09 Novembre 2013 Honorable assistance, Mesdames et Messieurs, « L’enfant est l’avenir de l’homme », nous le savons ; nous l...
09 Novembre 2013
Honorable assistance,
Mesdames et Messieurs,
« L’enfant est l’avenir de l’homme », nous le savons ; nous le croyons ; alors nous devons le proclamer, le marteler tous les jours jusqu’à ce que cet adage devienne une réalité dans notre pays.
Nous sommes réunis ici aujourd’hui, Mesdames et Messieurs, car lorsque la Ministre de l’Emploi, Madame Sitty Kassim, m’alerta de la situation relative au travail des enfants, et après avoir parcouru le rapport TIP de 2012 sur la traite des personnes, classant notre pays sur la liste de surveillance de catégorie 2, j’ai décidé, en accord avec le Gouvernement, d’organiser ces Assises Nationales.
Nous avons tenu à organiser ces assises car l’importance de la question nécessite de créer, d’urgence, une dynamique de sensibilisation et de mobilisation sociale, en vue d’éradiquer ce fléau.
Il est vrai qu’il est de tradition dans notre pays, pour des familles un peu plus aisées d’accueillir chez elles des enfants dont les parents sont décédés ou ne sont plus en mesure de les prendre en charge.
Ces enfants participent aux taches ménagères tout comme les enfants de la famille d’accueil et poursuivent leur scolarité. C’est ça le sens primaire de cette solidarité que nous connaissons tous.
Or, de nos jours, des études ont révélé que ce qui était une tradition de solidarité a pris la forme d’une exploitation d’enfants qui sont utilisés dans le travail domestique, mais aussi en tant que marchands ambulants, enfants travaillant dans les champs ou exploités dans le secteur du bâtiment.
Cette main d’œuvre enfantine englobe une diversité d’enfants et l’étude réalisée en octobre 2000 par le Commissariat Général au plan et l’UNICEF intitulé « L’analyse de la situation des enfants et des femmes aux Comores », a établi les différentes causes de ce phénomène dont, notamment la non-scolarisation et la déscolarisation précoce des enfants, la pauvreté des ménages, les défaillances de la législation en la matière.
Je voudrais souligner ici que cette situation du travail des enfants est en contradiction avec la législation comorienne qui est plutôt favorable à la protection de l’enfant.
Et comme le dit l’adage :« Kayiri ouwona ndro rahana ouka ndro » ; cette sagesse comorienne nous appelle à privilégier le bonheur de nos enfants au nôtre et constitue une de nos valeurs fondamentales.
Elle doit alors nous inspirer et nous guider davantage dans nos actions sociales et de développement pour un avenir radieux de nos enfants et de notre société.
Honorable assistance,
Exploiter et maltraiter les enfants c’est agir contre la nature et contre les valeurs humaines. C’est aussi agir contre les droits humains et les principes de l’Islam notre religion.
Je suis donc très heureux de votre participation massive à ces assises et vous adresse mes remerciements pour cette mobilisation qui marque l’intérêt que vous portez à la nécessité d’œuvrer de concert pour trouver une solution à ce sujet.
La question de la traite des enfants étant très délicate, je voudrais que vous partagiez vos vues sur la situation de l’enfant qui reste encore dans plusieurs de nos localités, de nos îles l’objet de diverses formes d’exploitation et notamment les abus sexuels.
Je voudrais que durant vos travaux, vous portiez votre regard sur les dizaines d’enfants qui n’ont malheureusement pas d’avenir dans notre pays du fait de la non scolarisation et de l’absence de soins médicaux.
Je voudrais qu’ensemble vous examiniez les voies et moyens de faire en sorte que l’enfant comorien puisse avoir la chance de grandir, de manger à sa faim, de se faire soigner, de s’éduquer afin de contribuer, plus tard, au développement de son pays.
C’est dire, Mesdames et Messieurs combien la lourde tâche qui vous incombe est noble et mérite bien la tenue d’assises de cette envergure dans notre pays, l’Union des Comores.
