François Hollande sera le 28 novembre à Conakry, dans le cadre de la tutte contre Ebola. Depuis six mois Paris a gâché toutes les opportunit...
François Hollande sera le 28 novembre à Conakry, dans le cadre de la tutte contre Ebola. Depuis six mois Paris a gâché toutes les opportunités qu’il avait de participer activement à la lutte contre cette épidémie qui touche aujourd’hui le Mali, autre pays francophone.
C’est Annick Girardin qui
avait été désignée pour faire le job. Un travail a minima. La
secrétaire d’Etat chargée du Développement et de la Francophonie était
allée le 15 novembre jusqu’en Guinée forestière dans la région de
Macenta, l’un des épicentres d’Ebola. Plus de six mois après le début de
cette épidémie et pour inaugurer un «centre de traitement» d’une
quarantaine de lits.
Un bâtiment construit par MSF et géré par la Croix Rouge. C’était la première manifestation concrète, dans ce pays francophone, de l’engagement du gouvernement français. Et ce alors que les Etats-Unis (au Libéria) et le Royaume-Uni (en Sierra-Leone) déploient depuis plusieurs semaines une opération sanitaire militarisée.
«À la demande des Nations unies, à la demande de l’Europe, la France va jouer encore un rôle plus important ici, parce que nous avons proposé de renforcer notre soutien à la Guinée» a encore expliqué Annick Girardin. Un rôle plus important par rapport à quoi ?
«Depuis des mois, nous demandons à d’autres acteurs de s’impliquer, et sommes donc très heureux que la Croix Rouge Française se joigne aujourd’hui à la guerre contre Ebola», a répondu Marc Poncin, directeur des programmes Ebola de MSF en Guinée. C’est là un propos diplomatique qui en dit long sur l’analyse que peut faire de l’engagement français cette ONG présente et active depuis le début de l’épidémie.
L’inauguration (plusieurs fois retardée) du centre de Macenta et la prochaine visite du président de la République mettront-elles un terme à un semestre d’atermoiements français en Guinée?
Une période caractérisée par le désintérêt manifeste des responsables sanitaires françaises pour la réalité épidémique africaine. Caractérisée aussi par le refus gouvernemental d’engager, sur le terrain, des moyens militaires –un soutien pourtant réclamé par MSF (peu suspecte d’accointances avec les forces armées). On expliquait, de source militaire, ne pas avoir les moyens d’ouvrir un nouveau front, «humanitaire», compte-tenu des diverses opérations armées en cours.
Depuis près de huit mois les signaux se sont pourtant enchaînés, en France, qui auraient dû pousser l’exécutif à agir précocement au-delà des frontières. Ces signaux rythment ce que furent les occasions manquées, et le décalage entre le discours politique –insistant sur la nécessité d’agir en Afrique, et l’action politique –centrée sur la riposte à l’apparition de possibles cas sur le sol national.
Retour sur les occasions manquées par Paris:
Présente en Afrique de l’Ouest elle dispose toutefois dès cette période d’une série de données sanitaires qu’elle souhaite rendre publiques. C’est ainsi qu’elle juge nécessaire de publier un communiqué de presse pour signaler l’émergence d’un nouveau risque infectieux et épidémique. Elle renouvellera son initiative, en langue française à la mi-avril en proposant des contacts médicaux spécialisés.
Les responsables de la veille sanitaire française ne relaient pas cette alerte. Plus généralement, durant les mois qui suivent, l’ensemble de la communication est centralisée par le cabinet de la ministre de la Santé. Une politique dénoncée fin octobre dans le Journal du Dimanche par Patrick Zylberman titulaire de la chaire d’histoire de la santé à l’École des hautes études en santé publique.
Saluée par la communauté scientifique spécialisée, cette publication établissait que, pour la première fois, le virus Ebola était sorti de son berceau historique d’Afrique centrale et qu’il avait gagné l’Afrique de l’Ouest et des régions à haute densité de population. Cette donnée, et les risques associés -un fort potentiel dynamique épidémique- ne semble pas avoir été prise en compte par les responsables sanitaires français.
Le ministère français des Affaires étrangères tente une synthèse diplomatique des différentes actions françaises sur le sol africain: «La France est mobilisée depuis le début de la crise. Elle apporte un soutien technique et une expertise pour juguler l’épidémie. Nos ambassades, notamment en Guinée (également compétente pour la Sierra Leone) et au Liberia, sont en contact étroit et permanent avec les structures de veille sanitaire et de soins mises en place dans chacun de ces pays (…) La France soutient notamment le projet de laboratoire mobile de haute sécurité porté par l’Inserm en lien avec les Instituts Pasteur et Mérieux (…)». Un projet qui demeure aujourd’hui toujours en chantier.
Fin août, le Dr Mergo Terzian, Président de MSF France, est l’invité du journal de 13 heures de France Inter. Sans emphase, mais avec une violence contenue, il dit l’essentiel de la lecture politique de MSF. L’ONG est depuis cinq mois en première ligne sur le front de l’épidémie. MSF a annoncé dès le 24 juin que l’épidémie était hors contrôle. La communauté internationale n’a, alors, pas pris au sérieux cette «petite association de médecins». «Allons-nous regarder les Africains crever?» demande, en conclusion le Dr Terzian.
