Candidats au bac ES (économique et sociale) 2014, à quels sujets vous attendre en juin prochain ? Voici nos pronostics, basés en partie sur ...
Candidats au bac ES (économique et sociale) 2014, à quels sujets vous attendre en juin prochain ? Voici nos pronostics, basés en partie sur les avis d'enseignants. Avec, en prime, des corrigés de sujets pour vous entraîner, façon "bac blanc".
Le sujet
B – La crise bancaire
C – La crise financière
B – La crise des dettes souveraines
C – Les politiques de rigueur
B – La hausse du chômage
C – La baisse de la consommation
Jean-Philippe Fourestier, professeur de sciences économiques et sociales
Le sujet
Comment expliquer la crise économique actuelle ?
Le corrigé |
Introduction
La crise économique intervenue à la fin
des années 2000 n'est que l'un des multiples soubresauts qu'a connus la
croissance au cours des derniers siècles. Les crises rythment ainsi
l'histoire économique moderne, depuis la grave crise de la tulipe
déclenchée en 1637 en Hollande, le premier krach boursier intervenu en
1720 en Grande-Bretagne ou l'effondrement, la même année, du système
économico-financier mis en place par John Law, alors ministre des
Finances du royaume de France, ou encore la grande dépression qu'a
connue le monde à la fin du XIXe siècle, (déjà) partie d'Amérique en
1873, ou bien encore celle des années 1930, conséquence du fameux krach
boursier d'octobre 1929. Au départ de toutes ces crises, il y a
l'avidité, la spéculation, les comportements irrationnels et
moutonniers.
Pour expliquer la dégradation brutale de
la situation économique française, mais aussi européenne et dans une
certaine mesure mondiale, il faut s'intéresser aux mécanismes cumulatifs
qui ont été capables d'engendrer une dépression économique, avec toutes
les conséquences néfastes sur les revenus, l'emploi et le bien-être des
populations. Pour ce faire, nous verrons que la crise actuelle trouve
son origine dans une triple crise : une crise bancaire, puis une crise
d'endettement des États, et enfin une crise liée à l'insuffisance de la
demande globale.
Plan détaillé
I – Une crise bancaire et financière partie des États-Unis
A – La crise immobilière
– La crise des subprimes
(crédits hypothécaires à risque) s'est déclarée en juillet 2007 aux
États-Unis avec l'effondrement du marché immobilier américain un an plus
tôt. L'immobilier avait été dopé pendant des années par des taux
d'intérêt extrêmement faibles et par la vente de biens à un grand nombre
d'acquéreurs à faibles revenus.
– La brusque remontée du coût des crédits à taux d'intérêt révisable
provoque l'insolvabilité des ménages les plus en difficulté. La
multiplication des dossiers de crédits non remboursés entraîne la
faillite des établissements prêteurs.
– Outre la faillite des organismes de
crédit fortement exposés à la crise immobilière, les banques
d'investissement, qui avaient été nombreuses à investir dans ces
établissements prêteurs, se retrouvent fragilisées. Mais pire que cela,
les grandes banques d'affaires ont acheté massivement, durant les années
prospères, des créances titrisées comprenant une
grande part de ces crédits à risque (subprimes) revendus sur les marchés
financiers comme des placements rentables et peu risqués. Or, ces
produits financiers se révèlent extrêmement spéculatifs et risqués.
– À l'été 2007, alors que les premières
faillites de banques interviennent, toutes les institutions financières
se retrouvent concernées par ces créances douteuses et craignent
désormais de se prêter les unes aux autres, ne connaissant pas
l'exposition réelle des autres à ces produits financiers toxiques.
– Les banques cessent de se prêter entre
elles, ce qui raréfie les liquidités et met en faillite de plus en plus
de banques (plusieurs centaines de faillites bancaires dans le monde
durant la seule année 2009), entraînant une crise de l'ensemble du
système bancaire étant donné l'interdépendance des banques entre elles.
– Pour faire face au manque de
liquidités sur le marché interbancaire, les banques sont obligées de
vendre les titres qu'elles détiennent sur les marchés financiers. Ces
cessions massives d'actifs provoquent alors la chute des titres sur
l'ensemble des marchés financiers.
– Les Bourses du monde entier paniquent et voient les principaux indices boursiers
dégringoler de près de 60 % entre l'été 2007 et le début de l'année
2009, perdant ainsi quelque 25.000 milliards de dollars, rappelant les
tourments de 1929 et des années 1930. Ni les baisses des taux d'intérêt
et injections de liquidités des banques centrales, ni les opérations
massives de soutien aux banques sur fonds publics, ni les garanties de
dépôts décidées par les gouvernements n'auront réussi à endiguer la
déroute générale.
II – Une crise de l'endettement des États
A – Les politiques de relance
– Pour faire face à la panique sur les
marchés financiers et éviter l'écroulement de tout le système bancaire,
les États interviennent massivement pour refinancer les institutions
financières, soit en prenant des participations, soit en leur octroyant
des prêts pour qu'elles reconstituent leurs fonds propres.
– Des plans de soutien à l'économie de
plusieurs centaines de milliards d'euros/dollars sont alors engagés
partout dans le monde. Les politiques de relance mises en œuvre, axées
principalement sur le soutien à l'investissement, réussissent à enrayer
la spirale dépressive et à stabiliser l'économie.
