L’inaccompli et l’inachevé, 38 ans après l’indépendance des Comores

Charles de Gaulle, ancien Président de la République française, nous apprend que «le sentiment national est naturel à toutes les nations,...


Charles de Gaulle, ancien Président de la République française, nous apprend que «le sentiment national est naturel à toutes les nations, à tous les pays. Il est aussi naturel que l’amour filial ou que l’affection familiale. Il est souhaitable qu’une nation veuille vivre, se défendre et se perpétuer. Un peuple n’est bien dans sa peau que s’il forme une nation indépendante». Cf. Alain Peyrefitte: C’était de Gaulle, Tome 1, Éditions de Fallois – Fayard, Paris, 1994, p. 295.

Cette parole de Charles de Gaulle nous rappelle l’indépendance des Comores, qui fut proclamée le 6 juillet 1975, d’une façon unilatérale, c’est-à-dire sans le consentement du colonisateur. Après trente-huit ans d’indépendance, il est normal que les enfants de ce pays fassent un bilan total des voies suivies depuis 1975. Il est, d’emblée, un devoir de notre part de remercier ceux qui ont eu le courage de lutter contre le colonisateur et ceux qui ont eu l’intelligence de proclamer cette indépendance, dans des conditions très difficiles. Grâce à eux, aujourd’hui, on a une nation, un pays et un peuple. Certes, l’indépendance est inachevée tant au niveau territorial qu’économique. L’occupation d’une partie du territoire comorien, Mayotte, par l’ancien colonisateur, rend notre indépendance inachevée.

L’indépendance est également inachevée du fait que nous utilisons, depuis la colonisation jusqu’à ce jour, la même monnaie, celle du colonisateur, le franc CFA. L’indépendance est inachevée dès lors qu’il y a encore du chemin à parcourir pour que se réalise entièrement la volonté du peuple de se débarrasser complètement du colonialisme, ce système d’oppression et de pillage, alors que se manifeste chaque jour le désir pour tout un peuple de se prendre en main pour une vie meilleure.

Ces éléments marquent l’inachèvement et l’inaccomplissement total de l’indépendance des Comores et méritent une attention soutenue et beaucoup d’énergie de la part des Comoriens. Nos aînés ont fait ce qu’ils ont pu pour libérer notre pays, nos vies et notre Histoire. Il est de notre devoir, nous qui sommes entrés en politique après l’indépendance des Comores, de faire mieux qu’eux ou plus qu’eux, si réellement nous voulons montrer que nous avons bénéficié d’un capital culturel plus élevé, compte tenu des conditions particulières de notre époque. Nos aînés étaient nés au cours d’une période très difficile, une période rythmée par un colonialisme décomplexé, avec tous les handicaps culturels et intellectuels que cela suppose. Pourtant, mais ils ont combattu à leur manière le colonialisme et ont pu arracher l’indépendance de notre pays. Dès lors, il serait grave et lâche si leurs enfants nés sous un jour mieux éclairé, plus instruits, sont incapables de faire mieux et de parachever l’indépendance de leur pays. À chaque génération, ses responsabilités.

L’occupation par la France d’une partie du territoire comorien: Mayotte



Le principal point de non-achèvement l’indépendance des Comores réside dans l’occupation par la France d’une partie du territoire national comorien tel qu’il est reconnu sur le plan international. La France occupe encore une partie du territoire des Comores, la fait sienne, la transforme en un département français, au grand mépris du Droit international public. Elle brandit cette partie du territoire comorien comme un trophée de guerre. Elle brandit son trophée Mayotte auprès des autres États européens, en le transformant une zone ultrapériphérique de l’Union européenne. Pour sa part, l’Union européenne a cautionné, en acceptant la rupéisation d’un territoire étranger, Mayotte, la mainmise de la France sur une partie d’un État étranger.


La France a imposé, depuis 1995, un visa d’entrée à Mayotte aux Comoriens qui veulent circuler sur une partie de leur propre territoire national. Les autres grands empires coloniaux de jadis n’ont jamais franchi ce pas, en imposant un visa d’entrée dans leurs pays respectifs aux citoyens récalcitrants face à l’occupation. C’est à croire que la France est restée dans sa pratique coloniale, sans volonté de changer de mentalité à l’égard des autres peuples. Il y a donc lieu de manifester de l’inquiétude car il y a complicité et duplicité de la part des différents gouvernements comoriens. L’une des preuves de cette attitude inacceptable de la part des dirigeants comoriens a été donnée lors de la déportation du Président Saïd Mohamed Djohar à l’île Bourbon, avec la complicité de certains d’entre eux, et quand certains responsables comoriens ont accepté et admis que l’Ambassade de France aux Comores délivre aux Comoriens des visas d’entrer dans une partie du territoire national de leur pays. L’introduction de ce visa a causé la mort de plus de 15.000 Comoriens.


Dès lors, des questions se posent: comment nos dirigeants peuvent continuer à avoir des relations diplomatiques normales et apaisées avec la France, malgré le lourd contentieux de l’occupation de Mayotte? Comment les dirigeants comoriens, de la majorité et de l’opposition, peuvent-ils aller à l’Ambassade de France à Moroni pour fêter le 14-Juillet au mépris et aux dépens de nos 15.000 morts? N’est-il pas venu le moment de faire le bilan de nos compromissions avec la France et trouver une autre solution à la résolution de la question de Mayotte?

