécontente du message, précipita le messager au fond d’un puits.
Nous étions en l’an 491 avant Jésus-Christ. Le cours de l’Histoire n’en fut pas modifié. Vingt-cinq siècles plus tard, la vertu même des messages sincères demeure, aujourd’hui comme hier, de mettre en garde, en temps utile, quant à l’inéluctabilité de certains processus. De même que le messager doit naturellement endosser la responsabilité du contenu de son message, le destinataire du message conserve évidemment celle d’assumer la souveraineté inhérente à ses choix. Chacun ayant, en responsabilité, assumé sa liberté, l’Histoire jugera du meilleur chemin emprunté vers la justice et la connaissance.
Dans cette attente, qu’il me soit permis, en ce dernier 14 Juillet, de former le vœu d’un dialogue sincère et ouvert entre nos deux pays, une sincérité et une ouverture sans lesquelles nous cheminerons, hélas, beaucoup plus lentement et infiniment plus difficilement, alors que tant et tant d’urgences, tout particulièrement à Madagascar, nous interpellent. Sauf à faire nôtre la philosophie pessimiste de l’Ecclésiaste, et à nous résoudre, en conséquence, à la futilité de tout effort humain pour influer sur notre avenir, l’héritage des Lumières, celui que le peuple de Paris s’appropria, avec tant d’éclat et de résonance universelle, un matin de juillet 1789 et proposa au monde, six semaines plus tard, de codifier dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, nous oblige, au contraire, à tirer parti de tout ce que nous avons appris depuis Locke et Montesquieu. Les principes et les méthodes qui ont si bien réussi à l’Europe et aux nations qui les ont fait leurs, produiront ici aussi, comme ce fut le cas partout ailleurs où ils ont été appliqués avec constance, sincérité et détermination, leurs effets éminemment positifs.
Tel est bien le sens du message ultime que je souhaite partager avec vous : contrairement à des légendes tenaces savamment entretenues, il n’y a ici, en définitive, ni énigme à solutionner, ni rébus à déchiffrer, ni mystère à élucider. Il y a, plus prosaïquement, et plus simplement, si l’on veut bien s’en donner les moyens, une équation à résoudre, de manière posée et rationnelle, une équation dont les paramètres sont connus de tous, avec en ligne de mire une issue dont le caractère satisfaisant ou non dépendra de la mise en œuvre, plus urgente que jamais, de quelques grands principes incontournables. Pour m’en tenir à l’essentiel, et pour ce qui relève de la préservation des grands équilibres financiers, qui restent au cœur de la problématique du développement, et sans lesquels un réel rebond de l’économie de ce pays ne pourra s’amorcer, seul un effort résolu en vue de démultiplier l’assiette fiscale, et un élan tout aussi nécessaire à même de faire de la Grande Ile une terre d’accueil privilégiée pour les investissements étrangers, permettront d’inverser les tendances préoccupantes auxquelles nous assistons. En l’absence de résultats d’envergure sur ces deux piliers, les discours sur le redressement économique et la lutte contre la pauvreté resteront dépourvus de tout effet utile. Tel est bien, du reste, Monsieur le Premier ministre, et je tiens à vous en rendre hommage, le sens des efforts que, avec beaucoup de juste obstination, vous déployez à la tête du gouvernement.
A cet égard, et contrairement, là encore, à une légende tout aussi tenace, cette parole, ce message, cette exhortation ne sont nullement l’apanage de la France. Ecoutons à ce propos ce que disait à la presse, il y a moins d’un mois, l’administratrice générale du PNUD, à l’issue de son séjour à Madagascar et de l’examen approfondi de la situation politique, économique et sociale du pays auquel elle a pu procéder : « Il est temps maintenant d’agir », a affirmé Mme Hélène Clark, grande figure s’il en est du système des Nations unies, évoquant l’indispensable réforme des finances publiques, l’incontournable lutte contre la corruption, et le nécessaire combat contre les trafics d’animaux et de bois précieux : « Il est maintenant très important que les réformes soient réalisées. Beaucoup de choses en dépendent : l’accord de prêt du FMI, le réengagement total des bailleurs. Il est question d’une conférence des donateurs à Paris à la fin de cette année. Les gens ont besoin de voir que Madagascar met en œuvre les réformes nécessaires pour son développement ».
Au moment où une page se tourne, je vous le demande avec insistance : l’ambassade que j’ai eu l’honneur de diriger au cours des trente derniers mois a-t-elle dit autre chose que cela ?
Au final, vous l’aurez compris, le messager peut changer, mais le message demeurera invariablement le même : plus que jamais, le passage à l’acte sur la voie des indispensables réformes reste urgent et nécessaire. Demain, comme hier et comme aujourd’hui, et si les autorités de la Grande Ile le souhaitent, la France se tiendra prête à y contribuer, avec toute son énergie, toute son application et toute sa détermination.
Je vous remercie de votre attention./.