Ces assises constituent, en effet, l’occasion pour nous, de faire un état de lieu du travail des enfants dans notre pays et de définir les orientations et mesures à prendre pour stopper ce phénomène qui risque de nuire, à moyen et long terme, aux efforts du Gouvernement, pour consolider la démocratie et l’état de droit pour un développement durable.
Il est évident que cette situation n’est pas l’apanage des Comores.
Selon le rapport mondial sur le travail des enfants élaboré par le BIT, le nombre d’enfants travailleurs dans le monde s’élevait à 215 millions en 2008, dont plus de la moitié étaient astreints à des travaux dangereux.
Ces chiffres soulignent donc l’ampleur des défis auxquels la communauté internationale, y compris notre pays, est confrontée.
Fort heureusement, il ressort de l’analyse mondiale du phénomène que des progrès dans la lutte contre le travail des enfants sont non seulement possibles mais aussi une réalité dans plusieurs pays, grâce à la mise en place d’un système de protection sociale jouant un rôle crucial dans l’atténuation des vulnérabilités.
C’est ainsi que je tiens à ce que ces Assises identifient les voies et moyens de mettre en œuvre rapidement la stratégie nationale de 2004 sur la protection des enfants les plus vulnérables aux Comores, sur la base des bonnes pratiques et de nos réalités socioculturelles en intégrant la Feuille de route pour l’élimination des pires formes de travail des enfants d’ici 2016, adoptée lors de la Conférence mondiale sur le travail des enfants à La Haye en 2010.
Notre pays a, d’ores-et-déjà, ratifié 29 conventions relatives aux normes internationales de travail notamment les conventions 138 et 182 relatives sur l’âge minimum et sur les pires formes de travail des enfants ainsi que la convention relative aux droits de l’enfant en 1993.
De même la constitution de notre pays proclame, dans son préambule, le droit de l’enfant et de la jeunesse à être protégés par les pouvoirs publics contre toute forme d’abandon, d’exploitation et de violence.
En outre, la loi relative à la protection de l’enfance et à la répression de la délinquance juvénile dispose dans son article 1er que « L’enfant occupe au sein de la famille une place privilégiée. Il a droit à une sécurité physique, matérielle et morale aussi complète que possible ».
Enfin, le nouveau code de travail adopté en juin 2012 interdit le travail des enfants et stipule en son article 129 que l’enfant ne peut être employé comme salarié ni travailler pour son propre compte avant l’âge de quinze ans.
A cela s’ajoute :
l’élaboration en 2009, d’un Plan d’action national pour l’Elimination des Pires Formes de Travail des Enfants avec l’appui du Bureau International du Travail et du Programme International de Lutte contre le Travail des enfants et,
l’élaboration d’une liste sur les travaux dangereux interdits aux enfants mineurs et qui doit être revue au cours de ces assises.
Par toutes ces dispositions, l’Etat comorien a voulu placer la protection des droits des enfants parmi ses grandes priorités.
Toutefois, en dépit de l’existence de ce cadre législatif et règlementaire favorable, l’exploitation des enfants par le travail, continue de prendre des proportions inquiétantes dans notre pays.
Certes, des progrès ont été enregistrés au cours de ces dernières années et notamment l’harmonisation progressive de la législation nationale par rapport à ses engagements internationaux et la mise en place, en partenariat avec l’UNICEF, des cellules d’écoute pour les enfants victimes de violence.
De même le code de la famille a été adopté et garantit, dans le respect de la culture et des traditions, les droits et les devoirs de chaque membre (femme, homme et enfant) au sein de la famille et préserve l’équité et la stabilité dans la cellule familiale.
Mais, il faut reconnaître que notre pays n’a pas encore atteint ces objectifs visant à briser les stéréotypes et les tabous liés au travail des enfants, pour un changement réel de mentalités de la société.
Il n’a pas encore pu introduire dans le pays des mesures dissuasives et contraignantes ni mettre en place un mécanisme pérenne de mise en œuvre et de suivi effectif des programmes prévus.
