Navrante transformation de mon Professeur Mohamed Abdou-Soimadou en censeur

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Comment un «révolutionnaire progressiste» a-t-il pu censurer ses propres journalistes?  À raison, l’analyste politique et social Saïd-...

Comment un «révolutionnaire progressiste» a-t-il pu censurer ses propres journalistes? 

À raison, l’analyste politique et social Saïd-Omar Allaoui a des idées bien arrêtées sur la dégringolade des Comores vers les bas-fonds du sous-développement: «Le grand problème qu’il y a aux Comores provient du fait que les acteurs politiques ne croient à rien. Même le Président de la République ne croit pas qu’il est réellement Président de la République. On a souvent entendu des ministres dire qu’ils ne croient pas qu’ils sont réellement ministres. Les gens qui disent être contre le Grand Mariage et le détester finissent par y succomber et organiser les plus somptueuses des cérémonies de Grand Mariage. Même les acteurs politiques qui se réclament d’Ali Soilihi célèbrent le Grand Mariage dans une grande débauche de dépenses ruineuses et de gaspillage. Comment donc pouvons-nous développer les Comores quand tout est basé sur la fausseté?». 

Cette réflexion vient à l’esprit quand on apprend que Mohamed Abdou-Soimadou, Directeur du magazine gouvernemental Al-Watwan, a pris la lourde décision de censurer un article sur la fusillade de Moroni du mercredi 1er octobre 2014, à la suite de laquelle un membre de la sécurité personnelle du Vice-président Mohamed Ali Soilihi a blessé un homme en tirant sur lui. Par définition, la censure est condamnable car elle traduit un acte arbitraire par lequel les plus forts cherchent à museler ceux qui ne font qu’informer les citoyens. Il va sans dire que l’article en question présente la fusillade de Moroni sous un angle qui n’est pas du tout favorable au garde du corps du Vice-président, et on peut se demander pourquoi le journaliste s’est contenté d’une seule version, au lieu de demander l’avis de tous les protagonistes de cette triste affaire, qui ne s’est soldée ni par une fracture, ni par la mort du blessé.

En lisant la version originale de l’article censuré, on tombe inéluctablement sur ce passage polémique, car ne présentant l’accident que du seul point de vue du blessé: «Sur son lit d’hôpital au service des urgences, la victime nous a confié que “nous avions garé notre voiture entre les deux sens et sommes descendus pour traverser. Cependant, à la grande surprise, le véhicule du Vice-président en charge des Finances roulait en sens interdit et a heurté le rétroviseur de notre voiture. Mon frère a crié que ce n’est pas juste. Le véhicule du Vice-président s’est arrêté et le garde du corps est descendu et s’est accroché à mon frère. J’ai intervenu [sic: “Je suis intervenu”] pour aider mon frère qui était par terre et le garde du corps a sorti son arme, volontairement il l’a pointée sur mon bras et a tiré à bout portant”. 

Après une courte pose, Ahmed a repris en racontant que “quand je me suis mis debout, arme à la main, le garde du corps du Vice-président a ajouté: “Tu veux que je t’achève?”. Il s’est ensuite adressé à mon frère en lui disant: “Le prochain c’est toi”». Ce récit sort tout droit d’un film Western faisant de Moroni le Far-West, et du garde du corps de Mohamed Ali Soilihi un Cow-boy qui tire d’abord et s’emporte après. Personnellement, ce récit me pousse à me poser des questions lancinantes, et je n’y crois pas. Pour autant, sa censure par Mohamed Abdou-Soimadou constitue une grave et inadmissible atteinte à la liberté d’expression.

Le mauvais rôle joué dans cette affaire par Mohamed Abdou-Soimadou est inquiétant à plus d’un titre. À la Grande-Comore, Mohamed Abdou-Soimadou est un ancien militant du Front démocratique (FD) qui a fini par s’embourgeoiser, comme c’est le cas de tous les autres dirigeants de ce mouvement politique qui a milité pour la démocratie et l’État de Droit aux Comores, mais qui a disparu corps et bien dès le déclenchement du processus de démocratisation des Comores sous Saïd Mohamed Djohar. À Mohéli, par contre, Mohamed Abdou-Soimadou est une véritable institution. Il avait été exilé sur l’Île de Djoumbé Fatima en raison de son opposition frontale à Mohamed Taki Abdoulkarim, de Mbéni comme lui, qu’il finira par rejoindre quand celui-ci deviendra Président de la République. Cet exil lui a permis de former en français la génération au pouvoir actuellement. Personnellement, je lui dois les 2 ou 3 petites choses que je sais en matière de rédaction, dissertation, analyse et résumé de texte, commentaire composé et littérature africaine, ainsi que d’autres petites choses. Merci, mon Professeur. 

