African students demonstrated against discrimination at a protest in New Delhi last June. DEEPAK MALIK/DEMOTIX VIA CORBIS D'au...
D'aucuns les appellent «Congolais». D'autres les surnomment «Habshi», un terme dérivé du mot «Abyssinie», l'ancien nom de l'Ethiopie. Certains vont même jusqu'à les comparer à des singes. A Khirki, un quartier populaire du sud de New Delhi, les Africains sont devenus indésirables. Accusés de perturber la tranquillité du voisinage, les Nigérians, Ghanéens, Ougandais ou Camerounais qui habitent la capitale indienne cristallisent les ressentiments. Pour échapper à la vindicte populaire, ceux qui avaient un peu d'argent de côté, ont choisi de déménager rapporte un blog hébergé sur le site du Wall Street Journal.
Les premières tensions sont apparues, au cœur de l'automne, à près de 2.000 kilomètres de Delhi. Le 31 octobre 2013, un Nigérian soupçonné de tremper dans le trafic de drogue était retrouvé mort à Goa, dans le sud-ouest de la péninsule raconte un blogueur du New York Times. Sur les murs de la célèbre station balnéaire indienne, des affiches aux slogans vengeurs achevèrent de dissiper les doutes quant au mobile de l'assassinat:
«Nous voulons la paix à Goa. Dites non aux Nigérians, dites non aux drogues», pouvait-on lire aux quatre coins de la ville. Un mot d'ordre partagé par les autorités politiques du pays.
La polémique prend une dimension nationale après qu'un ministre du gouvernement dirigé par Manmohan Singh a comparé les Africains résidant en Inde à «un cancer», et qu'un autre, a annoncé être sur le point de les renvoyer chez eux. Mais c'est finalement le responsable de la Justice dans l'Etat de Delhi, Somnath Bharti, qui s'est chargé de traduire ces menaces en actes. Le 15 janvier 2014, ce membre du parti nationaliste Aam Aadmi, fait irruption dans le logement de plusieurs familles africaines de Khirki, accompagné d'un groupe d'hommes, afin d'exercer des contrôles inopinés. Des témoins racontent que les membres du raid ont procédé à des tests urinaires et sanguins sans mandat.
M. Bharti, qui affirme avoir agi en réaction à des lettres d'habitants du quartier, fait l'objet d'une plainte du ministère de la police. Le site Internet de son parti, tente de justifier ses actes par une série de vidéos censées attester de la présence de drogue dans les logements qui ont été investis. Le leader du Aam Aadmi Party, Manish Sisodia, s'est aussi fendu d'un communiqué pour défendre M. Bharti:
«J'appelle les ressortissants africains à se conformer à la loi. Nous avons une tradition d'hospitalité, et nous devons faire le maximum pour que cela continue. Mais les habitants sont troublés, nous ne pouvons pas l'ignorer.»
D'après les chiffres officiels, 5.000 Africains vivent à Delhi. L'écrivain Nilanjana S. Roy rappelle dans une tribune publiée par le New York Times que «si les Indiens se sont installés sur le continent [africain] depuis le XVe siècle, la présence africaine en Inde est plus ancienne. Les Africains ont été amenés en Inde au cours du XIIIe siècle en tant qu'esclaves, mais aussi en tant que généraux, gardes, marchands ou artisans. Beaucoup sont restés. Aujourd'hui, plusieurs dizaines de milliers sont ici pour suivre leurs études, pour travailler dans la restauration, dans le textile ou dans d'autres industries.» Mais leur nombre pourrait baisser si les actes racistes ou hostiles à leur égard venaient à se multiplier.
Slate Afrique