Pas de réponse.
Il confirme les informations données sur Slate.fr par le Dr Terzian: en guise d'hôpital militaire, le gouvernement français va, avec la Croix Rouge, installer un premier centre de soins en Guinée forestière, dans la région sanitaire de Masaka. «C’est, enfin, un premier geste qui doit être salué mais qui est à lui seul bien loin d’être suffisant», nous déclare le Dr Terzian. Le président de la République rend hommage au «travail remarquable» de Médecins Sans Frontières.
Le centre de traitement Ebola est enfin inauguré. Un «dispositif de rapatriement et d’accueil des volontaires» est aujourd’hui «opérationnel». «Deux autres centres de traitements doivent être discutés avec les autorités guinéennes, indique-on à Slate.fr auprès de la Direction Générale de la Santé. Ils reposeront sur des opérateurs ONG francophones».
Un bâtiment construit par MSF et géré par la Croix Rouge. C’était la première manifestation concrète, dans ce pays francophone, de l’engagement du gouvernement français. Et ce alors que les Etats-Unis (au Libéria) et le Royaume-Uni (en Sierra-Leone) déploient depuis plusieurs semaines une opération sanitaire militarisée.
«À la demande des Nations unies, à la demande de l’Europe, la France va jouer encore un rôle plus important ici, parce que nous avons proposé de renforcer notre soutien à la Guinée» a encore expliqué Annick Girardin. Un rôle plus important par rapport à quoi ?
«Depuis des mois, nous demandons à d’autres acteurs de s’impliquer, et sommes donc très heureux que la Croix Rouge Française se joigne aujourd’hui à la guerre contre Ebola», a répondu Marc Poncin, directeur des programmes Ebola de MSF en Guinée. C’est là un propos diplomatique qui en dit long sur l’analyse que peut faire de l’engagement français cette ONG présente et active depuis le début de l’épidémie.
Décalage entre le discours et l'action
L’inauguration (plusieurs fois retardée) du centre de Macenta et la prochaine visite du président de la République mettront-elles un terme à un semestre d’atermoiements français en Guinée?
Une période caractérisée par le désintérêt manifeste des responsables sanitaires françaises pour la réalité épidémique africaine. Caractérisée aussi par le refus gouvernemental d’engager, sur le terrain, des moyens militaires –un soutien pourtant réclamé par MSF (peu suspecte d’accointances avec les forces armées). On expliquait, de source militaire, ne pas avoir les moyens d’ouvrir un nouveau front, «humanitaire», compte-tenu des diverses opérations armées en cours.
Depuis près de huit mois les signaux se sont pourtant enchaînés, en France, qui auraient dû pousser l’exécutif à agir précocement au-delà des frontières. Ces signaux rythment ce que furent les occasions manquées, et le décalage entre le discours politique –insistant sur la nécessité d’agir en Afrique, et l’action politique –centrée sur la riposte à l’apparition de possibles cas sur le sol national.
Retour sur les occasions manquées par Paris:
1.La communication centralisée par le ministère de la Santé
«Leader mondial de la maîtrise des risques de santé et de sécurité à l’étranger», la société International SOS lance fin mars une alerte sans ambiguïté quant à l’émergence d’une épidémie d’Ebola sans précédent en Guinée. Créée par deux français en 1985, cette société florissante ne recherche nullement la publicité via les médias d’information générale.Présente en Afrique de l’Ouest elle dispose toutefois dès cette période d’une série de données sanitaires qu’elle souhaite rendre publiques. C’est ainsi qu’elle juge nécessaire de publier un communiqué de presse pour signaler l’émergence d’un nouveau risque infectieux et épidémique. Elle renouvellera son initiative, en langue française à la mi-avril en proposant des contacts médicaux spécialisés.
Les responsables de la veille sanitaire française ne relaient pas cette alerte. Plus généralement, durant les mois qui suivent, l’ensemble de la communication est centralisée par le cabinet de la ministre de la Santé. Une politique dénoncée fin octobre dans le Journal du Dimanche par Patrick Zylberman titulaire de la chaire d’histoire de la santé à l’École des hautes études en santé publique.
2.Une équipe française identifie la souche d'Ebola
L’information était déjà connue des responsables depuis plusieurs semaines mais on en a le 16 avril la confirmation officielle, désormais partagée par l’ensemble de la communauté scientifique internationale (publication le même jour des résultats dans The New England Journal of Medicine): la souche d’Ebola a été identifiée par une équipe dirigée par Sylvain Baize, directeur du Centre national français de référence des fièvres hémorragiques virales.Saluée par la communauté scientifique spécialisée, cette publication établissait que, pour la première fois, le virus Ebola était sorti de son berceau historique d’Afrique centrale et qu’il avait gagné l’Afrique de l’Ouest et des régions à haute densité de population. Cette donnée, et les risques associés -un fort potentiel dynamique épidémique- ne semble pas avoir été prise en compte par les responsables sanitaires français.
