Fêter une majorité relative et l’anniversaire d’un « parti cocotte-minute » sans longévité Les diplomates sont accusés de plusieurs chos...
Fêter une majorité relative et l’anniversaire d’un «parti cocotte-minute» sans longévité
Les diplomates sont accusés de plusieurs choses pas du tout belles: «Douce incompétence», duplicité, fourberie, roublardise (on parle de «maladie diplomatique pour ne pas dire “faux prétexte” et “maladie imaginaire”»), et on connaît le mot de Sir Henry Wotton (Angleterre, 1568-1639), qui avait été fatal à sa belle carrière de diplomate: «Un Ambassadeur est un honnête homme envoyé à l’étranger afin de mentir pour le bien de son pays». Pourtant, les diplomates ont une sagesse qu’on ne retrouve pas ailleurs: ils n’aiment pas qu’à l’issue d’une négociation, on parle de «victoire» et d’«échec». Ils aiment avoir le triomphe modeste au lieu de tenter de s’étrangler comme des joueurs d’une équipe de football qui vient de marquer un but. Malheureusement, l’UPDC, le fameux «parti cocotte-minute» naguère surnommé «Rats des Comores» par le Vice-président Fouad Mohadji, connu pour le mordant de son sens de la formule charnelle et virile, n’a rien compris de cette nécessaire modestie face à la victoire, surtout quand il s’agit d’une victoire limitée.
Car, l’UPDC n’a pas la majorité absolue (50% plus d’autres voix) à l’Assemblée de l’Union des Comores, mais une majorité relative, celle qui consiste à être placé en tête sans avoir dépassé le cap des 50%, même si c’est pour dépasser le parti politique suivant d’un quart de huitième de voix. Or, aujourd’hui, que voyons-nous si ce n’est une invitation se présentant sous forme de racket par laquelle le fameux «parti cocotte-minute» convoque (et non «invite») les gens à assister à la célébration de «sa victoire» et à son anniversaire ce samedi 14 mars 2015. Il s’agit exactement de quelle «victoire», s’il-vous-plaît, quand on a vu l’État user de procéder crapuleux pour faire élire ses maquignons, branquignols, godelureaux et paltoquets, quand on a vu l’État dépenser l’argent du peuple pour faire élire frauduleusement des fraudeurs et autres mauvais garçons, quand on a vu l’État distribuer des sacs de riz aux électeurs, quand on a vu l’État dans l’incapacité de faire établir des cartes d’électeurs et les distribuer à la population, quand on a vu l’État frauder sur l’établissement des listes électorales bâclées, quand on a vu l’État dans le refus de sanctionner un de ses candidats à la députation qui a une identité en France qui n’est pas celle qu’il utilise aux Comores, quand on a vu l’État refuser de sanctionner la circulation de 11.000 fausses procurations, soit la moitié de l’électorat de Mohéli, quand on a vu l’UPDC promettre des emplois fictifs à des dizaines de Comoriens dont on voulait orienter le vote, et qu’on recrutait même le temps d’une élection? C’est ce qu’on va célébrer? Comment oublier cet éminent Professeur d’Économie qui, au Maroc, disait à ses étudiants, dont des Comoriens: «Quand on est nu, on ne cherche pas une bague en or, mais un slip pour cacher sa nudité».
L’UPDC ne sait pas cacher sa nudité, et se livre à un spectacle grandguignolesque et honteux ce samedi 14 mars 2015, à un moment où le pays végète dans les bas-fonds d’une indépendance complètement ratée depuis le 6 juillet 1975. Il est nécessaire de se rappeler cela parce les malheurs d’aujourd’hui datent d’hier, comme on peut le lire dans le document officiel Bernard Vinay et Chantal Vie: La situation financière de la République fédérale islamique des Comores (Rapport Vinay), Inspection générale des Affaires d’Outre-mer, Paris, 1982: «Il ne faut pas se cacher que les maux étant tellement graves et profonds, ce n’est pas de la médecine traditionnelle que relève le pays, mais de la chirurgie d’urgence», «Le pays n’est pas au bord du gouffre. Il est dedans», «Le pays vit très largement au-dessus de ses moyens», «Une situation financière inquiétante», «Le déficit budgétaire a épuisé la Trésorerie publique», «Des sociétés d’État ou d’économie mixte en état de cessation de paiement ou à la veille de l’être», «Un laxisme généralisé». C’était en 1982. Oui, c’était en 1982, quand Ahmed Abdallah, le Père de l’Indépendance, était encore Président de la République des Comores.
