Conseil général de Mayotte : un désastre social sur un département français

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“Il est urgent de placer les PMI sous tutelle de l'État” Il paraissait impossible de trouver pire état que celui des écoles à Mayotte...

“Il est urgent de placer les PMI sous tutelle de l'État”

Il paraissait impossible de trouver pire état que celui des écoles à Mayotte. Et bien si, c'est possible avec les PMI du conseil général. France Mayotte a visité le centre de Passamainty et ce n'est pas le pire, et il est permis de parler de tiers monde. L'écoeurement est là, la protection sociale, gérée par collectivité est tout simplement indigne d'un département français.
Le président de la commission santé et action sociale au conseil général Jacques Martial Henry l'a dit en séance plénière à maintes reprises, les PMI (Protection Maternelle et Infantile) de Mayotte manquent cruellement de moyens et travaillent dans des locaux d'un autre temps. France Mayotte est donc allé sur place pour se rendre compte de la situation qui après constat, est tout bonnement dramatique. Planqué sur un grand terrain de Passamainty, derrière le dispensaire tenu par le CHM, la vision est choquante. Des femmes, des enfants sont assises sous un abri avec quelques chaises, certaines mamans sont même par terre à l'ombre de vulgaires containers, des algeco vétustes dont le provisoire a visiblement duré bien trop longtemps.


Une jeune fille donne à manger à la cuillère à un nourrison, à côté d'une poubelle… Il n'y a pas de toilettes, pas de point d'eau pour les patientes obligées d'aller derrière les locaux pour trouver un peu d'intimité, à même le sol tout juste à l'abri des regards. Des poules picorent avec leurs poussins, sur le terrain vague où trônes des épaves, des bouts de métal, une vieille étagère dézinguée, une caisse rouillée et une herbe folle cuite par le soleil croulant sous les papiers gras et autres canettes. Les conditions d'accueil relèvent d'un autre temps, ou plutôt de celle offertes par un pays du tiers monde, certainement pas d'un département français. La honte est là, le sentiment de dégoût mêlé à l'incompréhension. Car le taudis contraste avec le dispensaire mitoyen du centre. Dispensaire géré par l'hôpital, fraîchement repeint, à la pharmacie bien équipée et bien remplie. Dans le PMI, le frigo de vaccins pour les enfants est vide, comme la plupart du temps. Un gros frigo dans un minuscule bureau où une mère et un enfant ont bien du mal à se présenter sans renverser une pile de dossiers, une boîte de médicaments, quand il y en a. Les personnels sont dépassés, écoeurés, ils tentaient d'oublier cette misère ambiante, ces conditions de travail ignobles, aujourd'hui ils ne peuvent plus car ils manquent désormais de tout. Depuis 3 ans la situation s'est dégradée, les compresses sont comptées, quand il y a des vaccins, il n'y a pas de seringues. Le papier pour l'hygiène des femmes lorsqu'elles se couchent sur le lit de soins a disparu. La sage femme du centre explique qu'elle est obligée de demander aux dames de placer leur propre salouva pour se protéger.


 Elle conserve les dernières feuilles pour les frottis… Les tests d'urine sont périmés, le brassard de l'appareil pour prendre la tension est déchiré, il n'a pas résisté à 6 ans d'usage. Quelques points de couture ont été tentés, car il ne sera pas remplacé. Il n'a pas d'étagères ni de lieu de stockage des archives qui s'entassent dans le minuscule cabinet, le savon si primordial pour se laver les mains commence à manquer. Il ne faut plus utiliser qu'une feuille pour s'essuyer et espérer que demain, peut-être les commandes qui ont été faites seront arrivées. Des commandes envoyées au service santé du conseil général où un pharmacien les reçoit. Mais ce n'est pas lui qui rempli les cartons, ce sont les chauffeurs et ils n'y connaissent rien. Parfois, les caisses arrivent vides. Que s'est-il passé ? Personne ne le sait de toute façon il ne faut rien dire. La direction veille, il ne faut pas que ça se sache, un scandale est si vite arrivé. Des courriers sont envoyés pour dénoncer la crise, cette situation intolérable, les réponses arrivent sous forme de menaces… Il n'y a plus de dossiers médicaux au format légal, des faux sont donc produits avec de simples chemises cartonnées achetées sur fonds propres du personnel, comme le papier A4 ou les stylos. Un superbe appareil 3D pour les écographies a bien été acheté, “un standard aurait été plus adapté, cela aurait coûté moins cher et nous aurions pu acheter des fournitures essentielles” explique la sage femme dépitée montrant son bureau si étriqué qu'il ne peut accueillir une personne de forte corpulence. Ce qui n'est pas pratique lorsque l'on s'occupe des femmes enceintes. Le PMI traite également la contraception, pourtant il y a longtemps qu'il n'y a plus de préservatifs à distribuer. Les références pilules ont été divisées par 2, il faut aller quémander souvent à la pharmacie du dispensaire pour soigner. Mais l'hôpital n'est pas le PMI qui dépend du département et non d'un service d'État.


