Et si les malheurs des Comoriens venaient du profil de leurs chefs d' État?

Palais de Beit Salam

Descente aux enfers de la fonction de Président de la République aux Comores.

Il s'appelait Lord Bryce et, à la fin du XIXème siècle, il a écrit un livre magnifique, traduit en français en 1912-1913 sous le titre: La République américaine. De l'avis des initiés, ce livre est formidable et se signale notamment pas son Chapitre XX, que les experts qualifient unanimement de «curieux», en ceci qu'il est intitulé: «Pourquoi les grands hommes ne seront pas choisis Présidents». Cela suppose qu'aux États-Unis, du vivant de Lord Bryce, le chef de l'État ne pouvait être un homme d'envergure, mais un États-Unien bien moyen, et que cela change la pente du régime politique, puisque le vrai pouvoir glisse vers le Parlement fédéral, le Congrès, à telle enseigne qu'on parle de «Gouvernement congressionnel». Dès lors, le vrai foyer devient le Capitole, et la Maison Blanche fait de la figuration, jusqu'à ce qu'un chef d'État charismatique et doté d'un vrai sens du pouvoir reprenne les choses en main et ramène le pays à la fameuse «présidence impériale», chère à Arthur Schlesinger. Aux Comores, on n'est ni dans une logique de «Gouvernement parlementaire», ni dans une «présidence impériale», mais dans un régime politique fade, obscur, sans chef, ni direction.

En réalité, Ali Soilihi et Ahmed Abdallah Abderemane avaient l'étoffe de vrais présidents, avaient le sens de l'État, étaient des meneurs d'hommes et étaient doués d'une autorité toute naturelle. Mohamed Taki Abdoulkarim était le «bien-aimé», le seul Président comorien qui pouvait se targuer d'avoir un vrai fief, le Hamahamet, d'avoir fidélisé ses troupes même quand il n'était pas au pouvoir, d'avoir un prestige d'Empereur, d'être considéré comme un Roi et non comme un Président de la République, d'être adulé et même adoré par ses hommes, même s'il n'a pas su capitaliser cet atout majeur pour donner aux Comores une vraie direction, un vrai sens de l'État et de vrais repères. Il a échoué aux portes du «Réhémani», le Paradis, qu'il avait promis aux Comoriens en 1996. Il n'a pas su exploiter son génie politique, son autorité sur ses troupes, sa très longue expérience politique et la fidélisation et fidélité de ses troupes, pour relever le défi que lui lançaient les Comores.

En même temps, il faut reconnaître que la descente aux enfers de la fonction présidentielle a commencé avant son accession au pouvoir en 1996, puisque Saïd Mohamed Djohar (1989-1995) a ramené cette fonction à son niveau le plus exécrable, l'a dénaturée, lui a ôté tout son prestige et en a fait une coquille vide. Jamais l'autorité et le prestige du Président n'avaient été aussi chahutés avant, d'une telle manière, puisque Ali Soilihi et Ahmed Abdallah étaient de vrais Présidents, des chefs d'État qui incarnaient à merveille la fonction de chef d'État, et qui assumaient cette dernière avec un prestige inégalé et un rare sens de l'autorité et de l'État. En instaurant la «gendrocratie», Saïd Mohamed Djohar a fait effondrer l'édifice institutionnel des Comores, et la fonction présidentielle s'en trouva engloutie, remuant à peine sous le poids des gendres en compétition. Mohamed Taki Abdoulkarim ne fit rien pour la relever de la poussière que soulève le taxi-brousse sur la piste non goudronnée.

Tadjidine Ben Saïd Massonde était un Président de transition, et ne resta au pouvoir que de novembre 1998, à la mort de Mohamed Taki Abdoulkarim, à avril 1999, quand il fut renversé par le Colonel Azali Assoumani. Le Colonel Azali Assoumani avait fait de son régime politique le foyer de l'affairisme et du népotisme, sans apporter des solutions particulières aux problèmes auxquels est confronté quotidiennement le Comorien. Sa présidence a été un pis-aller, le vide par la vacuité. Puis, vint Ahmed Sambi, dont le mandat présidentiel était transformé en stratégie de la bouche éternellement ouverte, en diarrhée verbale: blabla et reblabla. Blabla et reblabla.

