Interview exclusive de Kamal Abdallah,Porte-parole du Collectif pour la Défense de la Démocratie aux Comores. www.lemohelien.c...
Interview exclusive de Kamal Abdallah,Porte-parole du Collectif pour la Défense de la Démocratie aux Comores.
www.lemohelien.com: Vous avez souhaité faire une déclaration préliminaire avant que je ne vous pose mes questions. Quelle est la teneur de cette déclaration?
Kamal Abdallah: Par cette déclaration préalable, je tiens à vous apporter solennellement et publiquement tout mon soutien face à la plainte injustifiable et injustifiée déposée à Paris par l’ancien Président Ahmed Sambi au prétexte que vous avez évoqué son implication dans la tentative de coup d’État de la nuit du 19 au 20 avril 2013. Je tiens à annoncer qu’en plus de l’avocate qui a été mise à votre disposition par la femme candidate à l’élection présidentielle de 2016 et de celle qu’un parti de la Mouvance présidentielle a désignée pour vous, toujours gracieusement, le Parti RIDJA et le Collectif pour la Défense de la Démocratie aux Comores sont ont constitué un collectif d’avocats devant vous défendre gratuitement. Pour l’instant, quatre avocats parisiens ont donné par écrit leur accord pour vous assister sans rien demander de vous. Maître Saïd Larifou sera à Paris à la fin de ce mois de janvier 2014, notamment pour coordonner votre système de défense. C’est l’occasion qu’attendaient les républicains comoriens pour faire laver en public le linge sale du sambisme, et quand cela sera fait, la rivière mettra un siècle à revenir à sa propreté originale. Vous portez sur vos épaules le combat du peuple comorien, et vous ne serez jamais seul. Les destructeurs et les ennemis de notre République vous ont classé dans la catégorie de leurs ennemis les plus dangereux, car vous êtes sans pitié, ni complaisance à leur égard. Mais, sur leur route jonchée de pillages, projets irréalisés et de fonds publics détournés sans la moindre pitié, ils vont nous retrouver.
www.lemohelien.com: Je vous remercie beaucoup pour ce soutien qui fait chaud au cœur. Ceci étant fait, je souhaite vous signaler, d’emblée, que je ne vous croirais pas si vous me parliez de coïncidence entre votre article intitulé «Il est grand temps de rallumer les étoiles de la vie et de l’espoir aux Comores» du dimanche 12 janvier 2014, par lequel vous vous interrogez sur le «Printemps arabe comorien» et vous appelez à une «Révolution de l’Ylang-ylang» aux Comores, et la création, samedi 18 janvier 2014, du «Printemps Ylang Comores».
Kamal Abdallah: Ai-je participé à l’initiation de ce mouvement? Je ne veux pas tirer un profit indigne et une fierté personnelle sur le lancement de ce mouvement citoyen. En réalité, les ingrédients étaient réunis pour arriver depuis longtemps à une situation explosive. Quand on n’a pas des œillets à la face des yeux, on pouvait s’apercevoir de la grogne populaire, qui est aujourd’hui portée sur la place publique. Si le gouvernement comorien est surpris par la profondeur du mouvement contestataire, c’est qu’il n’est pas attentif. Or, son rôle est de suivre les mouvements sociaux. Pour ma part, je me réjouis de l’élan pris par la société civile aux Comores, qui a brisé le mur du silence, qui a tout fait pour sortir de sa réserve, en portant haut et fort la bannière du peuple. Du fait de ses origines, c’est un mouvement diversifié et dont le but est de donner corps à ce «Printemps comorien au parfum d’ylang-ylang». Je savais pertinemment que ce mouvement allait voir le jour. La révolte était inévitable pour une émergence d’un Archipel aux Sultans batailleurs synonyme d’espoir, renouveau et salut national. J’ai souhaité vivement que le soleil éclaire le ciel des Îles de la Lune car l’existence de ténèbres sur le ciel des Îles de la Lune est une contradiction. Je salue les acteurs et actrices de ce vaste mouvement spontané, que j’encourage à amplifier et à restructurer ses actions, en se dotant d’une base solide et viable. Vent débout, ces femmes et ces hommes revendiquent le droit à une vie plus digne.
www.lemohelien.com: Vous parlez d’un «mouvement spontané»,alors que ce «Printemps Ylang-ylang» semble très bien organisé et fonde son travail sur une argumentation très solide, en s’appuyant sur des chiffres très pointus et très réalistes?
Kamal Abdallah: Pour être plus complet, je dirais que c’est un mouvement spontané et organisé car comprenant notamment d’opérateurs économiques qui réagissent de manière à faire de leur action une question de survie pour leurs investissements mis en danger par les délestages sauvages, intempestifs et illimités, causant des pertes énormes pour leurs produits exigeant une conservation continue, grâce à l’électricité. Or, la MAMWÉ offre des conditions dignes de l’époque médiévale. Pourtant, les acteurs du «Printemps de l’Ylang-ylang» paient des taxes exorbitantes et participent ainsi à l’économie comorienne, mais sans retour d’ascenseur de la part de l’État, dans les conditions légales requises. Donc, il fallait s’attendre à l’éclosion de ce «Printemps» aux effluves d’ylang-ylang, dans la mesure où le lien social a fini par rompre sous le poids énorme de l’incompétence des dirigeants comoriens.
www.lemohelien.com: Et que revendiquent les animateurs du«Printemps de l’Ylang-ylang»?