La question de la monnaie dite «comorienne»


«Le lion qui tue, c’est le lion qui ne rugit point. Il est comme l’argent qui silencieusement nous étrangle», dit un proverbe africain bien connu. Le rappel de ce proverbe est utile car le deuxième point qui marque l’inachèvement de notre indépendance réside dans l’usage, par les Comoriens, d’une monnaie étrangère, une monnaie française, devenue européenne. Le franc CFA, qu’on appelle aujourd’hui, franc comorien, est une monnaie française devenue européenne, émise pour les intérêts de la France. Or, battre monnaie est l’un des attributs les plus éminents et les plus emblématiques de la souveraineté nationale d’un État. On sait aujourd’hui, comme hier, les rôles importants de la monnaie pour le développement économique d’un pays. Après trente-huit ans d’usage de cette monnaie coloniale, notre pays n’a jamais connu une période de prospérité économique. La situation économique est chaotique et le déficit de notre balance commerciale augmente d’une façon exponentielle d’une année à l’autre. Ce déficit est dû, surtout, à l’usage que font les Comoriens d’une monnaie étrangère surévaluée, qui n’est reflète pas la réalité économique de leur pays.

La politique économique, financière et monétaire des Comores est définie à Francfort, siège de la Banque centrale européenne, par des hommes et des femmes qui ignorent tout de la réalité des Comores, notamment en ce qui concerne leur économie nationale. Cela étant, il serait temps, après 38 ans de perpétuation d’une soumission et d’une politique de mendicité ayant débuté au moins en 1840, que les Comoriens se prennent en charge. On ne peut pas continuer à fermer les yeux sur les réalités dramatiques que vivent les Comoriens au quotidien. La politique «d’indépendance dans la dépendance», la fameuse «indépendance dans l’interdépendance», est une voie sans issue. Elle est suicidaire dans tous les sens du mot. C’est pourquoi, le Mouvement Comores Alternatives mène un combat de sensibilisation de la population comorienne afin qu’elle se prenne en charge et quitte la zone franc, cette survivance de la colonisation. Les Comoriens doivent se prendre en charge, surtout pendant cette période de crise économique qui frappe en particulier l’Europe, y compris la France. Cette dernière doit aussi comprendre qu’elle a beaucoup d’intérêts à laisser aux Comores et aux autres pays africains de la zone franc toute latitude pour gérer leurs propres monnaies nationales. Un divorce à l’amiable s’impose et pourrait aboutir à une bonne coopération économique et monétaire et à la responsabilité pour chaque État de maîtriser son destin.


L’État et la classe politique au service du peuple

Le peuple comorien a voulu l’indépendance en espérant une vie meilleure, après une colonisation qui a commencé officiellement en 1841. Or, le constat est amer et désabusé, après 38 ans d’indépendance. La situation est grave. Elle est d’autant plus grave que, par une cruelle ironie du sort, le peuple, au comble du désespoir et des désillusions, regarde la partie occupée des Comores, Mayotte, comme l’eldorado, le Paradis sur terre. Il y a donc un échec patent, et ce dernier est dû à un déficit de vision d’État, à l’absence de réformes, à l’introuvable adaptation des institutions aux besoins du pays et de sa population. Depuis l’indépendance, on a gardé les structures administratives coloniales, qui n’avaient pas pour objectif de se mettre au service du peuple, mais de servir de celui-ci. C’est pourquoi on se trouve depuis face à une administration qui cherche à profiter du peuple au lieu de servir le peuple.

Le Mouvement Comores Alternatives veut changer l’orientation de l’administration publique comorienne dès les prochaines législatures, qui doivent avoir lieu en octobre 2014, si, par un coup de tête, les autorités n’en décident pas autrement. Autant signaler que le Mouvement Comores Alternatives milite pour l’instauration d’une loi règlementaire:

- instaurant la durée hebdomadaire de travail à 45 heures;

- interdisant au fonctionnaire d’exercer dans le secteur privé. Cette loi concernera surtout les médecins (généralistes, spécialistes et paramédicaux) et les enseignants (du primaire et du secondaire), qui doivent choisir entre travailler uniquement dans le secteur privé ou dans le secteur public.

- instaurant un service hospitalier de soins gratuits, y compris les médicaments, pour tout malade admis à l’hôpital public.

- supprimant les dotations de logements aux fonctionnaires et aux membres du gouvernement et des différentes institutions publiques. Chaque agent ou fonctionnaire de l’État doit s’occuper de son propre foyer par ses propres moyens. Les logements de l’État doivent être attribués aux plus pauvres et non à ceux qui gagnent le plus d’argent.

- instaurant un système permettant de taxer toute activité économique réalisée dans le pays. Un État ne peut pas vivre sans recette.


- instaurant un service national obligatoire de deux ans pour chaque enfant comorien. D’autres mesures seront prises pour rendre l’État et l’administration des Comores des outils au service du peuple et non l’inverse.

Par Saïd-Abdillah Saïd-Ahmed
Principal Animateur de Comores Alternatives
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