Les Comores modernes peuvent-elles se passer d'instituts de sondages d'opinion? L'irremplaçable Madeleine Grawitz (1911-20...
Les Comores modernes peuvent-elles se passer d'instituts de sondages d'opinion?
L'irremplaçable Madeleine Grawitz (1911-2008) a raison de soutenir que «le sondage est né d'une impossibilité pratique: interroger individuellement toute une population à laquelle on s'intéresse, et d'une possibilité statique: décrire le tout par la partie». Cette «possibilité» est humainement et techniquement offerte aux Comores, mais à ce jour, le pays est affecté par l'absence flagrante d'instituts de sondages, et donc, du recours aux sondages. Ce manque affligeant d'un instrument de «mesure» et d'évaluation de l'état de l'opinion publique à un moment donné et sur un sujet donné favorise la fraude électorale, car, avec le recours aux sondages d'opinion, la marge d'erreur est connue – elle dépasse rarement les 2% – et quand le Toto des sondages devient le chouchou des urnes, on comprend directement qu'il y a eu trucage, manipulation et tripatouillages.
Quand on a travaillé dans une entreprise gérant la communication institutionnelle de certains hommes d'État, d'administrations publiques et grandes entreprises, dont des firmes multinationales, et quand on a été le collaborateur de l'ancêtre des journaux panafricains de France (créé en 1958), on ne peut que connaître l'intérêt des sondages d'opinion, notamment dans une société en pleine mutation, comme c'est le cas des Comores. C'est ainsi qu'on voit comment les médias «fabriquent» les hommes d'État, et comment les sondages confortent leur stature de présidentiables.
En tout état de cause, deux faits majeurs prouvent que le peuple comorien aime les sondages. Le premier, c'est quand, en 2012, un sondage d'opinion piloté à partir de la Suisse et organisé sur l'ensemble de l'Afrique a révélé que le Président comorien était le chef d'État le plus détesté et le plus haï par son peuple en Afrique. Le second, c'est quand un sondage de novembre 2013 établit que la femme comorienne était la mieux lotie de tout le monde arabe, même si l'adhésion des Comores à la Ligue des États arabes en septembre 1993 ne fera jamais des Comores un pays arabe et des Comoriens des Arabes, tout comme l'adhésion du Gabon (1% de Musulmans) à l'Organisation de la Conférence islamique, sous l'impulsion d'Albert-Bernard Bongo, devenu El-Hadj Omar Bongo Ondimba après sa conversion à l'Islam, ne fera jamais du Gabon un pays musulman. Donc, ces deux sondages ont beaucoup enthousiasmé les Comoriens.
Non seulement les sondages d'opinion permettraient de faire reculer notre sport national qu'est la fraude électorale (les confessions d'Ahmed Sambi à Mohamed Saïd Fazul sur la honte qu'est l'élection présidentielle truquée de 2010 en disent long sur le sujet), mais pourraient aussi permettre aux autorités comoriennes de comprendre la détestation et la haine que leur voue le peuple comorien, l'opinion du peuple sur la politique du gouvernement... Ceci est d'autant important que le seul «institut de sondage d'opinion» sur la popularité du chef de l'État est la peur de ne pas être vu à l'Aéroport international de Hahaya quand le Président de la République revient de l'étranger, un voyage au cours duquel les Comoriens, malgré la misère, versent dans son compte en banque 2 millions de francs d'indemnités par jour passé hors des Comores. Quand l'auguste personne revient de son bien inutile et coûteux copinage avec ses homologues étrangers et quand il voit tous ces rangs d'oignons humains alignés à Hahaya pour l'accueillir, il se gonfle la poitrine et commet la plus lourde des fautes de la part d'un homme d'État. L'analyste Saïd-Omar Allaoui explicite à merveille cette faute: «L'homme d'État boit du "Rouzouna", un délice fabriqué à partir d'un mélange de miel et d'œuf, et cela s'appelle se raconter des salades et des histoires à soi-même. C'est toujours le signe annonciateur d'une triste fin». L'homme d'État s'enferme ainsi dans un mensonge qui lui plaît, et s'autodétruit.
Donc, l'inexistence d'instituts de sondages n'aide pas le dirigeant comorien, enfermé dans son entêtement d'âne rouge et de mule. Comme le dirigeant comorien ne connaît pas la vérité, il fait tout pour l'ignorer.
Quand le dirigeant ne dispose pas d'un instrument lui permettant de connaître l'état de l'opinion publique sur un sujet donné, il est dans une situation d'handicap. L'avantage du sondage d'opinion repose sur l'anonymat et la discrétion des personnes interrogées (on ne connaît pas les personnes qui ont été sondées et ce qu'elles ont dit), bien loin des rangs d'oignons humains alignés à Hahaya pour être vus du Président de la République. De fait, tout le processus décisionnel du chef de l'État ne recourant pas aux sondages d'opinion se trouve affecté par des décisions prises au petit bonheur la chance et dans le mépris.
Citons un exemple concret. De 2003 à l'élection présidentielle française de 2007, les sondages «s'emparèrent» de Nicolas Sarkozy jusqu'à son élection à la présidence de la République, et aucun d'entre eux ne le donna perdant au cours de ces 4 ans. Il fut élu chef de l'État français en 2007. Mais, de 2008 à l'élection présidentielle de 2012, aucun sondage ne le donna gagnant, et il fut battu par François Hollande au premier tour et au deuxième de cette élection de 2012.
Attention quand même! Tout spécialiste sérieux en Science politique et en communication politique sait que les sondages peuvent influencer le choix des électeurs indécis qui, à force d'entendre que tel candidat sera élu et tel autre sera battu, se laissent entraîner par l'information ressassée et devenue «inévitable», alors que le propre de l'opinion publique est sa versatilité et ses yoyos. Or, le sondeur peut ne pas être entièrement neutre, et cela a été dit en France lors de l'élection de 2012, un institut de sondages ayant été accusé d'avoir une prédilection pour un candidat en particulier, puisqu'il appartient à telle personnalité proche de ce candidat, et essayait de s'arranger avec la vérité à son profit, mais dans une marge qui ne pouvait dépasser les 2%, pour ne pas se faire ridiculiser et se faire discréditer.
Aux Comores, les organes de propagande du crypto-sambisme, toute honte bue, souvent se couvrent de ridicule en organisant des «sondages d'opinion», qui donnent toujours gagnants Ahmed Sambi et ses séides les plus repoussants, les plus discrédités et les plus détestés. Les «sondeurs» poussent le ridicule jusqu'à «disqualifier» un homme respectable, respecté et honnête comme le Général Salimou Mohamed Amiri, parce qu'il n'est pas en odeur de sainteté dans le Temple du crypto-sambisme. C'est navrant. La marge d'erreur et de manipulation ne doit pas dépasser les 2%, sinon le sondage d'opinion est une foutaise, et ces 2% ne sont valables que quand le score est très serré entre deux candidats.
Quel que soit l'intérêt du sondage, il ne doit pas être réduit à un instrument de propagande pour un candidat, par la manipulation de l'opinion publique. Mais, on est sûr que le «sondage» organisé par le Temple du crypto-sambisme pour la candidature d'Ahmed Sambi en 2016 affichera bientôt un score à 99,99% favorable à l'homme qui a ruiné les Comores en 2006-2011 et a détruit l'avenir du pays.
Ce qui nous ramène à l'indispensable indépendance des instituts de sondages, qui ne doivent pas devenir des officines de propagande éhontée.
Par ARM
© www.lemohelien.com – Mardi 10 décembre 2013.