“Il faut placer sous tutelle toutes les PMI de l'île, il faut que l'État intervienne, nous courons à la catastrophe sanitaire. Il faut qu'un oeil observe et corrige tout ce qui se passe…” claironnent les personnels au bout du rouleau. Mais que fait l'État justement ? L'Agence Régionale Santé n'est-elle pas là pour contrôler l'état sanitaire des PMI ? Si, elle est d'ailleurs parfaitement au courant et ne bouge pas, car n'importe quel contrôle de base interdirait immédiatement l'accueil des personnes dans de telles conditions. C'est sale, dangereux, démunis d'outils de travail adaptés, de sanitaires, de sécurité, de médicaments, de fournitures de soins… Que fait l'IGAS, l'Inspection Générale des Affaires Sociales ? Rien, elle assure ses missions à Mayotte, régulièrement, mais jamais dans les PMI totalement oubliées. La commission d'hygiène et de sécurité ? Elle n'est jamais venue ! Et les choses se compliquent encore, il n'y a qu'un véhicule pour toutes les PMI de l'île. Il est alors difficile d'aller chercher les résultats d'analyses des patients, des malades qui ne peuvent se déplacer. Pourtant, il n'en manque pas de véhicules le conseil général qui pour mémoire a l'obligation de gérer, de faire fonctionner dans les meilleures conditions possibles les PMI.

Mais la loi n'est guère respectée, crise financière oblige. Un FIM à 300 000 euros vaut donc bien mieux que ces laissés pour compte qui redoutent déjà la saison des pluies. Le centre sera alors un bourbier, les femmes et enfants n'auront pas d'abri. Tout sera alors encore plus dur alors qu'il paraissait impensable d'imaginer un enfer plus pénible que celui vu ce 2 octobre 2014. Ce soir, la cour sera transformée en terrain de jeu, le portail rouillé et troué ne ferme pas. Il y aura une tentative de cambriolage, comme si souvent, des bagarres, des déchets jetés. Il n'y a pas de gardien non plus alors que le conseil général n'en manque pas de gardiens… Après les écoles primaires, ce sont aujourd'hui les PMI qui payent le prix fort. Le système s'écroule dans la plus grande indifférence, que ce soit celle du département ou de l'État. La mission de s'occuper des femmes enceintes, de les suivre après l'accouchement, de soigner leurs enfants, de proposer une contraception, d'apporter un soutien psychologique n'est donc pas si importante que cela. Certains disent que la santé a un prix, d'autres qu'elle n'en a pas, dans les PMI, elle a celui de l'importance que les élus veulent bien lui donner, c'est-à-dire rien !


LE MONDE OUBLIÉ DES PMI : La Protection maternelle et infantile ou PMI, est un système de protection de la mère et de l'enfant, créé en France par une ordonnance du 2 novembre 19451. La PMI a joué un rôle précurseur dans la distribution de la pilule contraceptive. Elle est actuellement gérée par le Conseil général, il s'agit d'une compétence obligatoire et exclusive, qu'il doit budgétiser chaque année. Une PMI se situe souvent dans les centres médico-sociaux. Cela permet notamment un travail en étroite collaboration entre infirmiers en puériculture, psychologues, les médecins de PMI, les sages-femmes de PMI, les assistants de service social et les éducateurs de jeunes enfants. Bien évidemment, ce n'est pas le cas à Mayotte où les PMI sont accolés aux dispensaires. Celui de Jacaranda va d'ailleurs déménager, cela fait 3 ans que le conseil général est prévenu et n'a pas bougé. Où ira le centre ? Mystère… Que dire encore de la PMI de Koungou où les limites de l'insupportable sont dépassées. La misère la plus absolue se presse dans ces locaux d'un autre âge où la pluie coule par les toits quand il pleut. Il n'y a plus rien et bien souvent les personnels envoient les patients vers l'ONG Médecins du Monde.
Source : France Mayotte matin
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