On dirait que rien n’a changé depuis. L’UPDC est en train de nocer alors que le pays croule sous le poids des problèmes constitutionnels, institutionnels, socioéconomiques et sociologiques, pendant que les chefs des villages et des quartiers sonnent aux portes de la République, en faisant tout pour les défoncer. Cela n’est pas sans rappeler l’Empereur Néron jouant de la lyre pendant que Rome brûlait. D’ailleurs, c’est à lui qu’on attribue l’incendie en question. Ces gens de l’UPDC devaient comprendre qu’on ne fait la fête dans un pays en ruines, dans un pays en panne d’idées politiques réalistes et réalisables, dans un pays en manque d’imagination, dans un pays qui ne voit pas de perspectives à l’horizon, dans un pays où la jeunesse se morfond dans le désespoir le plus profond, dans un pays dont les adultes voient leur vie s’arrêter à 22 ans quand ils débutent un processus mental devant les aider à comprendre les réalités du monde, dans un pays où, pour se soigner, il faut aller à l’étranger, donc disposer de beaucoup d’argent et d’un statut socioprofessionnel permettant l’obtention d’un visa, dans un pays où les plus kleptocrates des dirigeants sont considérés comme les meilleurs des hommes, dans un pays qui s’apprête à célébrer 40 ans d’échec sous couvert d’une indépendance au rabais, dans un «État mort-né».
L’UPDC a vraiment perdu une bonne occasion de se taire et de montrer discrète. Naturellement, au lieu du rassemblement de la faune politique de ce «parti cocotte-minute» ce samedi 14 mars 2015, un juge consciencieux pourrait faire sensation et distribuer jusqu’à 5.000 ans d’emprisonnement dans la foule, malgré la présence de certaines personnes honnêtes. Il y a des fois, on se dit que la dictature est plus supportable que l’arrogance. Et l’UPDC fait de l’arrogance narcissique. Il ne serait pas mauvais pour ses dirigeants d’apprendre ce mot de la Bible: «L’humilité précède la gloire, et l’orgueil la chute». Jamais à l’aise dans les histoires et magouilles des partis politiques, le Président Ikililou Dhoinine n’a que faire de l’UPDC, et si le 26 mai 2016 il quitte la Présidence de la République pour rentrer chez lui à Mohéli, il ne voudra même pas qu’on lui en parle. Il ne s’en souviendra même pas. Ceux qui ne croient pas cela verront ce qui se passera alors. L’UPDC est un gadget politique qui dure le temps que durent les roses. Pourquoi alors faire tout ce flafla, chichis et ce ronronnement de chats de gouttière? Et pourquoi faudra-t-il payer 5.000 francs comoriens pour assister à l’anniversaire débile d’un parti politique débile, dont la vie va s’arrêter le 26 mars 2015?
En même temps, nous ne devons pas avoir la mémoire sélective parce qu’en 2014, alors que le Parti unipersonnel des Consanguins et de la Consanguinité politique d’Ahmed Sambi voulait célébrer son premier anniversaire dans un domicile privé, on le lui avait interdit. Oui, dans un domicile privé, celui du Prince Saïd Ibrahim Ben Saïd-Ali, à Moroni. Alors, comment ça se fait que l’UPDC soit autorisée à faire bombance, avec l’argent du peuple comorien en plus? Ça ne fait pas sérieux. Cette somme de 5.000 francs que les gens doivent débourser pour assister à «la chose» correspond à une rançon ou à une somme versée à un bordelier, et ceux qui paieront ne le feront que pour être vus en train de fêter avec le Vice-président Mohamed Ali Soilihi, Mohamed Halifa, l’«individu-État» Nourdine Bourhane, Mohamed Abdou Soimadou et autres chefs de cette chose innommable. Est-ce que Hamada Madi Boléro va y assister? En tout état de cause, cette célébration tombe mal, car à un moment où le pays n’arrive pas à sortir la tête de l’eau. Ce n’est pas de cette façon que les dirigeants comoriens pourront affirmer leur sens des responsabilités. Mais, en ont-ils? Ce n’est même pas une question à poser.
Par ARM
© www.lemohelien.com – Samedi 14 mars 2015.