Discrédit total des partis politiques par l'explosion des candidatures sans attaches partisanes Maoulida Mbaé de La Gazette des C...
Discrédit total des partis politiques par l'explosion des candidatures sans attaches partisanes
Maoulida Mbaé de La Gazette des Comores vient de soulever un important problème qui doit interpeller les spécialistes de la Science politique et de la Sociologie politique. Il expose les données de ce problème dans les termes suivants: «C'est une explosion de candidats indépendants à la triple élection que l'on peut constater, après la publication par la CÉNI de la liste provisoire des candidats aux élections harmonisées: les législatives, les conseils des îles et les communales. Ils sont en tout plus de 72 candidats sur 208 uniquement aux législatives, 34 prétendants aux Conseils des Îles et une cinquantaine de têtes de liste aux communales. Un phénomène qui prend une ampleur particulière dans les grandes villes du pays, aussi bien à Moroni qu'à Mutsamudu et Fomboni. À Mutsamudu, Ouani, Domoni et dans le Nyumakelé, ils sont en tout 18 à se présenter au suffrage universel.
À Moroni, ils sont cinq prétendants et à Fomboni, deux, parmi lesquels une femme qui s'était présentée aux présidentielles de 2010, Zaharia Saïd Ahmed». Après avoir fait état de ses statistiques, Maoulida Mbaé en vient à la question qui se pose tout naturellement: «Simple phénomène ou s'agit-il de rejet des partis politiques?». Houmed Msaïdié, Président du Parti RADHI, fait tout pour minimiser la montée des «Sans appartenance politiques» (SAP), comme on les appelle au Maroc. Or, justement, au Maroc, le Rassemblement national des Indépendants (RNI) était formé d'élus sans aucune appartenance politique qui, à l'issue des élections législatives de 1977, étaient majoritaires au Parlement, après l'usure des partis traditionnels. Ce qui permet de constater que le plus grand parti politique au Maroc à la fin des années 1970 était celui des Sans appartenance politique. Il ne s'agit pas de comparer deux contextes nationaux, historiques et politiques différents, mais de tirer les leçons de la désaffection qui frappe les partis politiques, qui ne mobilisent strictement personne, n'intéressent personne et ne jouissent de la confiance de personne. C'est d'une bouffonnerie grandguignolesque…
Justement, il fut un temps aux Comores, des années 1950 aux années 1970, quand on était membre du Parti Vert, on ne devenait pas membre du Parti Blanc, et même si ces deux partis n'existent plus, on constate que ceux qui faisaient de la politique au cours de cette période se caractérisaient par leur fidélité à leurs origines et attaches partisanes. De fait, la transhumance politique était complètement inconnue à l'époque, et cela rehaussait le prestige et la crédibilité des partis politiques. Au cours de cette période charnière et exaltante, un mari pouvait «sortir de la maison» après avoir constaté que sa belle-famille restait fidèle au parti adverse, et on pouvait dire à son gendre ou à son beau-frère que s'il restait fidèle à son parti politique, il devait se préparer à récupérer ses affaires personnelles et aller ailleurs. À Mohéli, où on prend trop à cœur la politique, des cicatrices politico-matrimoniales des années 1960-1970 refusent toujours toute forme de cicatrisation. Ils sont comme ça, les Mohéliens, quand il s'agit de politique. Ils sont trop passionnés et sanguins.
Aujourd'hui, aux Comores, les partis politiques correspondent à quelles réalités politiques? À rien. Dès lors, quand on pose la question de leur entrée au sein des appareils de partis, les vraisintellectuels comoriens sont très méfiants et préfèrent ne pas prendre des risques. Quand on leur pose la question sur leur méfiance à l'égard des partis politiques, ils répondent à l'unisson que ces derniers ne sont pas des structures fiables et crédibles et ne sont pas dirigés par des gens fiables et crédibles. Comment leur donner tort quand on voit un leader d'un parti «d'opposition» faire la manche politique à force d'œillades d'amour qu'il adresse à un gouvernement qu'il est censé combattre? Comment un intellectuel digne de ce nom peut-il prendre le risque d'aller se faire ridiculiser en adhérant au RADHI du respectable et honorable Houmed Msaïdié, si c'est pour constater que du jour au lendemain, ce parti sur lequel reposaient de nombreux espoirs de relance de la politique aux Comores, est devenu un parti de la majorité mais qui se réclame d'une «opposition» qui n'existe pas? Comment inciter un sceptique à rejoindre tel parti politique qui était censé être un parti de cadres, mais qui ne devait servir en réalité qu'à préparer une adhésion clandestine et subreptice desdits cadres au parti de Papa et de Tonton? Quand on pose la question au diplomate Alloui Saïd Abasse, il répond sans hésiter: «Je compte beaucoup d'amis parmi les politiciens et parmi les chefs e partis politiques. Mais, quand ces chefs d'organisations politiques me demandent de les rejoindre dans leurs structures partisanes, je leur réponds: "Non, merci". Quand je m'étais présenté à la députation en 2009, je l'avais fait en tant que candidat indépendant, alors que si je m'étais placé sous le parasol d'un parti politique, j'aurais bénéficié d'une logistique et d'une aide multiforme. Justement, si j'insiste sur la nécessité de faire émerger une force politique alternative aux Comores, notamment en vue des élections présidentielles de 2016, c'est pour exprimer ma méfiance à l'égard de partis politiques qui ne se soucient pas des problèmes des Comoriens et qui ne se soucient pas de les régler».
Le jugement est très sévère, mais il est entièrement fondé. Les partis politiques comoriens sont des carcans inutiles et des carcasses d'hyènes. Ils n'ont même pas de mots d'ordre pour amuser le tapis. L'analyste politique Saïd-Omar Allaoui en vient même à déclarer qu'«un opposant dans les Comores d'aujourd'hui est un homme qui a faim parce qu'il n'est pas associé au pouvoir et qui attend sa cooptation par le pouvoir politique en place pour tourner casaque». Autrement dit, l'appartenance politique ne signifie rien aujourd'hui. On meurt de rire quand on écoute l'homme Mohamed Saïd Fazul, ancien Président de l'Île autonome de Mohéli et principal challenger du candidat Ikililou Dhoinine lors de l'élection présidentielle de 2010, expliquer les raisons pour lesquelles il est devenu l'allié politique d'Ahmed Sambi, qu'il a combattu avec détermination en 2010 quand l'ancien satrape ne voulait pas quitter le pouvoir. De même, Maître Fahmi Saïd Ibrahim, Président du Parti de l'Entente comorienne (PEC) et ancien ministre des Relations extérieures d'Ahmed Sambi, n'avait pas une bonne opinion du même Ahmed Sambi avant de devenir son allié politique en 2010. Pourtant, en 2016, Maître Fahmi Saïd Ibrahim pourrait devenir le candidat unique et officiel des crypto-sambistes à l'élection présidentielle. N'est-ce pas inquiétant tout ça?
Donc, si au cours des prétendues élections de 2015, on constate que de nombreux candidats refusent d'être chaperonnés par des partis politiques, c'est parce qu'ils n'en ont pas confiance. Pourtant, les partis politiques, ce n'est pas ce qui manque aux Comores, mais ils ne sont pas sérieux. Les leaders de ces carcans ne sont pas des gens sérieux et se comportent souvent en dictateurs de village, piétinant la susceptibilité et la personnalité de leurs partisans, ne leur laissant aucune latitude d'action.
ARM
© www.lemohelien.com – Jeudi 4 décembre 2014.
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