Manipulations des statistiques et invention de la croissance dans la crise aiguë. Et voilà! Et voilà! Les autorités comoriennes ont en...
Manipulations des statistiques et invention de la croissance dans la crise aiguë.
Et voilà! Et voilà! Les autorités comoriennes ont encore fait fort cette fois en osant parler, dans le Rapport annuel de la Banque centrale des Comores (BCC), avec un inégalable toupet, avec un art consommé de la mystification et du culot politique, d’une prétendue croissance économique de 3% en 2012, alors que le pays est entièrement et complètement paralysé. Où ces gens-là ont-ils vu une croissance économique de 3% quand tous les indicateurs sociaux et économiques sont au rouge? Où? On sait que l’économie d’un pays dépend de l’épargne et de l’investissement. Mais, comment, dans un pays complètement paralysé, quand on a du mal à manger, peut-on trouver de l’argent pour épargner et investir? Où est cet argent épargné et investi, et d’où provient-il? Dans les Républiquettes bananières, on n’a jamais vu un voleur d’argent public investir un sou volé dans les structures économiques et financières de son pays. On fait tout à l’étranger, conformément au discours que le Président Félix Houphouët-Boigny, Côte-d’Ivoire, avait prononcé le 27 avril 1983 devant les assises de son parti, le PDCI-RDA: «Vous qui n’avez rien, mais que ma politique a permis de sortir du trou, c’est vous qui allez me traiter de voleur? […]. Quel est l’homme sérieux dans le monde qui ne place pas une partie de ses biens en Suisse?».
On peut mettre ce type de discours d’inconscient arrogant dans la bouche d’un Ahmed Sambi et de n’importe quel autre dirigeant corrompu des Comores. Et, les faits sont là: il ne peut pas y avoir de croissance économique de 3% aux Comores parce que c’est impossible. Il n’y a pas d’investissements. Depuis la présidence d’Ahmed Sambi, chaque jour, on voit arriver aux Comores des «investisseurs arabes du Golfe». Mais, à ce jour, personne ne peut indiquer un seul investissement effectué par ces gens-là. Aucun! Souvent, c’est le ministre de l’Éducation nationale, un Docteur en Pharmacie sans culture économique et financière, qui reçoit les fameux «investisseurs qui n’investissent pas». D’ailleurs, on doit s’interroger sur ces inconscients qui accepteraient d’investir dans un pays sans sécurité juridique, ni eau courante, ni électricité, ni téléphone, ni interlocuteur valable. Un investissement, ça se prépare, et ça se prépare dans le discernement et de manière professionnelle. De la pure vérité.
Dans le Rapport de la Banque centrale, on tombe inévitablement sur cette pépite, celle d’une activité économique relancée «par une production agricole abondante et par les investissements publics dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, grâce au rythme soutenu de la demande intérieure». Mais, par Dieu, de quels «investissements» s’agit-il, car les Comoriens ne les ont pas vus? Quels investissements? Comment peut-on oser parler de «production agricole abondante» alors que les Comores ne sont pas encore entrées dans l’ère d’une vraie économie d’échelle et d’une organisation de l’activité économique dans une vraie harmonisation, chacun se contentant de produire sa propre consommation, dans l’espoir de vendre un maigre surplus? Dès lors, les autorités de la Banque centrale mentent au peuple, probablement dans l’espoir de faire plaisir à leurs maîtres de la Banque mondiale et du FMI.
Quand il veut parler de sa prétendue «amélioration des Finances publiques» au cours de l’année 2012, le Gouverneur de la Banque centrale ose prétendre qu’au cours de cette année-là, il y a eu «une consolidation des principaux soldes budgétaires, à la faveur d’une augmentation significative des ressources, qui ont représenté plus de 20% du PIB, en relation avec une meilleure collecte des impôts directs et indirects et un fort accroissement des recettes au titre du programme de citoyenneté économique». La «citoyenneté économique», encore et toujours! Le Gouverneur de la Banque centrale d’un État ose écrire sur un Rapport officiel que, grâce à un trafic, les comptes de l’État ont connu une amélioration. Et puis, alors que le pays est dans un état déplorable qu’on a essayé d’occulter par le versement des salaires des fonctionnaires et agents de l’État à partir du trabendo des passeports, ces gens-là osent prétendre qu’il y a eu «consolidation des principaux soldes budgétaires» et «augmentation significative des ressources», des notions creuses qu’ils voient dans les Rapports du FMI et de la Banque mondiale, mais sans relation avec le contexte économique et financier pitoyable et désastreux des Comores. On prend les Comoriens pour des gnangnans à qui on peut débiter des chiffres sans queue, ni tête, uniquement pour amuser la galerie. C’est d’une malhonnêteté.