3.MSF lance l'alerte, sans relai politique
Fin juillet, Médecins Sans Frontières annonce que la situation épidémique est désormais «hors de contrôle» et qu’il y a un «réel risque de voir de nouveaux pays touchés». Soit au-delà de la Guinée, du Libéria, de La Sierra Leone et du Nigeria. Cet appel ne sera nullement relayé à l’échelon politique français.Le ministère français des Affaires étrangères tente une synthèse diplomatique des différentes actions françaises sur le sol africain: «La France est mobilisée depuis le début de la crise. Elle apporte un soutien technique et une expertise pour juguler l’épidémie. Nos ambassades, notamment en Guinée (également compétente pour la Sierra Leone) et au Liberia, sont en contact étroit et permanent avec les structures de veille sanitaire et de soins mises en place dans chacun de ces pays (…) La France soutient notamment le projet de laboratoire mobile de haute sécurité porté par l’Inserm en lien avec les Instituts Pasteur et Mérieux (…)». Un projet qui demeure aujourd’hui toujours en chantier.
4.Les accusations du co-découvreur du virus
Mi-août, l’OMS décrète l’urgence sanitaire mondiale contre Ebola. «Avec un mois et demi de retard», accusera MSF. Premières accusations publiques du Pr Peter Piot, co-découvreur du virus Ebola en 1976 au Zaïre, aujourd’hui à la tête de la London School of Hygiene and Tropical Medicine:«Jamais nous n’avions connu une épidémie d’une telle ampleur, déclare-t-il à Libération. Les précédentes étaient toujours très localisées, duraient quelques semaines, avec une centaine de cas. Cette fois, depuis six mois, nous assistons à ce que l’on peut appeler une "tempête parfaite": tout est réuni pour que cela s’emballe (…) On arrive, depuis plusieurs semaines, à des réactions d’hostilité à l’encontre des responsables, mais aussi des équipes de Médecins sans frontières (MSF), qui font pourtant un travail inouï. Cela n’a plus rien à voir avec le virus Ebola en soi, c’est la méfiance qui est en cause dans un contexte de société malade. (…) La riposte a été d’une lenteur extraordinaire. L’alerte avait été donnée début mars, on a découvert ensuite que l’épidémie avait commencé en décembre 2013. Malgré les demandes de MSF, l’OMS ne s’est réveillée qu’en juillet. Elle endosse maintenant le leadership, mais il est tard.»Pas de réaction française.
5.La France suspend des vols
Le gouvernement français recommande, en conseil des ministres, à Air France la suspension des vols vers la Sierra Leone. Air France s’exécute dans l’après-midi du même jour. On confie alors, auprès de la direction de la compagnie «ne pas pouvoir ne pas suivre une recommandation du gouvernement».Fin août, le Dr Mergo Terzian, Président de MSF France, est l’invité du journal de 13 heures de France Inter. Sans emphase, mais avec une violence contenue, il dit l’essentiel de la lecture politique de MSF. L’ONG est depuis cinq mois en première ligne sur le front de l’épidémie. MSF a annoncé dès le 24 juin que l’épidémie était hors contrôle. La communauté internationale n’a, alors, pas pris au sérieux cette «petite association de médecins». «Allons-nous regarder les Africains crever?» demande, en conclusion le Dr Terzian.
Pas de réponse.
6.Un premier geste insuffisant en Guinée forestière
Le 18 septembre, François Hollande parle d’Ebola. Lors de sa conférence de presse annuelle, le président de la République annonce avoir décidé «d’installer dans les jours qui viennent un hôpital militaire en Guinée forestière, là où se situe le foyer principal de l’épidémie. Je demande au ministre de la Défense de coordonner cette action et d’associer les médecins militaires et la protection civile avec des moyens aériens, parce qu’ils sont indispensables. Là encore, il s’agit de sauver des vies et de protéger les nôtres.»Il confirme les informations données sur Slate.fr par le Dr Terzian: en guise d'hôpital militaire, le gouvernement français va, avec la Croix Rouge, installer un premier centre de soins en Guinée forestière, dans la région sanitaire de Masaka. «C’est, enfin, un premier geste qui doit être salué mais qui est à lui seul bien loin d’être suffisant», nous déclare le Dr Terzian. Le président de la République rend hommage au «travail remarquable» de Médecins Sans Frontières.
7.La France en retard sur ses engagements
Le Monde fait état des retards pris par la France dans les engagements qu’elle avait publiquement pris à l’égard de la Guinée. Quelques jours auparavant, le Dr David Nabarro, coordinateur des Nations unies pour la lutte contre Ebola, s’était plaint de «n’avoir pas de partenaires en Guinée». La France est clairement viséeLe centre de traitement Ebola est enfin inauguré. Un «dispositif de rapatriement et d’accueil des volontaires» est aujourd’hui «opérationnel». «Deux autres centres de traitements doivent être discutés avec les autorités guinéennes, indique-on à Slate.fr auprès de la Direction Générale de la Santé. Ils reposeront sur des opérateurs ONG francophones».