Kamal Abdallah: Les acteurs du «Printemps comorien» ne revendiquent ni postes de ministres, ni le fauteuil du Président de la République, ni une quelconque parcelle du pouvoir. Ils revendiquent le droit à une vie décente, le droit de pouvoir satisfaire des besoins basiques et élémentaires liés à la vie quotidienne, le droit à un environnement sain, propre et viable, le droit à l’électricité pour pouvoir travailler et faire vivre le pays dans des conditions dignes, de l’eau potable. C’est une question d’hygiène et de salubrité publiques. Les citoyens demandent le désenclavement des villes et des villages pour acheminer les marchandises aux citoyens et créer une vraie relation de proximité avec les citoyens. La situation de crise a trop duré. On ne peut que soutenir, aider et vouloir participer à l’encadrement du «Printemps des Comores», qui va dans le sens de l’intérêt général. Est-il normal que dans un pays supposément gouverné et disposant de toutes les institutions publiques, un pays dans lequel des hommes et des femmes sont censés travailler et sont payés pour cela, ça soit un mouvement citoyen qui établisse un programme de redressement de l’économie du pays? Quel est donc le rôle du gouvernement et des autres pouvoirs publics? Cela dit, les propositions élaborées par les acteurs du «Printemps comorien» méritent l’attention et l’intérêt des dirigeants.
www.lemohelien.com: Est-il vrai que ces acteurs du mouvement citoyen ont été reçus par le Président de la République?
Kamal Abdallah: Et comment? Ils ont été reçus par le Président de la République, et le Directeur de la MAMWÉ a été limogé sec, remplacé par un Directoire. Des propositions ont été faites par le «Printemps comorien» et soumises à l’appréciation des pouvoirs publics. Il faut qu’elles soient examinées avec le plus grand sérieux afin de les mettre en œuvre, sous l’œil vigilant de ces citoyens vigilants.
www.lemohelien.com: Votre ami Amir Bobah, tranchant aiguiseur de consciences et grand agitateur d’idées devant l’Éternel, est dans cette affaire jusqu’au cou, à ce qu’il paraît, lui qui lançait en l’air des idées «explosives» dans le sens le plus noble du terme, il y a juste quelques jours. Allez-vous vous aviser à me parler d’une autre coïncidence?
Kamal Abdallah: On ne présente plus Amir Bobah, et son militantisme est sincère. Il fait partie des initiateurs et des instigateurs qui ont mis à jour les propositions. Mais, il n’est pas seul. Au surplus, pour que le mouvement puisse avoir des effets dans la durée et avoir une vraie effectivité, il est nécessaire de créer un Conseil consultatif national qui doit être chargé de superviser et de mettre en application les propositions au fur et à mesure de l’évolution. Ce Conseil consultatif national doit être associé à la mise en application des propositions pour donner son avis à toutes les étapes. Ainsi, le «Parlement des Invisibles» prendra corps et pourra retrouver la voix qu’elle entend faire entendre désormais.
www.lemohelien.com: Peut-on donc dire que quelque chose est en train de changer aux Comores, et que le pays est entré dans une phase révolutionnaire, ou du moins dans une période de convulsions devant entraîner un changement de mentalités du pouvoir?
Kamal Abdallah: J’irais plus loin en parlant de «l’an 1 de la Révolution Ylang-ylang aux Comores», où, nonobstant des moyens limités, le peuple réclame la «Révolution ici et maintenant», après tant et tant de générations inutilement sacrifiées. Le coup d’envoi de la «Révolution Ylang-ylang» est donné aux Comores ce samedi 18 janvier 2014 et marque ainsi l’entrée dans une phase qui doit conduire à des changements de mentalités, comme cela a été fait en Tunisie, où un marchand ambulant de fruits et légumes a fait tomber Zine El Abidine Ben Ali, et comme cela a été fait en Égypte, où le Pharaon Housni Moubarak a été balayé par la révolte populaire d’une manière irrésistible. La frustration populaire crée une fièvre du changement qui balaie tout sur son passage. C’est sans aucun doute la meilleure chose qui pouvait arriver à notre pays en ce début d’année 2014. Si certains s’en étonnent, ce n’est pas mon cas, car la grogne populaire était palpable. On sentait la réprobation générale monter et gagner du terrain. Il a suffi d’une étincelle pour que tout s’embrase.
www.lemohelien.com: Est-ce que le mouvement de contestation ne va pas s’essouffler dans quelques jours, confortant les dirigeants actuels dans leur incompétence criminelle?
