À l'occasion de la venue ce 26 juillet 2014 à Moroni du président François Hollande pour le 4ème sommet des c...
À l'occasion de la venue ce 26 juillet 2014 à Moroni du président François Hollande pour le 4ème sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de la Commission de l'Océan Indien (COI), Soeuf Elbadawi, auteur et artiste comorien, souhaite partager cette réflexion. La France, devenue incontournable dans cette zone indianocéane, occupe, encore illégalement, aux yeux du droit international, une partie du territoire des Comores, l'un de ses partenaires obligés au sein de la COI. Il est dit, proclamé, affiché, dans les officines autorisées, qu'aucune issue hors de la France n'est possible pour nous, petits confettis de l'empire. A force, nous nous sommes habitués à ce principe d'une impasse arpentée dans un état de demi-‐sommeil. L'impasse de la soumission souveraine.
Il n'est même plus question d'espérer un changement dans nos imaginaires. Nous sommes devenus quasi amorphes, en matière de perspectives. Comme une chape de plomb, la raison du plus fort est parvenue à réduire les habitants de cet espace géographique, auquel j'appartiens, à rien. Comme un rien ou comme une chose morte, le pays a fini par se confondre avec le nom que cette même France nous a bricolé dans l'histoire. Les élites comoriennes, la peur au ventre, se sont rangées de la bataille, à force. Est chimérique désormais celui qui pense à l'intégrité retrouvée de ce pays. Ce que veut la France dans l'océan indien, nous le savons. Ce que souhaitent les Comoriens, nous sommes très peu nombreux à le défendre, aux endroits où l'éthique de la relation entre les peuples l'exige.
Nos hommes politiques paraissent fabriqués de toutes pièces pour cogérer une crise de dépendance, dont les contours sont tracés depuis le lointain, avec des limites territoriales bien déterminées, et une tragédie Balladur1, sans égal dans l'histoire, venant clore tout débat. Fini le temps, où l'on pouvait nommer l'indécence de nos actes de collaboration avec une nation, qui, quarante années durant, n'a fait que se bâtir une image de puissance oppressante dans l'intimité de nos cases. Rares sont ceux qui nomment les racines perverses de cette relation, prolongeant le feuilleton colonial. La conscience populaire raconte qu'un jour, deux pêcheurs comoriens, s'en allant dans leur pays, entre Anjouan et Mayotte, se sont laissé arraisonner par un bateau de la police française aux frontières. L'équipage de ce dernier leur fit comprendre, de manière maladroite, sans doute, mais en bon français, qu'ils naviguaient en « territoire occupé ».
Les deux pêcheurs rebroussèrent alors chemin, mais au bout d'un moment, le plus vieux, qui ne parlait pas le français, redemanda au plus jeune, qui, lui, avait saisi le propos des policiers : « Ce mot étrange, « occupé », est-il dans le droit des hommes ? Et les poissons, qui vivent dans ces eaux, est-ce qu'ils sont au courant ? » Si j'avais quelque chose à demander au président français, puisque ce n'est pas au mien à qui je dois m'adresser, désormais, c'est de mettre fin, sans discussion, à l'absurdité de la non-‐circulation de mes concitoyens entre ces îles.
C'est une honte que de rendre clandestin le Comorien en son pays. Une honte française. Et que l'on ne me 1 La France, dont la communauté internationale condamne la présence sur Mayotte depuis 1975 (plus de vingt résolutions des Nations Unies parlant d'occupation illégale d'un territoire des Comores) a instauré une frontière entre cette île et le reste de l'archipel en 1995, obligeant les citoyens comoriens à présenter le tristement célèbre Visa Balladur pour se rendre dans la partie dite française. Personne n'obtenant ce sésame facilement, les familles continuent à traverser d'une rive à l'autre, en admettant d'être « clandestinisées » dans leur propre pays.
Il en résulte plus de 20.000 morts depuis vingt ans, suite à la traque en mer, orchestrée par la police des frontières française dans les eaux comoriennes. parle pas du pain français volé au cousin mahorais ! Les lois françaises sont assez efficaces pour éviter des tas de malentendus, dont celui-‐là. Et je n'ai pas besoin de refaire un cours d'histoire ici pour que l'on comprenne. Nous sommes en 2014, et non en 1974 ! Les Etats de la COI, aujourd'hui, à Moroni sont devant un phénomène de fait accompli. Il fut un temps, cependant, où nous cultivions une solidarité de voisinage. Ce qui m'autorise ici à redemander à nos cousins malgaches, seychellois, réunionnais et mauriciens. Est-‐il normal que l'on devienne clandestin en sa propre terre ?