Les menteurs de la Banque centrale osent signaler que «le rythme d’évolution de la masse monétaire au sens large a été soutenu, avec une croissance de 16% en 2012 contre 9,6% en 2011, en liaison avec la hausse de 19,8% des financements bancaires au secteur privé et avec la consolidation des réserves de change de la Banque centrale, qui couvrent plus de sept mois d’importations de biens et services à fin 2012». Quel est ce «secteur privé» comorien capable de relancer une activité, quand tout est au niveau du banabana, et quand rien n’est fait pour soutenir l’activité de ce même secteur? Tout ça, c’est du roman. De l’économie-fiction.
On rigole à mort quand on lit dans le fameux Rapport, remis au chef de l’État, des termes techniques de «Comoricains» qui ne signifient rien dans l’économie et finances des Comores, mais qui sont employés uniquement pour faire croire aux Comoriens qu’il s’agit d’un débat de très haut niveau, qui échappe à la culture du commun des mortels. Or, ce que voient et vivent les Comoriens au quotidien se passe de tout Rapport amphigourique, sur lequel on écrit tout et n’importe quoi pour tenter de sauver les apparences. Les Comores sont dans une crise, voire dans un coma économique et financier, leur survie n’étant assurée que par des expédients parmi lesquels, l’horrible «citoyenneté économique». Est-ce qu’un État viable survivrait en vendant des passeports à des trafiquants de drogue et à des terroristes étrangers?
On nous parle de «croissance de 3% du PIB» alors que les enseignants de l’École publique sont en grève, les Comoriens n’ont ni carburant, ni électricité, ni eau. Comment ose-t-on nous parler de croissance économique quand 44,5% des jeunes Comoriens n’ont pas de travail et ne savent pas comment survivre? Là encore, les Comores inventent puisque la Banque centrale nous apprend qu’on peut s’enrichir sans travailler. Quand 45,5% des jeunes Comoriens sont devenus improductifs, qui va relancer la production, l’activité économique de manière générale? Et si les jeunes sont improductifs, qui sera productif? Qu’on nous dise ce qui peut être fait dans une économie quand ceux qui sont en état de produire sont au garage, parce que l’État n’arrive pas à canaliser les énergies et les forces créatrices du pays?
La Banque centrale aurait été plus convaincante si elle avait parlé de produit national brut (PNB), qui prend en compte même les richesses et valeurs produites par les Comoriens qui sont installés à l’étranger. Comme les Comoriens installés en France font entrer dans leur pays d’origine quelque 95 milliards de francs comoriens par an (pour un budget étatique basé sur des dépenses de l’ordre de 29 milliards de francs comoriens), on comprendrait si on nous disait que cette manne contribuait à l’équilibre de la comptabilité publique. Mais, quand l’État est tellement étranglé qu’il en est réduit à vendre des passeports à des trafiquants de drogue et à des terroristes étrangers et qu’on nous dise que cet État fonctionne selon les normes admises à l’échelle internationale en la matière, là on ment effrontément aux Comoriens.
Bien évidemment, dans la mesure où il n’y a pas d’opposition parlementaire et que celle extraparlementaire n’a ni moyen d’action, ni cohérence, ni voix audible, les Comoriens sont dans l’obligation d’ingurgiter ces statistiques fantaisistes. Ce qui fait rire, c’est que certains aux Comores croient qu’un taux de croissance de 3% est trop faible, alors que la France, pays développé qui produit des richesses multiples, n’arrive pas à dépasser un taux de 0,4%! Est-ce donc sérieux d’invoquer des statistiques aussi ridicules, juste pour démontrer à la Banque mondiale et au FMI que les Comores sont dans la bonne voie? La méthode est dangereuse pour les autorités elles-mêmes car elle participe au renforcement de la méfiance que les Comoriens ont à l’égard des pouvoirs publics. Car, après avoir lu ces chiffres, comment regarder dans les yeux le Gouverneur de la BCC sans avoir honte à sa place et pour lui?
Par ARM
© www.lemohelien.com – Vendredi 24 janvier 2014.