Kamal Abdallah: Cela n’est pas à souhaiter. Le peuple finira par marcher la tête haute vers les bunkers dans lesquels restent enfermés ses bourreaux, qui vivent loin des réalités quotidiennes du citoyen lambda abandonné à son triste sort, se débattant pour assurer sa survie. Un mouvement citoyen composé d’hommes et de femmes issus de différents horizons constitue un échantillon représentatif de la société comorienne dans sa diversité. Ces hommes et femmes ne revendiquent ni le pouvoir, ni la tête de leur bourreau, mais tout juste le droit à une vie décente, dans un cadre de vie propre, salubre, sain et vivable, une alimentation saine et répondant aux normes sanitaires appropriées, de l’eau potable, pure, fiable, dépourvue de dangers épidémiologiques qui provoquent des ravages au sein de la population. Le peuple est sacré et ne peut, ni ne doit devenir un exutoire des régimes politiques successifs. À raison, il est la colonne vertébrale de ce mouvement citoyen naissant et grandissant, et constitue le soubassement de ce mouvement de révolte. Le pouvoir est devenu acide, hérissé et piquant, et c’est encore une fois la démocratie qui est accablée face à un pouvoir illégitime et illégal qui manœuvre dans l’opacité totale. C’est quelque chose qui heurte le sens commun car il s’agit bien d’un régime politique qui se joue du triptyque illusions-trahison-mafia au pouvoir, avec une nouvelle variante de son chantage du chaos aux échelons supérieurs de l’État.
www.lemohelien.com: Faut-il donc compter sur un mouvement social comme celui du «Printemps Ylang-ylang» pour faire renaître l’espoir après tant de désillusions?
Kamal Abdallah: Nous n’avons pas le droit de tuer l’espoir, malgré les désillusions et les déboires du passé. Les convulsions nées du désespoir et de la souffrance endurée finiront par conduire au passage à l’acte. Il y a du sacré dans les larmes versées par notre peuple subissant impunément et profondément l’oppression incessante des régimes politiques successifs. C’est la marque indélébile de l’indéfectible amour qu’il a pour la patrie. Voyez-vous, la raison n’est raison qu’autant qu’elle nous touche et comme vous l’imaginez, il faut de si bonnes raisons pour vivre qu’il n’en faut pas pour mourir, car la conscience ne cesse d’enregistrer. Elle finit un beau jour de printemps par inciter à l’action pour une bonne raison, la plus noble puisqu’il s’agit de la survie de tout un chacun. Peut-on lui en vouloir alors ce n’est que de la légitime défense? De toute façon, si nous nous taisons, les roches volcaniques du Karthala hurleront de lassitudes et d’exaspérations à notre place. Gardons-nous de demander du temps car le malheur n’en accorde jamais, hélas! Il serait donc temps que dans cette situation qui fait éclore tant de sentiments d’injustices, de mépris, d’exclusion et de discrimination à l’endroit de notre peuple, qu’un sursaut de solidarité de patriotisme actif, d’orgueil et de fierté nationale s’affirme par un engagement réel, sincère et sans arrière-pensée politicienne. C’est maintenant qu’il faut se déterminer car le peuple le veut, le devoir l’exige, la patrie l’implore, la nation pleure. Une chose est sûre: le peuple est un ressort qui ne se laisse comprimer que jusqu’à un certain point et poids. Pour peu que l’on franchit volontairement ou pas la ligne rouge, le ressort réagit avec une force surprenante, comparable à un tsunami qui balaie tout sur son passage, car le genre humain, d’expérience, est comme un fleuve qui coule de la source vers la mer ou l’océan. L’heure est venue d’intervertir le rôle. Il nous faut faire peur à la peur pour la forcer à changer de camp. Il est temps que les bourreaux de notre peuple soient envahis par une panique et que les victimes d’hier ressuscitent ici et maintenant, dans la gloire.
www.lemohelien.com: Est-ce que les Comoriens sauteront un jour le pas pour déboulonner les dictateurs malveillants?
Kamal Abdallah: Deux alternatives se présentent à nous: ou nous y croyons, alors nous déployons sans nous ménager tous les efforts nécessaires et imaginables et consentons à tous les sacrifices qui s’imposent pour nous donner les moyens d’aboutir, ou alors nous doutons et tout le monde continuera à subir la loi des sans foi, ni loi, ni raison, la loi des barbares. C’est pourquoi, sans hésiter, j’en appelle aux rassemblements des forces vives de la nation pour se mobiliser sur la base d’un consensus national reposant et s’articulant sur quatre axes fondamentaux: la défense de la démocratie républicaine et populaire, la bonne gouvernance sur le fondement de la justice sociale, l’unité et la cohésion nationale, le principe intangible de la laïcité. J’implore mes frères du Front démocratique des Comores et la Jeunesse révolutionnaire qui a accompagné Ali Soilihi du 3 août 1975 au 13 mai 1978 à faire taire leurs divergences idéologiques et mettre de côté leur amour-propre et toutes leurs frustrations de prestige pour faire la paix des braves afin de pouvoir se porter au secours de cette nation suspendue à un sort incertain et à un horizon sérieusement assombri. J’ose croire que la raison l’emportera sur la stupidité humaine et sur les petites susceptibilités de personnes.
Propos recueillis par ARM
© www.lemohelien.com – Dimanche 19 janvier 2014.