Ali Toihir Mohamed dans la bouche de Mohamed Ali Soilihi, devant une délégation chinoise « Les démocraties ne sont pas glorieuses », ...
Ali Toihir Mohamed dans la bouche de Mohamed Ali Soilihi, devant une délégation chinoise
«Les démocraties ne sont pas glorieuses», avait coutume de dire dans un soupir un grand diplomate français de la fin du XIXème siècle et du début du XXème. Cela montre les limites de la démocratie, là où elle existe vraiment, et ce n’est pas en évoquant ces limites qu’on pourrait prétendre que les Comores sont ce qu’elles sont parce que même «les démocraties ne sont pas glorieuses». Ne cherchons pas de faux prétextes, et regardons la vérité en face. Cette vérité n’est pas belle à regarder. Pour tout dire, cette vérité n’est pas belle à regarder parce que la République comorienne a les mains sales, la mémoire souillée, meurtrie et tronquée, et l’ingratitude chevillée au corps. La République comorienne est froide comme la mort, et n’a pas ses héros, parce qu’elle aime les enterrer jeunes et vivants. Et, le 25 mars 2015, à l’occasion de la célébration du 7ème anniversaire du débarquement libérateur d’Anjouan, de nombreux jeunes Comoriens ont écrit des articles d’indignation et de colère parce qu’ils estiment que le Général Salimou Mohamed Amiri est leur héros, le héros national des Comores, le héros de la libération d’Anjouan d’une dictature débile et brutale, mais un héros national que les autorités originaires d’Anjouan hier et de Mohéli aujourd’hui s’acharnent à ignorer et à tuer à petit feu dans une indifférence malveillante et machiavélique. Certains des articles parvenus au site www.lemohelien.com sur le sujet sont impubliables en l’état tant leur auteurs laissent exprimer une colère volcanique qui verse dans l’injure, l’insulte, la menace et l’invective.
C’est pourtant le moment qu’a choisi le Vice-président Mohamed Ali Soilihi pour évoquer le nom d’un grand commis de l’État comorien, Ali Toihir Mohamed, l’homme de Mitsamiouli, en rappelant qu’il est le paysan-laboureur des relations entre les Comores et la Chine. Le Vice-président Mohamed Ali Soilihi a fait cette évocation de la plus belle des manières car il a choisi la visite d’une délégation officielle de la République populaire de Chine à Moroni ce lundi 30 mars 2015 pour rappeler un fait généralement ignoré de l’écrasante majorité des Comoriens. Cette délégation chinoise était conduite par Wang Jiarui, ministre du Département de Liaison internationale du Comité central du Parti communiste chinois, et Vice-président du Comité national de la Conférence consultative politique du peuple chinois.
Ce qui est intéressant et remarquable dans l’œuvre accomplie par Ali Toihir Mohamed s’agissant de l’établissement des relations officielles entre les Comores et la République populaire de Chine, c’est qu’il a signé les accords entre les deux États le 13 novembre 1975, soit 2 jours seulement après l’admission des Comores aux Nations Unies, dans un contexte diplomatique particulièrement difficile, celui de la guerre froide et de la fâcherie entre les Comores et la France au lendemain du 6 juillet 1975, date de proclamation unilatérale des Comores par le Président Ahmed Abdallah à la Chambre des Députés.
La chose n’a pas manqué de flamboyance et de panache. Depuis, la République populaire de Chine, qui a reconnu l’État des Comores dès son accession à l’indépendance, est aux côtés des Comores, réalisant de nombreux projets. La grande fausse note de cette coopération réside dans le refus de la Chine d’aider les Comores par un vrai transfert de technologie, puisque l’Empire du Milieu fait venir même ses ouvriers de Pékin, et les Comoriens sont juste bons à prendre possession de réalisations dont ils ne savent strictement rien. Même la construction du port tant attendu de Mohéli se fera sans les Comoriens. Ce qui est hautement dangereux car, quand, au bout d’un certain temps, les Comoriens devront gérer eux-mêmes cette infrastructure portuaire un jour, cette lourde machine se transformera en un immense tas de ferrailles, et logiquement un éléphant blanc, un projet pharaonique à l’utilité douteuse et à la rentabilité nulle. Pourtant, les autorités comoriennes ne peuvent pas clamer leur innocence dans l’affaire puisque, même si les autorités chinoises aux Comores aiment les cachotteries et la discrétion, il n’en demeure pas moins vrai que les dirigeants comoriens n’échappent pas à leur redoutable réputation de redoutables voleurs de poules et autres volailles et choses. Exagération? Que nenni.
À cet égard, le témoignage d’Alain Deschamps, Ambassadeur de France aux Comores de 1983 à 1987, est tout simplement accablant, même s’il ne comporte aucune dose de malveillance et d’exagération: «Mais il y a les Chinois! La République populaire de Chine avait, à l’époque d’Ali Soilihi, ouvert à Moroni une ambassade qui, depuis la fin brutale de la révolution culturelle comorienne, n’avait plus grand-chose à faire. Certes la construction du Palais du Peuple avait occupé un temps ses diplomates. Bien entendu, elle n’avait pas été confiée aux Comoriens, jugés incapables de tout travail un peu sérieux mais en revanche fort habiles à détourner ciment, fer à béton, outils et boulons. On avait donc eu recours à des ouvriers chinois, sans doute, triés sur le volet, mais dont il fallait néanmoins chauffer le zèle et vérifier la rectitude idéologique»: Alain Deschamps: Les Comores d’Ahmed Abdallah. Mercenaires, révolutionnaires et cœlacanthe, Éditions Karthala, Collection «Tropiques», Paris, 2005, pp. 34-35.
Ce jugement n’est pas charitable envers les dirigeants comoriens, et depuis, ces scélérats n’ont pas abandonné leurs habitudes de kleptocrates professionnels volant l’argent caché dans le soutien-gorge de leurs propres mamans. Il faut dire que l’abominable et déplorable spectacle d’autorités comoriennes volant du ciment chinois au port de Moroni n’est pas fait pour leur donner de la crédibilité aux yeux de la communauté internationale. En tout état de cause, à un moment où les Comores et la Chine s’apprêtent à célébrer les 40 ans de leur coopération, l’évocation du nom d’Ali Toihir Mohamed par une haute autorité de la République ingrate était une nécessité mémorielle, surtout à un moment où les Comores n’ont ni diplomatie, ni chef de la diplomatie. En même temps, on constate que même si la plupart des «dinosaures et mammouths» comoriens, reconvertis dans la «notabilité» prédatrice et déstabilisatrice, n’ont rien apporté de bien au pays, d’autres cadres, comme Ali Toihir Mohamed, ont laissé derrière eux un souvenir qui gagnerait à être mieux connu et exploité. Mais, qui le fera dans des Comores en panne d’idées au sein de l’appareil d’État et vivant dans la haine et la détestation?
Par ARM