– Mais l'énorme effort consenti par les
États pour faire face à la crise a considérablement creusé les déficits
publics de la plupart des pays développés. Avec des déficits publics qui
explosent, les pays de l'OCDE (pays développés) se retrouvent
confrontés à l'alourdissement brutal de leur dette publique. Ainsi, en
2011, la dette publique française frôle les 90 % du PIB, la dette des
États-Unis dépasse les 100 % du PIB, 160 % pour la Grèce et 220 % pour
le Japon ! La crise devient celle des "dettes souveraines" contractées par les États les plus développés et les plus riches du monde.
– Pour financer leurs déficits, les
États empruntent sur les marchés financiers. Or, ces derniers, déjà
échaudés par les faillites de grands noms de la finance (Fonds Madoff,
Lehman Brothers, Bear Stearns, Northern Rock, Freddie Mac, Fannie Mae,
AIG, Dexia...), hésitent à prêter à des États dont la solvabilité
devient problématique (cf. les défauts souverains de l'Irlande, de l'Islande ou de la Grèce).
Pour pouvoir lever des fonds à des taux d'intérêt faibles, les États
doivent afficher les finances publiques les plus saines possibles, ce
qui les oblige à réduire leurs déficits et à stabiliser leur dette.
– Ainsi, après avoir mené des politiques
budgétaires expansives (politique de relance), les États sont
contraints de mener des politiques de rigueur, en réduisant leurs
dépenses tout en optimisant leurs rentrées fiscales (hausses d'impôts).
L'austérité imposée aux populations renforce la récession.
III – Une crise de l'économie réelle liée au fort recul de la demande globale
A – La baisse de l'investissement
– La crise bancaire et financière, à
laquelle s'ajoute la crise des dettes souveraines, finit par atteindre
l'économie réelle. Elle se traduit par une restriction du crédit à
destination des entreprises, des ménages et des États. Conformément à la
théorie du cycle du crédit selon laquelle les crédits jouent un rôle procyclique
(renforçant le cycle économique) en augmentant avec la croissance et en
diminuant avec la récession, avec la crise, le robinet du crédit se
ferme, ce qui pénalise encore plus l'investissement public et privé.
– Les choix publics en matière de
politique conjoncturelle (rigueur) et la prudence des entreprises en
période d'incertitude provoquent l'effondrement de l'investissement (-13
% pour l'investissement productif en France, -27 % aux États-Unis, -50 %
pour les investissements directs à l'étranger dans le monde en 2009),
accentuant encore les difficultés de l'économie.
– Les difficultés rencontrées par les
entreprises s'ajoutent à leurs anticipations pessimistes, ce qui les
conduit à réduire non seulement leurs investissements, mais aussi leur
personnel. Les licenciements se multiplient, faisant s'envoler les
courbes du chômage dans un grand nombre de pays développés (taux de
chômage supérieur à 10 % de la population active en Europe et aux
États-Unis).
– Le spectre des années 1930 resurgit
lorsqu'en Grèce et en Espagne, le taux de chômage dépasse les 25 %,
affectant gravement les moyens de subsistance de près de la moitié de la
population.
– En plus du fort recul de l'investissement, les économies développées se trouvent confrontées à la baisse de la consommation, imputable à la hausse du chômage, à la baisse des revenus
et aux craintes des ménages vis-à-vis de l'avenir. Lorsqu'ils craignent
pour leur emploi ou leurs revenus, les ménages accumulent une épargne
dite "de précaution" au détriment de la consommation.
– La hausse du taux d'épargne, qui
atteint des records en Europe (17 % en France, en Allemagne ou en
Belgique), et qui a littéralement explosé aux États-Unis, au Royaume-Uni
ou en Espagne entre 2007 et 2010, illustre les inquiétudes des ménages
contraints de se prémunir contre les risques que fait peser la crise. La
baisse de la consommation, considérée jusque-là comme la composante de
la demande globale la plus solide, marque la généralisation de la déprime, éloignant encore l'économie de la croissance potentielle.
Conclusion
Personne n'imaginait au printemps 2007
que la faillite de deux fonds spéculatifs de la banque américaine Bear
Stearns allait dégénérer en une crise d'une ampleur sans précédent
depuis la Seconde Guerre mondiale. Le retournement brutal de la
conjoncture économique trouve son origine dans une branche très
marginale de l'économie : le marché des produits dérivés. Symbole des
dérèglements d'un système financier devenu fou, la spéculation sur les
subprimes aura d'abord précipité la planète finance dans la crise, puis
par contagion, les finances publiques, puis enfin l'économie réelle,
avec ses conséquences sociales (voire politiques) parfois dramatiques.
La crise des subprimes nous rappelle
avec une certaine brutalité que l'économie est soumise à des cycles.
"Après sept ans de vaches grasses, sept ans de vaches maigres." Cette
intuition que l'on retrouve dans l'Égypte antique et les textes
bibliques a été théorisée par les économistes modernes. Les théoriciens
des cycles économiques, comme Joseph Aloïs Schumpeter, ont relevé depuis
longtemps qu'après les périodes de prospérité et d'euphorie, l'économie
connaissait toujours une période de ralentissement ou de dépression.
Aujourd'hui, nul ne peut prédire avec exactitude quand l'économie
retrouvera les chemins d'une croissance forte et durable. Mais une chose
est sûre, c'est que la crise que nous traversons, comme toutes celles
qui l'ont précédée, connaîtra une fin.
Jean-Philippe Fourestier, professeur de sciences économiques et sociales