La « Justice » comorienne plus malade qu'avant la remise du Rapport bidon. Finalement, les deux mamelles des institutions de l'État ...
La «Justice» comorienne plus malade qu'avant la remise du Rapport bidon.
Finalement, les deux mamelles des institutions de l'État comorien sous Ikililou Dhoinine sont la simulation et la dissimulation, puisqu'il faut afficher de fausses apparences et cacher la vérité au fin fond de la vilénie, concussion et prévarication des autorités publiques. De façon générale, le Président de la République aime donner de lui l'image d'un chef d'État qui ne se soucie pas de questions de communication. Pourtant, il communique, mais le fait de façon artisanale, en banabana, croyant que c'est un domaine dans lequel on peut improviser. Quand, débonnaire et goguenard, il reçut quelques chefs d'entreprises publiques dans les jardins de Beït-Salam, début 2013, supposément pour évaluer leur comptabilité, sans aucun document comptable à la main, ni expertise indépendante, c'était de la communication, mais de la mauvaise communication. Avec les juges, il fit pareil, les recevant en grande pompe le 11 octobre 2013, et les sommant de lui remettre un Rapport sur l'institution la plus décriée et la plus détestée du pays, au même titre que la Présidence de la République, bien évidemment.
Après deux semaines de retard, le fameux Rapport finit par être remis au chef de l'État le lundi 25 novembre 2013, mais dans une ambiance délétère, celle de l'échec. Forcément, il y a problème, et c'est un grand problème. Il y a malaise. Et le malaise est d'autant plus réel que 10 des 26 magistrats comoriens ont refusé de cautionner une immense mascarade de relations publiques. En plus, sur les 26 magistrats comoriens, seuls 9 ont été associés à la démarche, et le Président de la République a manqué une occasion de mettre en harmonie ses actes avec ses déclarations publiques larmoyantes et émouvantes, car, en faisant du Procureur général Soilihi Mahmoud le pivot de la démarche, il demanda à un tueur en série de lui rédiger un manuel de Droit pénal, et le Code pénal en prime. C'est une injure faite à la «Justice» comorienne, et les divisions des magistrats apparues lors de la rédaction du Rapport n'augurent rien de bon. La présence de Soilihi Mahmoud au sein de la commission des magistrats est du pire effet, et les magistrats qui ont pris le maquis judiciaire n'ont pas manqué de le signaler.
Un magistrat est tellement indigné qu'il relève que le Procureur général Soilihi Mahmoud «a conduit les travaux. Mais, nous sommes bien conscients qu'il a voulu cacher certaines choses. Il est lui-même cité publiquement et à travers la presse dans plusieurs affaires de corruption au sein de l'appareil judiciaire». En plus, les magistrats exclus de la rédaction du Rapport estiment que celui-ci a beaucoup versé dans les lieux communs, en soulignant les maux que tous le monde connaît déjà, et en considérant que la corruption de la «Justice» aux Comores est dans l'ordre naturel des choses car la coutume comoriennecharrierait une culture de corruption. C'est une façon très drôle de se défendre et de justifier une corruption touchant l'institution qui devait la combattre: «Ce phénomène est généralisé au sein de la société comorienne et la Justice n'est pas épargnée», soulignent avec «courage et bravoure» les rapporteurs. Tout s'explique donc, et tout s'excuse. Avec une mauvaise foi bien consommée, les rédacteurs du Rapport bidon ajoutent que la «Justice» se porte mal parce que la Commission nationale de Lutte contre la Corruption ne fait pas son travail. Or, la Commission date de moins de deux ans, alors que les problèmes de la «Justice» comorienne remontent à plusieurs décennies.
L'indépendance de la «Justice» est l'un des maux les plus récurrents de cette institution désignée à la détestation et au mépris des Comoriens. Or, pour obtenir celle-ci, il faut faire comme aux États-Unis, où cette indépendance est obtenue au prix de l'élection des Procureurs des différents États fédérés. Un Procureur élu n'a de comptes à rendre qu'à ses électeurs et à sa conscience. Aux Comores, faute de moyens, cette élection pourrait se limiter aux membres de la magistrature, et aurait permis d'éloigner les Soilihi Mahmoud de l'appareil judiciaire. Et, on sait que le Procureur général a été nommé et envoyé en mission d'escamotage et de sabotage des dossiers par le chef de l'État lui-même. En plus, une Commission déontologique au sein de la «Justice» comorienne aurait permis de juger et de sanctionner les magistrats qui seraient coupables d'actes incompatibles avec leur métier. Le Rapport bidon évoque le sujet relatif à la formation des magistrats, mais ne dit rien sur les faux diplômes présentés dans toutes les institutions publiques comoriennes, y compris à l'appareil judiciaire.
