REPORTAGE - De nombreux incidents ont visé les communautés musulmanes britanniques. Les organisations d'extrême droite capitalisent s...
REPORTAGE - De nombreux incidents ont visé les communautés musulmanes britanniques. Les organisations d'extrême droite capitalisent sur l'émotion.
Pas arrêtés par la pluie incessante, des habitants de Woolwich se succèdent pour déposer des bouquets de fleurs le long des grilles de la caserne de la Royal Artillery, au carrefour où un soldat de 25 ans, Lee Rigby, a été sauvagement tué mercredi par deux assaillants se revendiquant d'Allah.
Beaucoup d'émotion, certains peinent à contenir des larmes. Les nerfs à fleur de peau. Le ton monte lorsque plusieurs personnes veulent arracher un message accroché là citant une phrase de Gandhi: «Œil pour œil finira par rendre le monde aveugle». Quelques personnes s'indignent, en dépit de l'intention pacifique, de voir reprise l'expression «œil pour œil», utilisée, quelques instants après son crime, par un des tueurs pour se justifier. «C'est déplacé, c'est offensant», s'enflamme Sarah Woods, agent immobilier de 47 ans, s'abritant sous son parapluie. Pas besoin de trop la prier pour qu'elle laisse libre cours à sa rancœur. «Ça suffit! C'est un pays chrétien ici, on n'applique pas la charia. Qu'ils ne viennent pas prêcher ici! Il y a encore une semaine, le tueur distribuait sa propagande à deux minutes d'ici en pleine rue, sous les yeux de la police. Il a forcé ma fille à prendre un de ses tracts. Je ne veux pas que mes impôts payent ses soins à l'hôpital - qu'on le laisse mourir! Et vivement qu'on se débarrasse de cette stupide loi sur les droits de l'homme qui permet aux terroristes de toujours s'en tirer!»
À quelques pas, devant le pub Queens Arms flotte le drapeau blanc à croix rouge de l'Angleterre, étendard des nationalistes. Peut-être attirés par ce symbole, des militants de l'organisation extrémiste English Defense League y sont venus le soir du meurtre s'alcooliser avant d'aller manifester dans le centre, provoquant des échauffourées avec la police. Tony Northover, 35 ans, le propriétaire, se désole de la confusion. «Le drapeau anglais a toujours été là parce que je suis anglais, mais nous ne sommes pas du tout associés à ce mouvement, dont les sympathisants ne venaient pas d'ici mais d'autres quartiers, insiste-t-il. Au contraire, nous accueillons toutes les communautés. Et ça s'est toujours bien passé.»
Pointant les barres de logements sociaux tout autour, il désigne «la mini-Somalie à gauche, un mini-Nigéria à droite, on a des Indiens, des Anglais et tout le monde se retrouve chez nous les soirs de match».
Au sud de la Tamise, Woolwich est l'un des quartiers les plus mélangés de Londres. Le modèle d'intégration à la britannique où, à l'inverse des ghettos périurbains français, différentes communautés cohabitent dans les villes, est mis à mal. Pas moins de 1 200 policiers ont été déployés en renfort dans les lieux sensibles. Des dizaines d'incidents racistes ont été rapportés à travers le pays depuis mercredi.
Veillée œcuménique
Les mouvements d'extrême droite capitalisent sur l'émotion pour recruter des sympathisants. Après l'English Defense League, le British National Party, en perte de vitesse depuis des années, prévoit une manifestation à Woolwich le 1er juin. Dans les rues, des bobbies en gilets jaunes à pied et des patrouilles motorisées sont très visibles. Le Greenwich Community College a renforcé sa sécurité. Les étudiants doivent montrer leur badge à des vigiles à l'entrée. «Il y a beaucoup d'étudiants musulmans, on ne veut pas prendre de risques», dit un responsable.À la mosquée voisine, les fidèles affluent en début d'après-midi pour la prière du vendredi. Deux policiers veillent au grain. L'imam a affiché une déclaration dans laquelle il «condamne dans les termes les plus fermes le meurtre barbare d'un militaire et partage le chagrin de la nation». Il rappelle que «la communauté musulmane locale a toujours entretenu d'excellentes relations avec toutes personnes de toute religion, couleur ou origine ethnique».
Pourtant, les tensions sont perceptibles. Un employé de la mosquée, un Anglais converti à l'islam qui se présente sous le nom de Mohammed, raconte: «Hier, des gens ont craché devant la mosquée. On s'en prend à nous en tant que musulmans. On veut nous empêcher de prêcher notre foi.»
Les responsables de toutes confessions ont tenu jeudi soir une veillée œcuménique. Ce samedi, des résidents du quartier organisent une marche pacifique. Dans le restaurant hallal Shade's Special Food Palace, Collins Obazogbon, 34 ans, Nigérian chrétien, s'inquiète de voir se rompre une harmonie jusque-là préservée. «Personne ne sent plus en sécurité ici, témoigne-t-il. En tant que Noir, je me sens menacé, je n'ose plus sortir le soir seul. Depuis dix ans que je vis ici, je n'avais jamais vu ça. Chrétiens, musulmans, quelles que soient ses origines, on doit s'unir, pas se discriminer.» lefigaro.fr
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