C’est donc sur ce travail laborieux que je voudrais que vous vous atteliez tout au long de ces assises pour que cette lutte contre la traite des enfants deviennent une réalité et que notre pays consolide sa crédibilité.
Il appartiendra par la suite, aux services publics et aux acteurs du développement, de traduire ces orientations et mesures en plans d’actions opérationnelles de mise en œuvre.
Il faudra aussi des actions de renforcement des structures et mécanismes institutionnels, car une lutte efficace contre l’exploitation des enfants requiert l’appropriation et la maîtrise des outils et techniques d’analyse et de suivi de la situation des enfants à tous les niveaux et dans tous les secteurs d’activités.
La société civile aussi, a un grand rôle à jouer notamment en matière de mobilisation sociale et de plaidoyer.
Mais le rôle le plus important revient bien évidemment à nous les pouvoirs publics qui devons procéder aux différentes réformes et veiller à leur mise en œuvre effective.
C’est pourquoi, je réaffirme ici et solennellement, mon engagement personnel et celui du Gouvernement à œuvrer pour l’élimination des pires formes de travail des enfants d’ici 2016 et ce conformément à la Feuille de route de la Haye.
Mesdames, Messieurs,
Aujourd’hui, ces assises sont pour mon Gouvernement l’occasion de réaffirmer ses engagements pris à travers la ratification des principales conventions internationales qui protègent les droits de l’enfant.
Nous sommes conscients qu’une bonne législation ne suffira pas pour éradiquer ce mal.
Il faudra un travail de sensibilisation à tous les niveaux, de l’école coranique à l’Université et des secteurs de l’économie formelle à l’informel.
Il faudra aussi mettre en œuvre des mécanismes de prévention et de prise en charge intégrale de l’enfant qui mettent à disposition les capacités de participer dans la lutte contre ce fléau.
Il est inadmissible qu’à l’aube du troisième millénaire des enfants n’aient pas le minimum de confort et d’encadrement pour en faire de vrais citoyens.
Il est inadmissible que des enfants n’aient pas ce qui leur faut, pour vivre une enfance tranquille propice à l’épanouissement.
Toutefois, cette responsabilité de veiller au bien-être de nos enfants ne revient pas uniquement au gouvernement, il nous incombe à tous d’y apporter notre contribution.
Alors, élevons, Mesdames et Messieurs, notre voix, haut et fort, pour opposer un refus catégorique à toutes ces formes d’exploitation de l’enfant et combattons de toutes nos forces, ces pratiques inhumaines et dégradantes !
Il est évident que si certains pays trouvent les ressources nécessaires pour engager une politique nationale de défense des droits de l’enfant, bon nombre de pays comme le notre, ne peuvent assumer seuls l’efficacité de cette responsabilité.
Alors, je lance aussi un appel à l’endroit de nos partenaires au développement pour qu’ils nous accompagnent à travers leur appui technique et financier, dans ce combat légitime que nous menons pour l’avenir de nos enfants, l’avenir de ce beau pays.
Honorable assistance,
Mesdames et Messieurs,
Avant de terminer mon propos, j’adresse mes sincères remerciements à nos partenaires du Système des Nations Unies, pour leur appui technique et financier sans cesse renouvelé en faveur des droits des enfants et à toutes les institutions et personnes qui, de près ou de loin, ont contribué à la réussite de cette journée.
J’adresse mes félicitations au Ministère en charge de l’Emploi et du Travail et à tous ceux qui ont contribué à l’organisation réussie de ces assises.
Je reste confiant que ces assises nous permettront de nous unir contre le travail et l’exploitation des enfants, car tant qu’il y aura un seul enfant sans lendemain dans ce monde, nous devons considérer que notre œuvre reste inachevée.
C’est sur ce que je déclare ouvertes, les assises nationales sur la traite des enfants, aux Comores.
Vive l’Enfant et ses droits,
Vive la Solidarité Internationale,
Je vous remercie