Le commun de nos destins pliés ou repliés, y compris celui de la France dans ces eaux indianocéanes, ne peut se transcender sans une réponse définitive à cette question. Il y aurait un mensonge à croire qu'une nation européenne trouve sa place en nos instances régionales, en continuant d'occuper un territoire, d'humilier un peuple, et de contribuer à la mort de milliers de personnes, en leur pays. Je n'ai rien de vindicatif, ni de militant dans mon propos, je veux juste dire ce qui est. L'humanité vaincue en nous...
Il n'est même plus question d'espérer un changement dans nos imaginaires. Nous sommes devenus quasi amorphes, en matière de perspectives. Comme une chape de plomb, la raison du plus fort est parvenue à réduire les habitants de cet espace géographique, auquel j'appartiens, à rien. Comme un rien ou comme une chose morte, le pays a fini par se confondre avec le nom que cette même France nous a bricolé dans l'histoire. Les élites comoriennes, la peur au ventre, se sont rangées de la bataille, à force. Est chimérique désormais celui qui pense à l'intégrité retrouvée de ce pays. Ce que veut la France dans l'océan indien, nous le savons. Ce que souhaitent les Comoriens, nous sommes très peu nombreux à le défendre, aux endroits où l'éthique de la relation entre les peuples l'exige.
Nos hommes politiques paraissent fabriqués de toutes pièces pour cogérer une crise de dépendance, dont les contours sont tracés depuis le lointain, avec des limites territoriales bien déterminées, et une tragédie Balladur1, sans égal dans l'histoire, venant clore tout débat. Fini le temps, où l'on pouvait nommer l'indécence de nos actes de collaboration avec une nation, qui, quarante années durant, n'a fait que se bâtir une image de puissance oppressante dans l'intimité de nos cases. Rares sont ceux qui nomment les racines perverses de cette relation, prolongeant le feuilleton colonial. La conscience populaire raconte qu'un jour, deux pêcheurs comoriens, s'en allant dans leur pays, entre Anjouan et Mayotte, se sont laissé arraisonner par un bateau de la police française aux frontières. L'équipage de ce dernier leur fit comprendre, de manière maladroite, sans doute, mais en bon français, qu'ils naviguaient en « territoire occupé ».
Les deux pêcheurs rebroussèrent alors chemin, mais au bout d'un moment, le plus vieux, qui ne parlait pas le français, redemanda au plus jeune, qui, lui, avait saisi le propos des policiers : « Ce mot étrange, « occupé », est-il dans le droit des hommes ? Et les poissons, qui vivent dans ces eaux, est-ce qu'ils sont au courant ? » Si j'avais quelque chose à demander au président français, puisque ce n'est pas au mien à qui je dois m'adresser, désormais, c'est de mettre fin, sans discussion, à l'absurdité de la non-‐circulation de mes concitoyens entre ces îles.
C'est une honte que de rendre clandestin le Comorien en son pays. Une honte française. Et que l'on ne me 1 La France, dont la communauté internationale condamne la présence sur Mayotte depuis 1975 (plus de vingt résolutions des Nations Unies parlant d'occupation illégale d'un territoire des Comores) a instauré une frontière entre cette île et le reste de l'archipel en 1995, obligeant les citoyens comoriens à présenter le tristement célèbre Visa Balladur pour se rendre dans la partie dite française. Personne n'obtenant ce sésame facilement, les familles continuent à traverser d'une rive à l'autre, en admettant d'être « clandestinisées » dans leur propre pays.
Il en résulte plus de 20.000 morts depuis vingt ans, suite à la traque en mer, orchestrée par la police des frontières française dans les eaux comoriennes. parle pas du pain français volé au cousin mahorais ! Les lois françaises sont assez efficaces pour éviter des tas de malentendus, dont celui-‐là. Et je n'ai pas besoin de refaire un cours d'histoire ici pour que l'on comprenne. Nous sommes en 2014, et non en 1974 ! Les Etats de la COI, aujourd'hui, à Moroni sont devant un phénomène de fait accompli. Il fut un temps, cependant, où nous cultivions une solidarité de voisinage. Ce qui m'autorise ici à redemander à nos cousins malgaches, seychellois, réunionnais et mauriciens. Est-‐il normal que l'on devienne clandestin en sa propre terre ?
Le commun de nos destins pliés ou repliés, y compris celui de la France dans ces eaux indianocéanes, ne peut se transcender sans une réponse définitive à cette question. Il y aurait un mensonge à croire qu'une nation européenne trouve sa place en nos instances régionales, en continuant d'occuper un territoire, d'humilier un peuple, et de contribuer à la mort de milliers de personnes, en leur pays. Je n'ai rien de vindicatif, ni de militant dans mon propos, je veux juste dire ce qui est. L'humanité vaincue en nous...
Soeuf Elbadawi Auteur et artiste
Avec clicanoo.re