Je vous dois beaucoup, même si j’ai toujours été un cancre sans intelligence, ni talent. En même temps, il a été le Professeur d’autres Mohéliens, dont la liste est longue: Ikililou Dhoinine (Président), MmeHadidja Aboubacar (Première Dame), Mme Sitti Kassim (ministre), Daroussi Allaoui (chef du Protocole à Beït-Salam), Saïd-Mohamed Ali Saïd (secrétaire général du gouvernement), Mohamed Saïd Fazul (ancien Président de l’Île autonome de Mohéli), Ben Massounde Rachid (Vice-président de la République sous Azali Assoumani), etc. C’est pourquoi ses anciens élèves de Mohéli seront très déçus d’apprendre que l’héroïque «révolutionnaire progressiste» de leur tendre jeunesse, l’homme exilé à Mohéli pour son «progressisme» et son combat pour l’État de Droit et la démocratie, est devenu un censeur dans un journal de l’État que le Président Saïd Mohamed Djohar avait transformé en espace de liberté. 

Autant dire donc que notre grand Professeur est passé du «progressisme» à l’apologie de la régression, une régression devenue la norme dès qu’il s’agit de l’évolution singulière de l’État comorien. Ce sont des choses qui vous tuent un idéaliste, et freinent des vocations, car on se dit: «Avec qui faire de la politique un jour aux Comores si personne n’a de convictions, si personne n’est sincère avec les autres?».

L’affaire de la fusillade va finir devant le Juge, car la famille du blessé a décidé de sévir. Dès lors, la question qui se pose est celle de savoir s’il n’aurait pas été mieux indiqué de laisser publier la version originale de l’article, sans user de censure, tout en laissant au Vice-président Mohamed Ali Soilihi et à son garde du corps la possibilité de porter plainte s’ils se sentent diffamés par l’auteur de l’article. Il aurait fallu placer le journaliste devant ses propres responsabilités, sans le censurer. En tout état de cause, la censure de l’article relève d’une pratique éculée et liberticide. 

Le simple bon sens voudrait qu’on demande aux journalistes d’assumer leurs responsabilités, en leur donnant la possibilité de faire leur travail sans pression, ni directives liberticides. Mohamed Abdou-Soimadou a beaucoup déçu et meurtri quand il a demandé aux collaborateurs du Vice-président Mohamed Ali Soilihi de rédiger dans son propre bureau un communiqué sur l’accident. Ça ne se fait pas! En décidant de se mettre en grève pour 24 heures, les journalistes d’Al-Watwan entendent exprimer leur «indignation» face à de douteuses pratiques bananières. Naturellement, on ne peut que déplorer et regretter la démission de Mohamed Soilih Ahmed, chef de la rédaction du journal, et d’Irchad Ousseine Djoubeire, secrétaire de rédaction de notre Pravda tropicale nationale. Quel gâchis!

Les Comores ne sortent pas grandies d’une telle affaire. Les «vrais et bons Comoriens» disent s’indigner quand les Comores sont inscrites sur la liste des pays à risques, alors que sur leur territoire national, il se passe des choses autrement plus graves, qui ravalent leur pays au rang de simple «Républiquette» de pacotille et d’opérette. Tous les acquis engrangés dans le domaine de la liberté d’expression s’envolent du fait du penchant autocratique d’un homme auquel nous avions cru, un homme qui a bercé notre adolescence et notre sortie d’adolescence par la sincérité de son engagement politique d’alors. Alors qu’il aurait été facile de prouver que la fusillade du 1er octobre 2014 était un accident sans cette infâme censure, maintenant, le peuple comorien va avoir l’impression qu’il y a une véritable volonté d’étouffer cette affaire malheureuse.

Par ARM
© lemohelien – Vendredi 3 octobre 2014.
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