AVIS D'EXPERT - Des consultations spécialisées dédiées à ce désagrément quotidien se développent. Les conseils du Dr Charles Micheau, d...
AVIS D'EXPERT - Des consultations spécialisées dédiées à ce désagrément quotidien se développent. Les conseils du Dr Charles Micheau, docteur en chirurgie dentaire.
L'halitose, ou mauvaise haleine, est une odeur incommodante provenant de la cavité buccale. Elle concerne de 25 à 50 % de la population. Ce phénomène augmente avec l'âge et les hommes sont trois fois plus concernés que les femmes.
Sujet tabou, la mauvaise haleine peut devenir un véritable complexe, source de railleries et d'isolement familial et social. Elle affecte en effet les relations interindividuelles et peut conduire certains patients, confrontés au rejet, à une autodépréciation, voire à des épisodes dépressifs. L'importance que constitue cette gêne se manifeste même aujourd'hui par le développement de consultations spécialisées dans le traitement de la mauvaise haleine.
Dans 85 % des cas, la mauvaise haleine est provoquée par une mauvaise hygiène bucco-dentaire, par une affection de la sphère buccale (maladies parodontales, accident d'évolution des dents de sagesse…) ou la présence de caries non traitées. La surface de la langue est comme un véritable «tapis-brosse» sur lequel s'accumulent bactéries et débris alimentaires formant un dépôt blanchâtre. Celui-ci agit comme un réservoir produisant des gaz concourant à l'halitose. Ce dépôt est plus important chez les patients souffrant de parodontites.
L'halitose peut également apparaître concomitamment à une affection respiratoire touchant le nez, les sinus, les amygdales et la région pharyngée. Les maladies du système digestif (reflux gastro-œsophagien, ulcère à l'estomac) ou métaboliques (diabètes), les cancers ORL favorisent également la présence de ces fameux gaz malodorants.
Éviter un régime alimentaire trop riche en protéines
La sécheresse buccale, ou hyposialie, est aussi source d'halitose. Elle peut survenir après un long discours ou en cas de stress. Près de 300 médicaments peuvent induire cette sécheresse buccale.
Le sommeil, lui aussi, est un déclencheur d'halitose. C'est l'absence de mastication et d'élocution, la réduction physiologique de la salivation et la stagnation des débris alimentaires et cellulaires qui concourent à déclencher la mauvaise haleine constatée au réveil. Cette halitose transitoire disparaît après le petit déjeuner et le brossage des dents.
Enfin, un régime alimentaire riche en protéines (lait, fromages, viandes, poissons) et certains aliments au goût prononcé (oignons, ail, épices…) entraînent une halitose. Le café, l'alcool et le tabac sont aussi responsables d'une haleine spécifique et facilement identifiable sur laquelle il est possible d'agir.
On le voit, les phénomènes constitutifs de l'halitose sont nombreux, plus ou moins graves et inconfortables. Du fait de l'origine buccale de ces mauvaises odeurs, le chirurgien-dentiste est l'un des principaux acteurs de leur détection et de leur traitement.
Le diagnostic de l'halitose par le chirurgien-dentiste repose à la fois sur l'évaluation de l'état bucco-dentaire et la connaissance de son patient: habitudes alimentaires, hygiène bucco-dentaire quotidienne, facteurs de risque (tabac, alcool), pathologies… Pour confirmer une halitose, le praticien dispose de plusieurs moyens. Le plus empirique et le plus subjectif consiste à évaluer directement l'haleine du patient en la respirant!
Les parodontites, premières génératrices d'halitose
L'halimètre peut être également utilisé. Il s'agit d'un appareil électronique portable qui permet de mesurer les composés sulfurés volatils ainsi que les composés organiques (putrescines, cadavérines, acétone, propanol) émanant de la cavité buccale.
S'il s'agit d'une halitose extraorale, le patient sera adressé au spécialiste approprié (ORL, gastro-entérologue…). Dans le cas d'une halitose d'origine intraorale, il faudra traiter la pathologie buccale tenue pour responsable. Au premier rang, les parodontites. Ces infections des tissus de soutien de la dent (os et gencives) sont les premières génératrices d'halitose. Leur traitement consiste en un enseignement d'une hygiène performante notamment interdentaire et un détartrage en profondeur. Si des caries sont présentes, celles-ci seront soignées par éviction de tissu dentaire carié et obturation de la dent. Si un enduit lingual est détecté, sa décontamination se fera avec l'aide d'un gratte-langue.
Une fois le traitement mécanique réalisé, le chirurgien-dentiste conseillera l'utilisation d'antiseptiques (sous forme de bains de bouche) afin d'accélérer la disparition de l'halitose. La chlorhexidine est la molécule de référence pour combattre la prolifération des bactéries. La combinaison d'huiles essentielles et le fluorure d'amine ont également démontré leur potentiel d'action.
Le thème du dernier congrès de l'Association dentaire de France 2013, qui s'est déroulé la semaine dernière, n'a pas été choisi par hasard. Il avait pour titre «Affirmons nos compétences». En effet, les compétences des chirurgiens-dentistes sont multiples. Techniciens performants et innovants, psychologues, ces professionnels pratiquent une médecine à la fois préventive et curative, capitale pour garantir la bonne santé globale des patients. Ils participent activement à la prévention de pathologies graves ou chroniques, comme le diabète, les cancers ou certaines pathologies cardio-vasculaires. Par exemple, les chirurgiens-dentistes peuvent permettre, par un dépistage précoce, une prise en charge «à temps» des cancers de la voie buccale, à l'origine de 1 500 décès par an. Ils ont également un rôle social en traitant des affections stigmatisantes comme la mauvaise haleine.
Par Charles Micheau