Même le Mufti de la République est conscient de l'inanité du Rapport bidon, estimant qu'«il serait mieux de confier d'autres études à des personnes qui ne sont pas magistrats afin d'avoir un travail consistant, qui contribuera à l'amélioration de la qualité de la Justice du pays». Ça, c'est vrai, et des Comoriens qui ne sont pas impliqués dans cette «Justice» décriée vont bientôt remettre leur Rapport non sollicité au chef de l'État, même si ce dernier va demander à dame-pipi de le jeter dans les chiottes de Beït-Salam. Il y aura une bonne publicité sur ce Rapport de la réalité et de la sincérité, pour que le chef de l'État ne puisse pas dire qu'il n'était pas au courant.
On nous dit que le chef de l'État aurait un Conseiller juridique, et que ce dernier, dans un élan de lyrisme tropical a déclaré: «Des situations devaient s'améliorer afin de redonner à la population la confiance en la Justice. On peut être jugé et attendre deux ans sans que le jugement soit rédigé, ou être placé en détention durant deux ans sans être jugé; c'est ce qui pousse la population à nous dire que ça ne va pas». Comme c'est touchant. Et s'il n'y avait que ça pour faire le malheur de la «Justice» comorienne et engendrer la méfiance!
Comme à son habitude, en recevant le Rapport des mains des magistrats, le chef de l'État a été tellement émouvant qu'il aurait pu faire pleurer. Il n'arrive même pas à convaincre les gogos quand il proclame qu'«à plusieurs reprises, j'ai rappelé que si le pays n'est pas doté d'une Justice juste, nous ne pouvons pas envisager un développement. Nous devrons travailler ensemble afin d'aboutir à la mise en place d'une Justice de qualité et qui redonnera confiance à la population». Tu peux toujours rêver, car cette confiance est perdue depuis longtemps, et ce ne sont pas des mots qui vont la restaurer. Mais, le chef de l'État insiste sur le registre de la confiance perdue: «Il serait dommageable de perdre la confiance avec les citoyens car c'est la Justice sociale qui s'en suivra». Après le mot «citoyens», la deuxième partie de la phrase est très mal rédigée, mais avec beaucoup d'efforts, on comprendra que le chef de l'État voulait dire que la Justice sociale allait en pâtir. Monsieur le Président, la confiance du Comorien envers la «Justice» de son pays n'existe plus. Il faudra l'admettre. C'est fini.
On est obligé de verser des larmes chaudes quand on apprend de la bouche de l'inimitable Procureur général Soilihi Mahmoud la belle péroraison suivante, s'agissant du magistrat qui aurait «fauté»: «Ce magistrat doit être jugé car personne n'est au-dessus de la loi, et la sanction peut aller jusqu'à la radiation. Le magistrat doit savoir qu'il prend une décision en son âme et conscience, mais pas pour d'autres motivations et nous sommes d'accord d'être jugés». Comme on dit à Mohéli, «c'est joli de donner des conseils à un enfant», étant sous-entendu que surtout quand soi-même on ne peut pas appliquer lesdits conseils.
Quand le Président de la République dit qu'il y aura plus d'«interférences» sur la «Justice», nous ne demandons qu'à le croire, mais nous le croirons que lorsqu'il fera juger les mauvais enfants de la République et quand il admettra que son chouchou, Soilihi Mahmoud, se trouve non pas dans la solution mais dans le problème. Tous les Comoriens sérieux le disent. Ils sont indignés. Écœurés. Définitivement.
Le Président a eu l'occasion de se donner en spectacle, mais n'a apporté aucune solution à la «Justice» comorienne, qui reste entre les mains de magistrats dont certains n'y ont pas leur place. Lors de la présentation du Rapport bidon, l'individu-État, le Vice-président Nourdine Bourhane était partout. Au moins, lui sait se rendre visible et accessoirement se convaincre qu'il est indispensable. C'est toujours ça de gagné. C'est dans l'air du temps.
Par ARM
© www.lemohelien.com – Mercredi 27 novembre 2013.
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