Comme les peuples aiment qu'on leur mente, Ahmed Sambi se trouva rapidement dans son élément, dans un pays déboussolé, sans repères, ni direction, ni orientation, où le premier venu qui sait manier le verbe peut se mettre dans un coin de la rue et promettre le Ciel à un peuple qui veut qu'on lui mente, encore et encore. En octobre 2010, alors que son mandat était plus proche de sa fin que de son début, il fit applaudir à mort les Mohéliens, à qui il promettait la construction, sur leur île, d'un aéroport international. Rien que ça! Il disait que le projet était déjà accepté par les «Arabes» et qu'il était dans son sac, qu'il montrait effrontément et ignominieusement à des Mohéliens pleurant et dégoulinant de joie et de reconnaissance! La suite, tout le monde la connaît: c'est un hangar antédiluvien et brinquebalant qui continue à souhaiter hideusement et vilainement la bienvenue à ceux qui visitent cette belle île que personne ne veut mettre en valeur.

Quand, finalement, le 26 mai 2011, Ikililou Dhoinine fut autorisé à commencer son mandat de Président, les chancelleries étrangères savaient tout de ce qui allait se passer. Et, ce qui a été prévu est ce qui est arrivé: on a assisté à l'émergence de la présidence du probable et du peut-être, au-dessus de laquelle trône la Première Dame, la véritable détentrice du pouvoir de l'État. Quand, en janvier 2011, on avait mis sous mon nez une note officielle établie par une chancellerie étrangère prévoyant ce dévoiement de la fonction présidentielle, par un pieux mensonge et une hypocrisie bien consommée, j'avais nié l'indéniable, et je fus rapidement rattrapé par la réalité.

 Jamais donc l'autorité du chef de l'État comorien n'a été à un niveau aussi bas. Pour la première fois de son Histoire, l'État comorien est dirigé par une femme, qui n'a été élue par aucun Comorien. Elle règne par auto-proclamation, par auto-désignation. Avant, les femmes de chefs d'État agissaient en coulisses. Cette fois, elle agit au grand jour, sapant l'autorité et le prestige de celui qui a été élu Président par les Comoriens. Jamais des rumeurs aussi folles et peu glorieuses ne sont venues de Beït-Salam.

Au-delà de ces péripéties politico-matrimoniales dominantes, force est de constater que si les Présidents Ali Soilihi et Ahmed Abdallah pouvaient s'appuyer sur des hommes qui avaient la maîtrise de leurs dossiers, depuis, c'est le sauve-qui-peut. On ne retrouve plus ces cadres chevronnés auprès du chef de l'État, même dans la «République des Imberbes», tant daubée et caricaturée. En dehors d'Azali Assoumani, formation militaire oblige, aucun autre chef d'État comorien n'a la moindre notion de Droit et d'Économie. Cela étant, un Président qui ne connaît rien en Droit et en Économie se fait laminer par un entourage lui-même limité car quand on est vraiment limité, on ne recherche que la compagnie d'autres personnes limitées. Cette limite intellectuelle s'applique même au Président diplômé de l'Université, mais qui n'a pas été formé en Gestion publique et qui ignore tout de cette dernière.

Naturellement, le Comorien, retranché dans son monde mental, continue à scander: «Il n'y a pas d'école pour apprendre à devenir Président ou ministre». Ah oui? Pourtant, dans une grande puissance institutionnelle comme la France, à une écrasante majorité, les hommes et les femmes d'État ont été formés à l'École nationale d'Administration (ÉNA) et à l'Institut d'Études politiques (Sciences po). En même temps, on constatera qu'aucun Président français, états-unien, russe, chinois () n'a un Doctorat. Depuis le départ de Laurent Gbagbo et de Maître Abdoulaye Wade de la présidence de la Côte-d'Ivoire et du Sénégal, les seuls chefs d'État qui, à ma connaissance, ont un Doctorat, sont le Roi Mohammed VI du Maroc et Ikililou Dhoinine. Ici, ce qui importe le plus, ce n'est pas le prestige incommensurable du diplôme, mais le domaine dans lequel il a été préparé. Un Président cosmonaute

Mais, aux Comores, on se complaît dans la haine de la «Nomenklatura polytechnicienne» et de «l'aristocratie du diplôme» , chères à Ali Benhaddou , et on souhaite le développement des Comores. Alors, Comores, développez vous dans la haine du savoir faire, de l'expertise et de la compétence. En tout cas, comme l'a si bien dit Lord Bryce « les grands hommes ne seront pas choisis Présidents», et on se contentera de la médiocrité , de ce qu'il y'a de plus médiocre. 

Par ARM - lemohelien
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